De la CAQophonie environnementale à l’harmonie?
C’est officiel, la CAQ est repartie pour un tour au pouvoir. Jusqu’à présent, le gouvernement de François Legault ne peut pas se targuer d’avoir été un leader environnemental, à hauteur des crises environnementales. Mais le passé prédit-il nécessairement l’avenir?
La CAQ a été élue il y a quatre ans sans véritables engagements en matière de protection de l’environnement. Mais, durant son mandat, le gouvernement caquiste a commencé à s’adapter face à la pression de la population en faveur de la lutte contre le dérèglement climatique, partout dans le monde et donc aussi au Québec.
Faut-il rappeler les 500 000 marcheur·euses pour le climat dans les rues de Montréal en 2019? Les centaines de milliers d’autres manifestant·es et grévistes pour le climat du 23 septembre dernier, au Québec, ailleurs au Canada et partout dans le monde – un mouvement mondial soutenu par les scientifiques?
Mais on ne peut tout de même pas attendre de la population qu’elle manifeste chaque année, par milliers dans les rues, en faveur de l’environnement… si? Il me semble que le gouvernement devrait, désormais, avoir entendu le message : il est temps d’écouter la science environnementale et de prendre des mesures pour limiter le réchauffement du climat et ses dangers pour tous les citoyen·nes et de freiner rapidement la destruction de la biodiversité.
On ne peut tout de même pas attendre de la population qu’elle manifeste chaque année, par milliers dans les rues, en faveur de l’environnement… si?
De l’ambition et la cohérence, ça urge!
L’objectif du gouvernement passé était de réduire les émissions de GES de la province de seulement 37,5 % en 2030, comparativement à l’année 1990. Non seulement la cible n’est pas ambitieuse, mais, en plus, les mesures en place ne permettent même pas de l’atteindre.
Quand j’écris le gouvernement passé, je parle bien sûr de la CAQ, mais aussi du gouvernement libéral de Philippe Couillard qui, en 2015, affirmait se doter « du plan de réduction de GES le plus ambitieux au Canada ». Devinez la cible? 37,5 %. Comment? Surtout grâce à un plan d’électrification des transports. Ça vous dit quelque chose?
Le temps ne serait-il pas venu, pour le CAQ, de montrer son ambition environnementale autre autrement que par la répétition de cibles aussi datées qu’insuffisantes?
La première étape serait de chercher de vraies solutions à la congestion routière, plutôt que de poursuivre les erreurs du passé. Je parle, évidemment, du Troisième Lien.
Je n’ai jamais trouvé un·e seul·e expert·e qui pense que cela peut être une bonne idée, d’un point de vue environnemental ou même d’un point de vue de la mobilité. Au contraire, les expert·es dénoncent l’augmentation des émissions de GES et l’étalement urbain liés à ce projet.
En plus, c’est prouvé depuis des années que l’ajout de voies de circulation ne réduit pas le trafic automobile. En revanche, il est bien documenté qu’enlever des infrastructures routières mène à une « évaporation de la circulation », notamment grâce à une réduction et une réorganisation des déplacements.
Investir massivement… pour réchauffer le climat
Cette giga-infrastructure routière, environnementalement contre-productive, coûterait la somme pharaonique de 6,5 milliards $, pioché dans les fonds publics. En même temps, François Legault hésite à donner 2 milliards $ aux villes pour s’adapter aux changements climatiques dans le cadre d’un « Pacte vert »… car il craint un fardeau financier supplémentaire pour les Québécois·es.
Pourtant, ne rien faire pour protéger la biodiversité, réduire les émissions de GES et s’adapter au chaos climatique coûtera plus bien plus cher à la population, en dollars et en qualité de vie.
Des évènements extrêmes, comme l’ouragan Fiona, vont se reproduire plus fréquemment et plus intensément en raison du réchauffement du climat. Cet ouragan a nécessité des centaines de millions $ d’aide de la part du fédéral et des provinces. Ce à quoi il faut ajouter les importantes sommes déboursées par les municipalités, les compagnies d’assurances, les acteurs privés, les frais de l’armée, les organismes de bienfaisance… et les fonds des pauvres sinistré·es qui ont tout perdu.
Ne rien faire coûtera plus bien plus cher à la population, en dollars et en qualité de vie.
Il me semble que l’adaptation à toujours meilleur goût que la reconstruction.
Cher·ères responsables politiques, nous avons absolument besoin de cohérence et de projets structurants pour permettre au Québec de s’aligner sur un avenir où le climat est devenu une menace tout à fait actuelle.
Lâchez-moi avec vos autos électriques!
Je garde l’exemple du transport, car ce secteur représente 43 % des émissions de gaz à effet de serre du Québec. Pour le moment, la CAQ se concentre principalement sur l’électrification des voitures personnelles. Au Québec c’est, au mieux, une demi-solution. Bien sûr, les barrages hydroélectriques rendent notre électricité beaucoup moins polluante que celle produite avec du pétrole, du gaz – ou pire, du charbon – même s’ils sont loin d’être sans conséquences pour autant.
Plus encore, les voitures électriques nécessitent beaucoup de ressources précieuses, au détriment des droits humains et de la nature. Elles utilisent beaucoup d’espace public alors que ce sont des biens privés, elles favorisent l’étalement urbain sur les milieux naturels, sans oublier la pollution des batteries. Et pis, il faut aussi développer de plus en plus d’infrastructures polluantes pour ces voitures… comme le Troisième Lien ou des barrages pour les recharger.
Bâtir un réseau ferroviaire pour les gens, améliorer et électrifier les transports collectifs et développer des pistes cyclables… voilà des projets importants pour réduire les GES, comme le prouvent les études. Cependant, cela nécessite aussi du financement public et, surtout, un changement de mentalité du « tout pour les voitures ».
Ces projets doivent devenir un terrain d’entente pour tou·tes les politicien·nes, y compris ceux et celles de la CAQ.
Plus que jamais, nous devons apprendre à développer des milieux de vie durables, protéger et restaurer les écosystèmes et aider les agriculteurs à s’adapter au réchauffement climatique.
Ces projets ne devraient pas être un « peut-être ». Ces projets doivent devenir un terrain d’entente pour tou·tes les politicien·nes, y compris ceux et celles de la CAQ.