Lettre collective signée par plus de quarante scientifiques, chercheur·euses et universitaires
Un plan de transition cohérent doit s’attaquer de front à notre consommation d’hydrocarbures.
La campagne électorale bat son plein et nous avons droit, comme d’habitude, à des engagements des principaux partis de réduire les émissions de GES, alors que la triste réalité est que le Québec est en voie de rater complètement sa cible pour 2030.
En fait, nous faisons du surplace depuis plusieurs décennies. Faut-il le rappeler? Depuis 1990, malgré une série de promesses ambitieuses, le Québec a diminué de seulement 3 % ses émissions de gaz à effet de serre, alors que nous devons réduire nos émissions, et ce drastiquement, pour respecter nos engagements envers la communauté internationale et les générations futures.
Manifestement nos politiques climatiques actuelles ne fonctionnent pas.
En tant que chercheurs et chercheuses, scientifiques et professeur·es d’université, nous croyons qu’il est temps de nous attaquer directement à la cause principale des changements climatiques : la combustion des énergies fossiles. Il est urgent d’adopter comme cible une sortie du pétrole, du gaz et du charbon comme source d’énergie, plutôt que de miser sur des cibles abstraites et des outils qui nous ont fait perdre de précieuses décennies.
Comme le souligne le dernier rapport du GIEC, la seule possibilité réaliste pour les pays riches comme le Québec n’est pas de miser sur les chimères de solutions technologiques aujourd’hui inexistantes, mais d’apprendre rapidement à vivre sans pétrole et sans gaz.
Nous nous apprêtons à dépasser dangereusement les limites planétaires liées aux émissions de GES. Toutes les trajectoires modélisées à l’échelle mondiale qui limitent le réchauffement à 1,5 °C et celles qui limitent le réchauffement à 2 °C impliquent des réductions rapides, profondes et immédiates des émissions de GES, et ce, dans tous les secteurs.
La consommation de pétrole au Québec
En avril dernier, l’Assemblée nationale adoptait une loi interdisant toute exploration ou extraction de pétrole et de gaz sur l’ensemble du territoire. C’est un premier pas, mais chaque année, nous importons et consommons près de 130 millions de barils de pétrole et près de 10 milliards de mètres cubes de gaz naturel.
Pendant ce temps, le reste du monde s’active. La Norvège continue à produire du pétrole, mais a commencé son sevrage : elle a banni en 2020 l’utilisation des énergies fossiles dans le chauffage des bâtiments et a annoncé que les véhicules à essence neufs seront interdits de vente dès 2025. L’étape suivante sera le secteur industriel, où on s’attend à ce que la consommation d’hydrocarbures soit marginale dès 2030.
Ne devrions-nous pas assumer nous aussi nos responsabilités?
Notre situation est pourtant similaire à celle de la Norvège : nous sommes un petit État nordique où plus de 95 % de l’électricité est hydroélectrique. Comme la Norvège, nous avons l’expertise nécessaire pour lancer les grands chantiers qui s’imposent : repenser la mobilité, transformer les procédés industriels et bannir les hydrocarbures pour le chauffage et la climatisation.
Un gouvernement qui prend ses responsabilités
Le prochain gouvernement québécois doit prendre le leadership d’une transformation profonde, planifiée et juste de notre économie et de nos modes de vie.
Nous demandons l’adoption d’une loi visant à encadrer une sortie complète du pétrole et du gaz à des fins de combustion, une loi qui fixera une date butoir, qui garantira que la transition aura une fin et que celle-ci sera réussie. Voilà notre impératif. Une fois celui-ci fixé, nous pourrons débattre du possible, des modalités et des chemins de cette transition.
Cette loi devra être assortie d’un plan développé démocratiquement avec les principaux secteurs de la société civile, un plan qui s’attaque directement à notre dépendance aux énergies fossiles. Il faudra penser à transformer profondément et de toute urgence les secteurs suivants :
1. la mobilité des biens et des personnes (depuis 1990, les émissions de GES ont progressé essentiellement dans le secteur des transports des personnes et des marchandises; celles-ci comptent pour 43 % de nos GES selon l’inventaire de 2019);
2. le chauffage des bâtiments;
3. l’usage commercial et résidentiel du gaz pour la cuisson;
4. l’usage industriel d’énergies fossiles pour les procédés à haute température.
Un tel plan aurait d’importantes répercussions sociales et économiques et bouleverserait nos modes de vie, mais apporterait aussi d’importants bénéfices sur le plan économique – l’importation d’hydrocarbures plombe la balance commerciale du Québec – et sur le plan de la santé publique, de la justice sociale et de la préservation des écosystèmes et de la biodiversité.
Soyons clairs : nous parlons de transformations sociales majeures, qui supposent une mobilisation complète de tous les secteurs de la société. Mais nous n’avons plus le choix si nous voulons éviter d’être davantage complices de la catastrophe humaine en cours.
C’est avec ces idées en tête que, le 23 septembre, nous marchons lors de la journée mondiale de grève climatique, aux côtés d’étudiant·es, de syndicats et d’organisations communautaires, pour demander à tous les partis politiques d’engager le Québec vers une sortie complète du pétrole et du gaz d’ici 2030. Nous vous invitons à en faire autant, pour un Québec sorti de l’âge fossile, pour marcher vers demain.
Signataires :
Heather Short, PhD, Earth Scientist, Climate Educator and Prof. at Sterling College, Vermont, USA
Daniel Horen Greenford, PhD candidate, Climate policy and ecological economics, Concordia University
Lucie Sauvé, PhD, Université du Québec à Montréal, éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté
Marie Saint-Arnaud, PhD, professeure associée, Institut des sciences de l’environnement, Université du Québec à Montréal
Jonathan Durand Folco, PhD, professeur adjoint, École d’innovation sociale Élisabeth-Bruyère, Université Saint-Paul
Frédéric Legault, Doctorant, Université du Québec à Montréal, Sociologie
Fernando Hitt, PhD, Professeur, Université du Québec à Montréal, Faculté des Sciences
Jean-Marie Desroches, Enseignant de physique, Cégep de Drummondville
Élyse-Ann Faubert, Professeure de Biologie, Cégep Édouard-Montpetit
Réal Reid, M.Sc, chercheur en énergies renouvelables, IREQ (Hydro-Québec), 1980-2022
Luc Desnoyers, PhD, Professeur honoraire, sciences biologiques, UQAM
Louis Marchildon, professeur émérite (physique), UQTR
Emmanuel Raufflet, PhD, Professeur, HEC Montréal
Eric Pineault, professeur et président du comité scientifique, Institut des sciences de l’environnement, Université du Québec à Montréal
Simon Guiroy, doctorant en Intelligence artificielle, Mila – Université de Montréal
Lyne Lefebvre, professeure associée, Université du Québec à Montréal, éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté
Jean Lessard, professeur émérite, chimie organique, université de Sherbrooke
Hugo Cordeau, étudiant au doctorat en science économique, Université de Toronto
Jean-Luc Dion, professeur titulaire retraité, Génie électrique, UQTR
Micheline Beaudry, F.Dt.P. Ph.D., professeure retraitée de nutrition publique, Université Laval
Sara Teitelbaum, professeure agrégée, département de sociologie, Université de Montréal
Christophe Reutenauer, professeur au département de mathématiques de l’UQAM
Félix Bhérer-Magnan, étudiant au doctorat en science politique, Université Laval
Charles-Antoine Bachand, PhD, professeur en fondements de l’éducation, Université du Québec en Outaouais
Estelle Carde, professeure agrégée, département de sociologie, Université de Montréal
Sébastien Rioux, professeur agrégé, département de géographie, Université de Montréal
Adrian Burke, professeur titulaire, Département d’anthropologie, Université de Montréal
Charles-Émile Fecteau, étudiant au doctorat en chimie, Université Laval et Universiteit Gent
Yves-Marie Abraham, professeur agrégé, département de management, HEC Montréal – Membre du collectif de recherche Polémos-décroissance
Bonnie Campbell, Professeure émérite, Université du Québec à Montréal
Stéphane Poirier, Enseignant de géographie, Centre matapédien d’études collégiales, Amqui
Félix Bourgeois-Piché, candidat à la maîtrise, Université Laval. Enseignant en économie, Cégep de Rivière-du-Loup
Jean-Philippe Waaub, PhD, professeur titulaire, département de géographie, UQAM
Rafael Ziegler, Professeur agrégé, département de management, HEC Montréal
Pierre-André Julien, Professeur émérite, d’économie, Université du Québec à Trois-Rivières
Isabelle Miron, professeure, département d’études littéraires, Université du Québec à Montréal
Nicolas Parent, PhD, Enseignant de physique, Cégep de Drummondville
Eric Notebaert, MD MSs. Professeur Agrégé Faculté de Médecine. Université de Montréal – Groupe Changements Climatiques et Santé Planétaire
Arnaud Theurillat-Cloutier, doctorant et chercheur à la Chaire de recherche sur la transition écologique, Université du Québec à Montréal
Hugue Asselin, coordonnateur du Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté, Université du Québec à Montréal
Joseph EL-Khoury, Ph.D. Chargé de cours à HEC Montréal et chercheur au Pôle IDEOS-HEC Montréal
Normand Brunet, Ph.D. Chercheur, enseignant, formateur et coordonnateur en sciences de l’environnement, UQAM (retraité)
Sophie L. Van Neste professeure agrégée à l’INRS, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en action climatique urbaine
Anik Meunier, Ph.D., professeure titulaire, Département de didactique, Faculté des sciences de l’éducation et Programme d’études supérieures en muséologie, Faculté des arts, Directrice du Groupe de recherche sur l’éducation et les musées, UQAM
Marc Brullemans, Ph.D. biophysique, conférencier UTA de Sherbrooke, chercheur au Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec