Déforestation liée au projet minier Matawinie, de Nouveau Monde Graphite, à Saint-Michel-des-saints | Photo : Coalition des opposants à un projet minier en Haute-Matawinie
Nouvelle

Les efforts de conservation de la nature se frappent au boom minier du Québec

La multiplication des claims miniers pourrait empêcher la mise sur pied d’aires protégées pour de nombreuses années.

· ·

La part du territoire québécois couvert par des claims miniers est en augmentation rapide au Québec. Ces droits d’exploration minière pourraient toutefois devenir un obstacle majeur à la création de nouvelles aires protégées, car ils ont préséance sur les désirs de conservation.

Le nombre de claims miniers présents au Québec explose depuis deux ans, selon les données MiningWatch Canada. Le Sud du Québec en compte maintenant plus de 20 000, qui représentent ensemble une aire comparable à l’île de Cuba, d’après Rodrigue Turgeon, porte-parole de MiningWatch et de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine.

Ces permis ne permettent pas aux compagnies qui les détiennent d’exploiter la ressource visée, mais ils permettent des activités d’exploration qui peuvent avoir de grands impacts sur la biodiversité et les populations environnantes, explique-t-il.

« Les nouveaux claims progressent et viennent toucher les réserves fauniques et les parcs régionaux qui n’ont pas nécessairement de statut d’aire protégée, contrairement à ce que leur nom suggère », prévient la responsable de la Société pour la nature et les parcs (SNAP) du Québec, Delphine Favorel. « Nous nous retrouvons dans une situation où les mines descendent vers le sud au même moment où les espèces migrent vers le nord en raison des changements climatiques », poursuit-elle.

Claims miniers dans le sud-ouest du Québec | Source : MiningWatch Canada

Un obstacle pour la préservation future

En parallèle, de nombreux efforts de conservation et de planification du territoire sont déployés un peu partout dans la province, explique Dephine Favorel. « Mais les claims viennent un peu éteindre tout ça », dénonce-t-elle.

Les claims pourraient par exemple être une entrave majeure à la réalisation du désir de la Communauté métropolitaine de Montréal de protéger 30 % de son territoire d’ici 2030, illustre-t-elle.

Les villes pourraient demander à la province d’intervenir, mais la loi actuelle ne prévoit pas que les claims puissent être retirés pour des motifs de protection du territoire, explique Rodrigue Turgeon.

Pas seulement pour des minéraux stratégiques

Le Canada vient d’annoncer une stratégie sur les « minéraux critiques » – c’est-à-dire ceux qui entrent dans la composition de technologies énergétiques dites « propres » –, qui vient s’ajouter au plan du Québec en la matière. Toutefois, une bonne partie des nouveaux claims miniers n’aurait rien à voir avec la transition énergétique et la filière des batteries, prévient Émile Côté-Brassard, analyste minier pour Eau Secours. 

Une grande partie des projets, voire la majorité dans certaines régions comme l’Estrie, visent l’exploitation de l’or, remarque-t-il. « Or, l’or n’a qu’une utilité marginale pour la transition énergétique. Seulement 8 % de la production mondiale sert à de la technologie, le 92 % restant deviendra des bijoux ou des lingots », explique-t-il.

« Les claims viennent un peu éteindre [les efforts de conservation et de planification du territoire]. »

Delphine Favorel, SNAP Québec

Selon lui, il serait grand temps qu’on ait une réflexion commune sur le genre de projets miniers que nous sommes prêt·es à accepter et sur la réglementation qui les entoure, surtout si l’on compte protéger la biodiversité.

Une réflexion que le gouvernement du Québec ne semble toutefois pas prêt à avoir, selon Rodrigue Turgeon. Il concède toutefois que la nouvelle ministre des Ressources naturelles, Maïté Blanchette Vézina, démontre jusqu’à maintenant une plus grande écoute que son prédécesseur.

« Nous lui avons présenté il y a plusieurs semaines des demandes qu’elle aurait le pouvoir d’implémenter demain matin. Elle a écouté, mais rien n’a encore été fait. C’est maintenant à elle de se lever contre le lobby de l’industrie minière », conclut-il.

Vous aimez notre contenu? Abonnez-vous à Pivot pour soutenir un média indépendant qui bouleverse le statu quo, suscite le débat et permet à de nouvelles voix de se faire entendre.

Pas prêt·e à vous abonner à Pivot? Inscrivez-vous à notre infolettre pour recevoir les actualités des luttes et des alternatives.