Les élu·es du conseil municipal de Québec ont voté à l’unanimité pour contester la volonté du gouvernement provincial de multiplier par cinq les concentrations de nickel permises dans l’air ambiant. Le nouveau règlement, proposé par le ministère de l’Environnement à la demande de l’industrie minière, inquiète particulièrement la population de la capitale : le port de Québec étant un important lieu de transit pour le nickel, les résident·es du secteur sont déjà exposé·es depuis longtemps à d’importantes concentrations de ce minerai potentiellement cancérigène.
Réuni·es en conseil lundi soir, les élu·es de tous les partis de même que les indépendant·es ont voté à l’unanimité pour une résolution s’opposant au nouveau règlement sur le nickel proposé par le gouvernement Legault. La résolution enjoint aussi à l’administration municipale d’intervenir officiellement dans le cadre de la consultation publique sur le sujet, qui a lieu jusqu’au 20 février.
La proposition avait été déposée dès décembre par Claude Villeneuve, chef de l’opposition officielle, avec l’appui de Jackie Smith, cheffe de Transition Québec.
« C’est une bonne nouvelle », se réjouit en entrevue Jackie Smith. « L’opposition d’une ville d’un demi-million d’habitants, ça peut avoir un poids monstre dans une consultation publique », souligne-t-elle.
Jackie Smith et Claude Villeneuve représentent respectivement les districts de Limoilou et de Maizerets-Lairet. Cela fait de nombreuses années que les résident·es de ces secteurs dénoncent la présence dans l’air de poussière de fortes quantités de nickel, en provenance du port de Québec. Le projet de règlement du gouvernement Legault a d’ailleurs suscité de nouvelles mobilisations dans les derniers temps.
« C’est le temps de maintenir la pression citoyenne. C’est la prochaine chose à faire », affirme Jackie Smith. Les partis d’opposition invitent les personnes préoccupées à écrire au ministère de l’Environnement.
Les hésitations du maire Marchand
Jusqu’à tout récemment, le maire Bruno Marchand hésitait quant à lui sur la position à adopter dans ce dossier. Il avait notamment envisagé de doter Québec de sa propre norme municipale sur la qualité de l’air et organisé un comité plénier pour entendre les arguments des différentes parties.
L’opposition et les groupes citoyens s’inquiétaient que l’indécision de l’administration Marchand retarde trop les démarches nécessaires pour faire changer d’avis le gouvernement provincial. « Ça a bouffé beaucoup d’énergie et de mobilisation, ça a créé beaucoup d’angoisse et de frustration dans la population », regrette Jackie Smith. « Ce n’était pas le temps de remettre en question l’existence du problème [du nickel], on aurait pu mettre notre énergie à s’attaquer au problème. »
Bruno Marchand s’était finalement décidé vendredi dernier à contester l’allégement des normes sur le nickel. La Ville n’a plus que quelques jours pour déposer un mémoire dans le cadre de la consultation publique organisée par le ministère de l’Environnement, mais l’administration Marchand a indiqué qu’elle serait en mesure de le faire.
Après avoir révélé son projet de règlement à la veille des Fêtes, le ministère n’avait d’abord accordé que 45 jours pour les consultations publiques. Cette période a ensuite été étendue à 60 jours.
Projet de règlement taillé pour l’industrie minière
Le nouveau règlement proposé par le ministère de l’Environnement multiplierait par cinq la quantité de nickel tolérée dans l’air ambiant au Québec, pour la faire passer de 14 à 70 nanogrammes par mètre cube (ng/m3). La moyenne annuelle devrait être maintenue sous 20 ng/m3.
Les études commandées par le ministère assurent que la nouvelle norme ne pose pas de danger pour la santé.
Or, les évaluations du ministère tiennent peu compte des dangers posés par certaines formes de nickel plus cancérigènes, qui sont précisément celles qui ont été détectées dans Limoilou. Le ministère se base notamment sur l’avis favorable d’une experte, Michèle Bouchard, qui est aussi titulaire d’une chaire de recherche financée par plusieurs compagnies minières.
Avec son règlement allégé, le gouvernement Legault répond en effet aux demandes de l’industrie minière, notamment de Glencore Canada : cette entreprise possède la mine de nickel Raglan, dans le Nord de la province, dont le minerai passe ensuite par le port de Québec. Dans les prochaines années, l’exploitation du nickel est appelée à croître de manière importante avec la multiplication des voitures électriques et autres technologies « propres ».