Les projets de mines se multiplient au Québec, comme à Saint-Michel-des-Saints, sans consultation citoyenne et sous le regard des locaux impuissants | Photo : Nouveau Monde Graphite
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Les projets miniers sont « acceptables », sauf pour les principaux concernés

Si François Legault a promis que les futurs projets miniers seraient conditionnels à une « acceptabilité sociale », certaines municipalités et communautés se plaignent toujours du manque de consultation.

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Tandis que la campagne électorale bat son plein et que l’exploitation des ressources naturelles fait débat, l’exploration minière se poursuit au Québec. Pourtant, François Legault avait promis il y a quelques semaines qu’aucun projet minier ne se ferait « sans qu’il y ait une acceptabilité sociale » – mais il n’a pas précisé ce qu’il entendait par là.

15 000 : c’est le nombre de claims miniers dans le sud-ouest du Québec selon la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine. Face à leur multiplication, les municipalités du Lac-des-Plages et de Duhamel en Outaouais ont demandé lundi un moratoire sur les nouveaux claims, pour ne pas que leur région devienne une mine à ciel ouvert. Cette demande est venue s’ajouter à celle déjà émise par la MRC de Papineau en août dernier.

C’est que la compagnie Lomiko Metals a entamé cet été une nouvelle phase d’exploration minière à Lac-des-Plages.

Et ce n’est pas le seul cas du genre : les projets de mines, répertoriés sur une carte interactive de l’Atlas de la justice environnementale, se multiplient partout dans le sud-ouest du Québec et ailleurs. À Saint-Michel-des-Saints, des citoyen·nes s’opposent à ce qui pourrait devenir la plus grande exploitation de graphite en Occident, conduite par l’entreprise Nouveau Monde.

Dans les Laurentides, des citoyen·nes s’inquiétaient aussi en août dernier de l’intérêt d’une entreprise minière pour un gisement de graphite, ce minerai convoité pour les moteurs électriques notamment, dans le parc régional Kiamika. François Legault, en visite à Sainte-Adèle le 18 août dernier, avait alors fait une promesse, celle de l’acceptabilité sociale.

« Il n’y a aucun projet minier qui va se faire sans qu’il y ait une acceptabilité sociale. C’est vrai pour ce projet-là, c’est vrai pour tous les autres projets », avait-il assuré.

Or, depuis cette déclaration, les citoyen·nes de plusieurs communautés locales continuent de regarder, impuissant·es, les explorations minières s’intensifier. « Le public n’a presque pas de recours, voire aucun », déplore le porte-parole et cofondateur de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine, Ugo Lapointe.

Si les projets se poursuivent, qu’entendait donc François Legault en déclarant qu’il faudrait « une acceptabilité sociale autour [des] mine[s] »? Comme elle ne définit pas les contours de l’acceptabilité sociale, une déclaration comme celle du premier ministre est sujette à l’interprétation de chacun·e.

L’acceptabilité sociale sème le doute

Selon Ugo Lapointe, la promesse du chef de la CAQ ne tempère pas la colère des citoyen·nes dans la mesure où elle « n’a aucune incidence sur les claims miniers et l’exploration minière » déjà en cours en Outaouais, dans les Laurentides et partout au Québec. « Ce qui les préoccupe, ce ne sont pas les mines, mais les claims miniers : les mines viendront dans dix ou quinze ans, tandis que les claims et les forages ont cours en ce moment. »

« C’est aberrant que des entreprises puissent acquérir des claims miniers sur des territoires sans informer ou consulter [les communautés] et sans évaluations environnementales », critique M. Lapointe. C’est pourtant ce qu’autorise la Loi sur les mines.

« Qu’est-ce que c’est [l’acceptabilité]? C’est quoi, la définition de François Legault? Parle-t-il de l’acceptabilité pour les populations locales ou pour la population du Québec? », questionne Ugo Lapointe.

Il déplore l’absence de consultations publiques auprès des résident·es des municipalités et des communautés autochtones touchées par les forages. « Les projets devraient atteindre un triple niveau d’acceptabilité sociale : social, régional et national », plaide Ugo Lapointe.

Selon un sondage Omniweb qui a interrogé 995 Québécois·es en juillet dernier sur l’industrie minière au Québec, 78 % se disent favorables à exiger le consentement des populations locales (municipalités et nations autochtones) avant d’autoriser une activité minière sur leur territoire. Ugo Lapointe insiste sur l’importance du respect des droits des communautés autochtones, posant que leur consentement est « fondamental » pour les projets miniers développés sur leurs territoires.

L’importance des évaluations environnementales

Dans sa déclaration, M. Legault a aussi réitéré l’importance de Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), jugé « très utile pour faire la lumière sur les enjeux environnementaux et sociaux » par M. Lapointe. Or, l’organisme consultatif ne possède aucun pouvoir décisionnel en matière d’approbation de projets miniers. « À la fin, c’est le gouvernement qui décide », rappelle le porte-parole de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine.

En plus de ne pas suffire à taire la grogne des communautés locales, ces examens consultatifs sont conduits seulement si les mines dépassent un certain seuil de minéraux extraits par jour (2000 tonnes pour les métaux, 500 tonnes pour les graphites), explique Ugo Lapointe.

En Outaouais, déjà 120 trous de forages miniers ont été creusés dans une zone récréotouristique à Lac-des-Plages, en Outaouais, par l’entreprise Lomiko Metals, mais selon M. Lapointe, aucun examen du BAPE n’a été conduit, la quantité de minéraux extraits ne dépassant pas le seuil réglementaire.

Pourtant, les chiffres sont sans appel : toujours selon le même sondage Omniweb, 86 % des Québécois·es sont d’accord pour exiger que tous les projets de mines et d’agrandissement de mines soient soumis à des évaluations environnementales.

M. Lapointe déplore notamment l’incohérence de l’activité minière établie dans des milieux naturels protégés : « On ne peut pas construire des voitures électriques d’un côté et détruire des milieux naturels prisés de l’autre ». Ainsi, « il faut revoir les lois qui régissent les “territoires incompatibles avec l’activité minière” », affirme-t-il.

Les communautés et les groupes citoyens sont « prisonniers d’une vieille loi sur les mines qu’ils doivent subir », c’est pourquoi ils se mobilisent pour la changer : « c’est la seule chose qu’ils peuvent faire », regrette Ugo Lapointe.

Correction : Le seuil minimal pour que les mines de graphite soient soumises à une évaluation environnementale se situe à 500 tonnes extraites par jour, et non 5000. (15-09-2022)

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