2022 en luttes : les mobilisations qui ont marqué l’année

L’année 2022 a été marquée par des luttes populaires qui, pour certaines, continueront d’être menées en 2023.

Au Québec comme ailleurs au Canada et à l’international, des citoyen·nes se sont organisé·es et se sont soulevé·es pour crier leur indignation et leurs revendications pour un monde plus juste et habitable.

La résistance des aîné·es du Mont-Carmel

Six membres du comité des résident·es de Mont-Carmel. | Photo : Thibault Carron (Pivot)

C’est une saga judiciaire qui oppose depuis plusieurs mois les résident·es du Mont-Carmel au propriétaire de cette résidence privée pour ainé·es (RPA). En janvier dernier, les « résistant·es du Mont-Carmel » avaient reçu un avis d’éviction de la part du nouveau propriétaire de la RPA, lié au spéculateur immobilier Henry Zavriyev.

Depuis, les aîné·es sont au cœur d’une bataille judiciaire pour faire valoir une clause du contrat de vente, stipulant que le nouveau propriétaire s’engageait à conserver la vocation de la RPA. Au cours de l’année, malgré une injonction du tribunal, le propriétaire a mené la vie dure aux locataires, coupant dans plusieurs services de base de la résidence.

Contre l’extractivisme, les peuples autochtones et les citoyen·nes s’organisent

Un rassemblement avec le Chef Na’Moks, chef héréditaire Tsayu de la nation Wet’suwet’en, devant le siège social de la RBC, place Ville Marie, pour protester contre le financement des projets de gazoduc Coastal GasLink et TransMountain, le 12 mai 2022. | Photo : Thibault Carron (Pivot)

Depuis plusieurs mois, des membres de la Première Nation Wet’suwet’en s’opposent à la construction d’un gazoduc sur leur territoire traditionnel dans l’Ouest du pays. Au mois de mai, et à nouveau en décembre en marge de la COP15, des représentants de la nation et des environnementalistes sont venu·es manifester à Montréal devant la Banque royale du Canada (RBC), l’un des soutiens financiers les plus importants du pipeline Coastal GasLink en Colombie-Britannique.

Au Québec, avec le projet caquiste d’électrification des transports, les projets d’exploitation minière se multiplient aussi. Cela menace les projets de conservation des territoires, malgré les efforts de mobilisation des citoyen·nes. Dans les Laurentides, les habitant·es dénoncent depuis plusieurs mois ce qui pourrait devenir la plus grande mine de graphite à ciel ouvert du monde occidental.

Le convoi de la liberté

Photo : Luke LeBrun (PressProgress)

Si une manifestation canadienne a marqué l’année 2022, c’est sans doute celle du « convoi de la liberté » à Ottawa. S’affichant comme une protestation populaire contre les mesures sanitaires, le convoi qui a longuement assiégé le centre-ville d’Ottawa cachait toutefois des dessous moins reluisants. Les enquêtes originales de PressProgress ont ainsi soulevé les impacts du convoi de la liberté sur la population locale : harcèlement des enseignant·es, des élèves et des parents des écoles avoisinantes; menace sur les travailleurs et les commerces locaux, etc. Le rôle central de l’extrême droite dans l’organisation et le soutien du mouvement a aussi été mis en lumière.

Solidarité internationale : pour le peuple ukrainien, le droit à l’avortement aux États-Unis, les femmes iraniennes

Manifestation dans le cadre de la journée mondiale pour la liberté des femmes en Iran, le 1er octobre 2022 | Photo : André Querry

Des drapeaux bleu et jaune aux fenêtres des maisons, sur les façades des bâtiments et dans les mains des manifestant·es, venu·es montrer par centaines, à Montréal en avril, leur soutien au peuple ukrainien. Depuis l’invasion de la Russie en Ukraine le 24 février dernier, le monde occidental a manifesté son soutien à un peuple déplacé, meurtri, mais résistant.

Aux États-Unis, la Cour suprême invalidait en juin dernier l’arrêt « Roe v. Wade », qui garantissait l’avortement comme un droit constitutionnel. Pour les Américaines, avorter est désormais difficile, voire impossible dans certains États. Au Québec et au Canada, les réactions de soutien ont été nombreuses et immédiates pour rappeler le droit inébranlable à la justice reproductive.

« Femme, Vie, Liberté » : le slogan des Iranien·nes contre le régime islamique s’est fait entendre à Montréal et partout dans le monde depuis octobre dernier, en écho aux manifestations en Iran. Depuis la mort de la jeune kurde-iranienne de 22 ans Jîna Mahsa Amini, arrêtée par la police des mœurs pour ne pas avoir porté son voile de façon appropriée, le peuple iranien s’est soulevé. À Montréal, le 22 octobre, 7000 manifestant·es ont apporté leur soutien au peuple iranien en criant ce même slogan en français, en anglais et en persan.

Des luttes citoyennes pour l’air et le territoire

Elisabeth Greene, membre de la Mobilisation 6600, et Anaïs Houde, co-porte parole de la Mobilisation devant le terrain de Ray-mont Logistiques, en mars 2022. | Photo : Thibault Carron (Pivot)

En 2022, les Québécois·es ont voulu protéger leurs territoires contre les pollutions engendrées par l’activité industrielle.

D’abord contre la fonderie Horne, cette usine à Rouyn-Noranda qui dégage une pollution accrue d’arsenic depuis des années. Québec proposait une limite d’émission d’arsenic de 15 nanogrammes par mètre cube (ng/m⁠⁠⁠⁠3) d’ici cinq ans, contre 100 ng/m⁠⁠⁠⁠3 actuellement et alors que la norme québécoise est de seulement 3 ng/m3. Les habitant·es de la ville ont rejeté la proposition du gouvernement le 13 décembre dernier.

À Limoilou à Québec, les résident·es du quartier se mobilisent contre une pollution au nickel, en provenance des installations portuaires à proximité. Ainsi, les habitant·es respireraient quatre fois plus de nickel que ceux et celles de la haute-ville. On connaîtra le 16 janvier les résultats d’une étude approfondie sur la situation. Mais le gouvernement Legault a déjà assoupli ses normes en avril en multipliant par cinq le taux de nickel toléré dans l’air au Québec.

La mobilisation des habitant·es d’Hochelaga-Maisonneuve pour protéger leurs espaces verts fait date. Elle a débuté en 2016, après que l’entreprise Ray-Mont Logistiques ait acquis 2,5 millions de pieds carrés de friches industrielles pour y développer une vaste plateforme de transbordement de marchandises, à deux pas des résidences et dans un espace vert cher aux habitant·es, abritant un boisé et des milieux humides. Plus récemment, le prolongement d’un boulevard urbain par les autorités municipales et provinciales est venu s’ajouter aux menaces. L’inquiétude des résident·es quant aux nuisances et à la pollution engendrée est grande, et leur résistance se poursuit chaque jour.

Les communautés LGBTQ+ se mobilisent

Marche trans à Montréal, le 6 août 2022 | Photo : André Querry

Les communautés LGBTQ+ ont dû faire face à de nouveaux obstacles pour faire valoir leurs droits. Fin 2021, le projet de loi 2, qui réformait le droit de la famille et modifiait les critères pour faire changer sa mention de sexe à l’état civil, imposait des conditions jugées discriminatoires pour les personnes trans, non binaires et intersexes.

Au printemps 2022, la « mobilisation historique » des groupes LGBTQ+ a finalement forcé le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette à ajuster le tir. Au bout du compte, les personnes non binaires peuvent désormais obtenir des papiers conformes à leur identité, mais plusieurs questions cruciales pour les communautés LGBTQ+ restent en suspens, notamment l’avenir de la gestation pour autrui et des familles pluriparentales.

Le 7 août, après l’annulation de dernière minute du défilé de la Fierté, une marche spontanée, organisée par la communauté, a finalement bien eu lieu dans les rues de Montréal. La veille, une imposante marche de la Fierté pour les personnes trans avait aussi été tenue dans les rues de la ville.

23 septembre : les jeunes manifestent contre l’inaction climatique

Photo : Rebecca Lessard (CC BY 2.0)

Des dizaines de milliers de manifestant·es sont une nouvelle fois descendu·es dans les rues du Québec, le 23 septembre dernier, pour exiger des engagements politiques plus forts en matière de justice climatique. À Montréal, une foule d’environ 15 000 personnes s’était réunie.

Depuis les premières grèves pour le climat en 2019, la mobilisation climatique a souffert des contrecoups de la pandémie, mais elle a repris en force au cours de la dernière année, notamment grâce aux efforts de Travailleur·euses pour la justice climatique (TJC) et de la Coalition étudiante pour un virage environnemental et social (CEVES). La colère gronde toujours face à l’inaction climatique déplorée par les manifestant·es.

Des luttes syndicales acharnées

Succursale de la SQDC sur la plaza Saint-Hubert, à Montréal, les fenêtres placardée d’affiches apposées par les grévistes, le 1er juin 2022 | Photo : Marie Sébire (Pivot)

Depuis le 28 mai, les employé·es d’une vingtaine de succursales de la Société québécoise du cannabis (SQDC) et membres du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) sont en grève générale illimitée. Pour cause : principalement des salaires insuffisants pour vivre au-dessus du seuil de pauvreté, fixés à 17,12 $ à l’embauche et qui ne suivent pas ceux d’une société d’État. Le 13 décembre, après plus de six mois de grève, les employé·es ont encore rejeté à 94 % la toute dernière offre patronale.

À l’usine Rolls-Royce située à Lachine, les membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses de Rolls-Royce Canada (STTRRC) ont été maintenu·es en lock-out par leurs patrons pendant plus de cinq mois cette année. Les employé·es réclamaient de meilleures conditions salariales et de travail, alors que le gouvernement Legault avait annoncé des millions $ en subventions dans l’industrie aéronautique une semaine avant la grève. Déclenché le 15 mai dernier, le lock-out a pris fin le 1er septembre.

En novembre dernier, le personnel de soutien scolaire en Ontario a également manifesté sa colère et fait pression pour annuler le projet de loi 28 visant à imposer un contrat de travail défavorable et à interdire la grève. La mobilisation des 55 000 travailleur·euses de l’éducation du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) a suffi à faire reculer le gouvernement Ford, qui a abandonné la loi le 11 novembre.

Mobilisation pour et contre la COP15 : le combat pour la biodiversité

Manifestation « Bloquons la COP15 », le 19 décembre 2022 | Photo : André Querry

Lors de la 15e Conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP15) qui a eu lieu en décembre à Montréal, des environnementalistes de divers horizons se sont mobilisé·es – malgré une présence policière monstre – pour presser les dirigeants du monde d’agir urgemment pour préserver la diversité des espèces vivantes sur la planète.

D’un côté, la Coalition anticapitaliste et écologiste contre la COP15 a occupé les marges de l’évènement pour contester et remettre en cause l’utilité même de la conférence, jugée « au service du capitalisme vert ». De l’autre, les groupes écolos membres du Collectif COP15 ont agi au sein de la conférence pour faire entendre leurs revendications. Enfin, dans et hors les murs de la COP15, les leaders autochtones ont insisté sur l’importance de la décolonisation pour protéger le vivant.

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