Avenir de Bridge-Bonaventure : logement social et mobilité au cœur des débats

Logement privé ou social? Auto ou transport collectif et actif? C’est le moment pour le public de partager ses aspirations pour un territoire en fort besoin de réaménagement.

L’éventuel réaménagement du secteur Bridge-Bonaventure, dans le Sud-Ouest de la métropole, se rapproche d’un pas, alors que les Montréalais·es sont invité·es à se prononcer sur son avenir. Ce secteur, porte d’entrée du centre-ville de Montréal, présente une occasion majeure de tester les solutions pour contrer la crise du logement et réduire la place de l’auto. Va-t-on en profiter?

Ce secteur industriel de 2,3 km2 fait l’objet de consultations menées par l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), où le Plan directeur de mise en valeur élaboré par la Ville de Montréal est soumis à l’évaluation des citoyen·nes.

Ce plan propose une vision qui veut respecter l’histoire industrielle du quartier et qui répond aux enjeux posés par les changements climatiques et la crise du logement, tout en tentant une solution pour améliorer la circulation entre la Rive-Sud et l’île de Montréal.

« C’est une très belle opportunité, il y a beaucoup de consensus qui se crée par rapport à la vocation économique patrimoniale du secteur […]. On a vraiment l’occasion de faire un écoquartier complet », explique Robert Beaudry, conseiller municipal dans Ville-Marie et responsable de l’urbanisme au comité exécutif.

Secteur Bridge-Bonaventure | Image : Plan directeur de la Ville de Montréal

Tandis que la proposition de maintenir le secteur majoritairement en zone industrielle est généralement acceptée, c’est autour du logement et du transit que se joue le débat entre les différents acteurs – la Ville, le gouvernement fédéral, les promoteurs privés, les groupes communautaires et le grand public.

Action-Gardien, la corporation de développement de Pointe-Saint-Charles, avait déjà proposé dès 2019 sa propre vision pour le secteur et soumettra une version améliorée lors des consultations publiques.

« On va souligner dans le Plan directeur de la Ville tous les éléments qui sont concordants avec la vision qu’on dépose, et il y en a beaucoup », affirme Karine Triollet, coordonnatrice d’Action-Gardien.

« Mais, on va surtout insister sur les points qui divergent, pour demander à la Ville de revoir son plan et notamment d’être beaucoup plus ambitieux sur la question du logement social et sur l’avenir des terrains publics. »

Les promoteurs privés qui ont acheté des terrains dans le secteur en prévision de cet éventuel réaménagement vont aussi déposer leur propre vision aux consultations. Leur projet envisage une forte hausse de densité des logements, notamment en changeant le zonage de plusieurs de leurs terrains industriels en terrains résidentiels.

La place du logement hors marché

La Ville propose environ 7 600 nouveaux logements, dont la plus grande partie serait développée par la Société immobilière du Canada (SIC) sur ses terrains autour du bassin Wellington, adjacent au bassin Peel. Rappelons l’importance de ce terrain : il s’agit du dernier terrain en domaine public aussi près du centre-ville de Montréal.

Le plan d’Action-Gardien, lui, ne prévoit que du logement social et communautaire (coopératives, HLM, OSBL). L’idée est que des logements de ce genre, hors du marché privé spéculatif, peuvent être réellement abordables et le rester à long terme, et donc mieux contrer les crises de logement.

Bassin Wellington, sur les terrains de la SIC | Photo : Savannah Stewart

Christopher Sweetnam Holmes, directeur immobilier pour la SIC au Québec, soutient que la société d’État fédérale veut développer ses terrains de façon à répondre au besoin de logements réellement abordables à Montréal.

« Nous sommes absolument déterminés à faire en sorte que tous les logements sociaux et abordables demandés dans le Règlement pour une métropole mixte de Montréal soient livrés sur ce site », dit-il. Le Règlement pour une métropole mixte (RMM), aussi appelé « 20-20-20 », impose que les logements sociaux, abordables et familiaux représentent chacun 20 % des nouvelles constructions de plus de 50 unités.

« Nous aimerions dépasser les exigences [du Règlement], mais nous devons équilibrer toutes les exigences pour le territoire », ajoute M. Holmes.

Le Plan directeur indique en effet que la Ville est en discussion avec la SIC pour aller au-delà du RMM sur ses terrains, sans engagement spécifié. « C’est un plan directeur préliminaire et l’entente n’est pas encore signée avec la SIC », indique Robert Beaudry, notant que le public peut faire parvenir ses aspirations pour le logement au cours des consultations.

Par contre, poursuit M. Beaudry, le réaménagement de Bridge-Bonaventure nécessitera un investissement massif, et c’est aux gouvernements provincial et fédéral de fournir les fonds pour le logement social et communautaire, estime-t-il.

Or, les fonds pour le logement social sont quasi-inexistants au Québec à la suite de l’annulation du seul programme spécialement conçu pour en construire, AccèsLogis.

La situation au niveau fédéral est similaire, alors que les investissements publics dans le logement « abordable » privé laissent de côté le logement social et ne parviennent pas à créer assez d’habitations réellement abordables pour répondre à la demande, selon le Conseil national du logement.

Plus de transport, moins d’auto

Bridge-Bonaventure est un secteur enclavé, délimité par des barrières physiques qui empêchent la circulation fluide : le canal de Lachine, l’autoroute Bonaventure, les voies ferroviaires et la rue Bridge menant au pont Victoria créent des corridors difficiles ou même impossibles à traverser.

Le Plan directeur de la Ville cherche une solution pour affronter le problème des centaines de véhicules qui passent par le quartier chaque jour, surtout par la rue Bridge, pour se rendre entre le pont Victoria et le centre-ville. Plus généralement, le Plan vise aussi des moyens pour réduire la place accordée aux autos.

Circulation sur la rue Bridge | Photo : Savannah Stewart

Pour ce faire, Montréal revendique une station du Réseau express métropolitain (REM) pour desservir le bassin Wellington. Le REM passe par le secteur, mais n’a pas de station dans Bridge-Bonaventure pour le moment.

« La station REM, pour nous, c’est fondamental. Il nous faut une station si on veut construire un quartier basé sur le transport actif et collectif », lance Robert Beaudry.

C’est en effet une option pour offrir plus de transport collectif dans le territoire, mais pas la solution magique, nuance Karine Triollet. « Le REM peut être intéressant […] pour accéder aux zones d’emploi. Mais pour les résidents du quartier, ce n’est pas ça qui va résoudre notre capacité à nous déplacer entre quartiers. »

REM en cours de construction, près des terrains de la SIC | Photo : Savannah Stewart

L’amélioration des déplacements entre quartiers nécessitera la création de « franchissements » pour le transport actif et l’augmentation du service par la Société de transport de Montréal (STM), deux éléments en évaluation par la Ville. Pour le premier cas, plusieurs études de faisabilité sont nécessaires, explique le Plan directeur, notamment parce que certains lieux convoités pour construire des voies de franchissement appartiennent à des promoteurs privés.

L’autoroute Bonaventure qui traverse le secteur sera transformée en boulevard urbain. La Presse a révélé en décembre dernier que la Ville et le gouvernement fédéral ont deux visions différentes pour ce boulevard : tandis que Montréal veut deux voies dans chaque direction, Infrastructure Canada veut trois voies. Le Plan directeur ne se prononce pas sur cette impasse apparente.

Le plan inclut toutefois une proposition de créer un lien incitatif entre le pont Victoria et le futur boulevard Bonaventure pour réduire la circulation sur la rue Bridge, mais sans pour autant fermer l’accès actuel à cette rue où la forte circulation cause présentement des enjeux de sécurité.

Action-Gardien exige un lien direct et obligatoire du pont vers le boulevard Bonaventure pour garantir la réduction de la circulation.

Les Montréalais·es ont jusqu’au 8 juin pour participer aux consultations publiques en faisant parvenir leurs réponses au questionnaire en ligne, en soumettant un mémoire par écrit ou en s’inscrivant pour passer devant les commissaires sur le site de l’OCPM.

« Ce n’est pas [un enjeu qui touche] juste les intérêts de la population de Pointe-Saint-Charles, c’est vraiment à l’échelle montréalaise », dit Karine Triollet. « L’avenir des terrains, il y a vraiment encore beaucoup de réflexion à faire là-dessus. C’est un chantier qui est à peine démarré. »

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