
Que feront les élu·es pour éviter le prochain féminicide?
Alors que la violence conjugale continue de faire des ravages au Québec, les partis politiques ne peuvent plus se contenter de demi-mesures, croient les organismes.
Face au drame d’un huitième féminicide survenu au Québec la semaine dernière, l’urgence d’agir pour prévenir la violence conjugale est incontestable. L’Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale a lancé un appel clair aux élu·es : mettre la prévention à la violence conjugale au cœur des préoccupations politiques.
« La pandémie a su mettre en lumière la violence conjugale et son ampleur au Québec. Les élu·es se sont sentis interpellé·es et ont posé des actions pour aider les victimes », défend Roxane Prenovost, coordonnatrice de la maison d’aide et d’hébergement pour femmes Pass-R-Elle-Hautes-Laurentides. Au cœur de ces actions figure le rapport transpartisan Rebâtir la confiance, qui offrait 190 recommandations pour l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale.
Mais près de deux ans après le dépôt du rapport, il reste encore du chemin à faire et beaucoup de recommandations demeurent en suspens, croit la coordonnatrice.
Rebâtir la confiance et prendre son temps pour le faire
« La CAQ a sélectionné et mis en place certaines des recommandations de manière populiste, sans réellement suivre d’ordre précis », affirme Isabelle Melançon, députée de Verdun et porte-parole libérale en matière de condition féminine.
Au cours de son mandat, le gouvernement de la Coalition avenir Québec a annoncé la création d’un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale, ainsi que la mise en place de 500 bracelets antirapprochement, destinés aux auteurs de violences. Ces deux mesures, qui faisaient partie des recommandations du rapport, s’inscrivent dans le budget qui prévoit 223 millions $ pour lutter contre la violence conjugale.
La CAQ accorde également un rehaussement du financement des maisons d’hébergement, qui sera bonifié de 4,5 millions $ par année, jusqu’en 2026.
Pour Roxane Prenovost, bien que ce rehaussement permettra d’augmenter les services auprès des victimes, le montant accordé par la CAQ est encore largement insuffisant pour répondre à l’ampleur des besoins. Avec des taux d’occupation saturés, un manque de maisons dans certaines régions éloignées et une pénurie de main-d’œuvre à laquelle le milieu communautaire n’échappe pas, les enjeux sont nombreux et les fonds, insuffisants.
Roxane Prenovost défend également qu’au-delà des actions a posteriori, le gouvernement doit miser sur la prévention de la violence conjugale. « Il faut que tous les intervenant·es soient mieux formé·es pour distinguer la violence conjugale, autant les intervenant·es sociaux·les, le corps policier, que les citoyen·nes de manière générale. Il faut que chacun·e soit à même de distinguer les premiers signes de la violence conjugale. »
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Rebâtir la confiance envers nos élu·es?
« Ce n’est pas un programme gouvernemental qui pourra arrêter la violence conjugale. Mais on veut montrer que les femmes sont écoutées, entendues, qu’on les comprend et qu’on va agir », affirme la députée libérale Isabelle Melançon. Son parti s’engage à mettre en œuvre les 190 recommandations du rapport Rebâtir la confiance, en plus de mettre sur pied un ministère de la Condition féminine pour remplacer l’actuel secrétariat. « Ça prend un chef d’orchestre pour amorcer les travaux et mettre en commun les enjeux de travail, de logement et de soin qui touchent et impactent les femmes victimes de violence conjugale », explique celle qui a collaboré au rapport transpartisan.
Le Parti québécois s’engage lui aussi à mettre en place un ministère de la Condition féminine, ainsi qu’un Centre de services intégrés pour les victimes de violence et les enfants impliqués.
Québec solidaire compte aussi réaliser les 190 recommandations de Rebâtir la confiance. Le parti misera sur la prévention de la violence conjugale et promet 50 000 logements sociaux, une mesure qui peut aider les femmes à se loger lorsqu’elles fuient un conjoint violent.
Du côté conservateur, le parti s’engage à rendre public le registre des délinquants sexuels.
Mais peu importe les résultats des prochaines élections, la lutte à la violence conjugale est l’affaire de tous et toutes, croit Roxane Prenovost. « La sensibilisation, c’est tentaculaire : ça peut se faire dans tous les milieux. Il faut en parler plus, former plus, sensibiliser plus, pour que toute la société fasse plus et mieux. »