On a manifesté pour la justice environnementale : quels sont les prochains pas?

Les faits concernant les injustices sociales liées aux crises environnementales sont établis depuis longtemps montre un récent rapport. Il est temps de passer à l’action.

Début septembre, la Fondation David Suzuki publiait un rapport sur les manières de réaliser la « justice environnementale » au Québec. Vendredi dernier, plus de 147 000 étudiant·es ont fait la grève pour demander au gouvernement d’agir contre les injustices liées à la crise climatique. Le message est clair : il faut avoir des indicateurs pour mesurer les injustices environnementales, reconnaître le racisme systémique et faire pression sur notre gouvernement pour qu’il agisse.

Nous avons discuté avec Léa Ilardo, auteure principale du rapport de la Fondation David Suzuki, et Amélie Beaulé, co-organisatrice de la manifestation, pour comprendre ce qu’est la justice environnementale et décortiquer ce que les cinq principaux partis proposent en la matière.

En premier lieu, reconnaître le problème

« Le mouvement de la justice environnementale est né aux États-Unis pour contrer les injustices et le racisme environnemental », explique Mme Ilardo. Ce mouvement reconnaît que les conséquences de la crise climatique affectent disproportionnellement les personnes les plus marginalisées, telles que les personnes racisées et les personnes à faible revenu, et soutient qu’il faut rectifier cette injustice.

Mais l’analyste de politiques climatiques trouve que l’on manque de volonté à cet égard au Québec. « Le gouvernement actuel ne reconnaît pas la présence de racisme systémique. On refuse de reconnaître au Québec qu’il y a des liens entre les enjeux de racisme, d’environnement et de santé publique », affirme-t-elle. « L’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador a reconnu que le dernier mandat a été un des pires au niveau de l’avancée des droits des Autochtones. Pourtant, la reconnaissance de ces droits est intimement liée à la justice environnementale. »

Le Parti libéral du Québec (PLQ) et Québec solidaire (QS) sont les seuls qui reconnaissent le racisme systémique dans leurs plateformes. Ces deux partis s’engagent à mettre en place le Principe de Joyce et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). 

Mme Ilardo croit qu’il y a de la réticence de la part du gouvernement à adopter la DNUDPA à cause d’une incompréhension du principe du consentement préalable libre et éclairé des peuples autochtones qui y figure. « Beaucoup croient à tort que ce principe est un droit de veto des peuples autochtones sur les projets de ressources naturelles », affirme-t-elle. Mais ce principe affirme plutôt le droit des peuples autochtones de participer de manière pleine et effective aux processus de prise de décisions qui les concernent.

« Le mouvement pour la justice environnementale reconnaît que les conséquences de la crise climatique affectent disproportionnellement les personnes les plus marginalisées, telles que les personnes racisées et les personnes à faible revenu. »

Léa Ilardo

Le Québec a déjà ce qu’il faut pour passer à l’action

« En santé publique, les liens entre l’environnement et la santé sont connus depuis longtemps au Québec. Dans ce rapport, j’ai simplement rassemblé les connaissances qui existaient déjà et le vécu des personnes affectées par les injustices environnementales, comme celles qui vivent près de la fonderie Horne ou dans l’est de Montréal », dit Mme Ilardo.

« Il nous faut des indicateurs qui utilisent l’information qu’on a déjà pour mesurer précisément où sont les injustices environnementales au Québec et comprendre comment les gérer. »

L’analyste espère que la consolidation de l’information déjà disponible qu’elle a réalisée pourra contribuer à l’action de ceux qui œuvrent dans le secteur environnemental. « J’espère que le rapport va aider les organismes qui travaillent dans des domaines connexes à l’environnement à avoir une base commune. C’est avec un vocabulaire commun qu’on peut avancer politiquement. »

QS est actuellement le seul des cinq grands partis qui mentionne de manière explicite la justice environnementale dans sa plateforme. Le parti s’engage à renégocier les traités de libre-échange pour conclure des ententes basées sur le respect des droits individuels et collectifs et sur les principes de justice sociale et environnementale.

Les partis qui proposent de grands projets d’énergie – des champs d’éoliens (CAQ), des projets industriels pour l’hydrogène vert (PLQ) ou l’exploitation du gaz de schiste (PCQ) – ne font aucune mention de justice environnementale explicite dans leurs plateformes.

« Il nous faut des indicateurs qui utilisent l’information qu’on a déjà pour mesurer précisément où sont les injustices environnementales au Québec et comprendre comment les gérer. »

Léa Ilardo

QS est le seul parti à vouloir interdire tout projet de transport d’hydrocarbures. Le PLQ s’engage à renoncer à l’exploitation du pétrole et du gaz naturel. La CAQ a déjà adopté en avril dernier une loi officialisant la fin de l’exploration et de la production d’hydrocarbures.

À contre-courant de la tendance générale, le PCQ veut financer l’électrification des transports avec les revenus de l’exploitation d’hydrocarbures. Le PCQ fait mention de l’importance de « l’acceptabilité sociale » par les communautés locales, incluant les communautés autochtones, durant le développement de projets d’exploitation des ressources naturelles.

Mais en pratique, ce genre de consultation publique obligatoire n’est pas toujours efficace. « Ce ne sont pas toujours les personnes directement affectées par un projet qui ont la capacité de participer à ces consultations. Il y a des gens qui ne peuvent pas se permettre financièrement d’y participer », explique Mme Ilardo. « Il faut des démarches de consultations culturellement adaptées aux personnes les plus concernées, parce que ce n’est pas tout le monde qui parle français ou qui a Internet. Une solution possible serait de payer les gens pour leur participation. »

Ces consultations demeurent importantes, car les résultats de celles qui sont liées aux plus grands projets de ressources naturelles sont menées par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), qui remet un rapport directement au ministère de l’Environnement. Ces recommandations ne sont pas contraignantes, mais « si le BAPE émet un avis négatif sur un projet et que le ministère va de l’avant, il y aura une pression énorme contre le gouvernement », explique Mme Ilardo.

Comment faire pression sur le gouvernement?

Mme Ilardo croit qu’il faut soutenir les mobilisations citoyennes qui s’effectuent en ce moment pour la justice environnementale, telle que la manifestation de vendredi dernier, pour montrer qu’il n’y a aucune acceptabilité sociale pour les injustices environnementales.

« On manifeste aujourd’hui pour que, après la campagne électorale, les politiciens accèdent à deux demandes : sortir des énergies fossiles d’ici 2030 et taxer les plus riches pour investir dans nos filets sociaux », déclare Amélie Beaulé, l’une des organisatrices de la manifestation et déléguée de l’Association étudiante du cégep de Saint-Laurent.

« Si cette manifestation ne porte pas fruit, on va mettre un ultimatum au gouvernement et faire une semaine de grève. Si cet ultimatum ne fonctionne pas, on déclenche une grève générale illimitée. Ça peut avoir de grandes répercussions sur la société, comme on l’a vu en 2012. »

Mme Beaulé souligne aussi que la priorité durant les discours de la manifestation a été accordée aux personnes marginalisées qui sont le plus touchées par les injustices environnementales. « On veut que le gouvernement écoute nos revendications et les mette en action. On ne veut plus juste des promesses! »

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