Réuni·es à Montréal, des diplomates de 196 pays négocieront la forme que prendra la protection de la biodiversité pour le reste de la décennie. L’objectif : s’assurer que la crise du vivant ne passe pas derrière celle des changements climatiques et se doter de mécanismes de conservation qui intègrent la participation des peuples autochtones. Mais comment?
Les négociateur·trices réuni·es pour la quinzième Conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP15) tenteront d’adopter une résolution qui mènerait à la protection de 30 % des habitats terrestres et marins d’ici 2030. Ils et elles doivent en plus s’assurer que cet objectif se réalise en respectant les droits de la personne, ce qui représente tout un défi, explique Anne-Céline Guyon, responsable de la mobilisation du Collectif COP15, qui réunit une centaine de groupes sociaux et écologistes.
« C’est une COP clé, mais ça ne va pas être facile. Ce n’est pas garanti qu’on va sortir de là avec un texte, les délégations vont devoir travailler très fort pour y arriver », explique-t-elle.
La réunion ayant été retardée de deux ans en raison de la pandémie, sa réussite est toutefois impérative pour freiner l’effondrement du vivant, prévient Marie-Josée Béliveau, porte-parole de Greenpeace Canada. « Le 30 % [d’habitats protégés], c’est réellement le minimum viable. Il faudra réellement des engagements clairs de chacun des gouvernements qui participent et qu’ils les prennent sérieusement par la suite », remarque-t-elle.
« C’est une COP clé, mais ça ne va pas être facile. Ce n’est pas garanti qu’on va sortir de là avec un texte. »
Anne-Céline Guyon, Collectif COP15
Les peuples autochtones au cœur des enjeux
Au-delà des mesures de protection et de restauration de la nature et de la lutte contre la pollution, l’enjeu des pourparlers sera la reconnaissance des droits de gouvernance des peuples autochtones, rappelle Anne-Céline Guyon. « Les peuples autochtones sont essentiels pour la protection de la biodiversité parce que c’est sur leurs territoires que l’on retrouve 80 % de la biodiversité restante », explique Marie-Josée Béliveau.
Les membres des communautés autochtones se sont posés en défenseur de cette biodiversité, parfois au détriment de leur vie. Ces communautés ont une vision et une connaissance très fine de la biodiversité qui doit être considérée si l’on espère freiner l’effondrement du vivant, explique-t-elle.
« Malheureusement, on a beaucoup d’exemples de mesures de conservation des écosystèmes qui ont été mises en place par des gouvernements, avec la complicité de grandes ONG internationales, au détriment des peuples autochtones. Du jour au lendemain, ils se retrouvent à ne plus pouvoir faire l’usage traditionnel de leur terre et parfois même à être déménagés de force », déplore Anne-Céline Guyon.
C’est pourquoi il faut, selon elle, que les diplomates réussissent à s’entendre sur des mécanismes qui permettront à ces communautés d’être de toutes les tables et de toutes les décisions qui porteront sur la biodiversité à l’avenir.
« Les peuples autochtones sont essentiels pour la protection de la biodiversité parce que c’est sur leurs territoires que l’on retrouve 80 % de la biodiversité restante. »
Marie-Josée Béliveau, Greenpeace Canada
En attendant, des leaders autochtones des quatre coins du monde seront présents à Montréal et prendront la parole pour partager leur lutte tout au long de la COP15. Ce sera notamment le cas dans une allocution vendredi matin et durant la Grande Marche pour le vivant de samedi, où ils prononceront la plupart des discours, explique-t-elle.
Deux crises qui se répondent
L’autre enjeu de la conférence sera de s’assurer d’envoyer un message suffisamment fort pour s’assurer qu’à l’avenir, la crise de la biodiversité ne soit pas occultée par la lutte aux changements climatiques, explique Anne-Céline Guyon.
« Il faut que les réponses aux crises soient adressées de concert, parce qu’il y a un vrai risque de vouloir répondre à la crise climatique, notamment avec des technologies, au détriment des écosystèmes naturels et de la biodiversité », explique-t-elle.
Elle donne en exemple le Québec, qui ouvre présentement une grande partie de son territoire naturel à des claims miniers pour l’exploitation de ressources servant à la transition énergétique. Un cas qui montre bien, selon elle, que l’on ne peut pas penser les deux crises en silo si on espère arriver avec des solutions appropriées.
« On ne s’en sortira pas en verdissant simplement quelques pans de notre économie, ça prend des réponses beaucoup plus en profondeur. »
Anne-Céline Guyon
Une occasion d’aller au cœur du problème
Pour le Collectif COP15, les prochaines semaines seront aussi une occasion d’amener la société civile québécoise à discuter des fondements du problème, pendant que l’attention du public sera tournée vers les problèmes de biodiversité.
« La COP15 est une occasion d’enfin parler des vraies affaires, d’aller beaucoup plus loin dans les causes systémiques des crises environnementales. Et ça, au fond, c’est notre mode de vie beaucoup trop basé sur l’exploitation à outrance des ressources naturelles », remarque Anne-Céline Guyon.
Pour ce faire, le collectif organise une série de conférences ouvertes au public qui parleront des initiatives locales pour la biodiversité, mais aussi de décroissance, de développement économique et de réinvention du rapport entre l’humain et la nature.
« On ne s’en sortira pas en verdissant simplement quelques pans de notre économie, ça prend des réponses beaucoup plus en profondeur, structurantes, c’est un changement de paradigme dont on a besoin », conclut-elle.