COP26 et capitalisme vert : sortir le chat du sac

OPINION | A Glasgow, Claude Vaillancourt a observé que le système capitaliste a encore les reins bien solides.

À la COP26, les débats se sont beaucoup orientés sur le maintien ou non de l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5oC. Les engagements pris ressemblaient à des points dont la somme négative permettrait d’atteindre cet objectif. Cela n’a surtout pas suffi, comme l’ont déploré nombre d’organisations environnementalistes : cette COP a accouché d’une entente insuffisante qui risque de nous mener vers un réchauffement beaucoup plus élevé. Ces résultats ne sont pas surprenants, tant on ne voulait surtout pas chambarder notre système économique au cours des négociations.

Ce grand attachement à l’économie de marché a sûrement été l’un des principaux obstacles à une entente vraiment satisfaisante. Il s’agissait d’un cadre imposé sur lequel il ne fallait pas revenir et qui biaisait dès le départ l’orientation donnée aux négociations.

Déjà, l’héritage des COP précédentes pesait, et c’est en l’examinant que nous pouvons comprendre un peu mieux le résultat final de cette négociation.

L’un des principes les plus souvent dénoncés par plusieurs environnementalistes a été celui des compensations associées à ce qu’on appelle tout simplement, en anglais, le Net Zero, soit  la cible de « zéro émission nette ». Pour comprendre de quoi il s’agit, il faut remonter à l’Accord de Paris, plus spécifiquement au chapitre 6 de l’entente, dont le contenu, parfaitement sibyllin, concerne la possibilité pour les pays d’échanger entre eux des réductions de gaz à effet de serre (GES) . Tout cela est en continuité avec le projet de marché du carbone qui avait été inscrit dans le Protocole de Kyoto en 1995. 

Ce marché a deux volets. D’un côté, un système international d’échange de quotas d’émissions de GES, en quelque sorte une bourse du carbone pouvant entraîner les mêmes effets négatifs que la bourse ordinaire : une spéculation dommageable sur des produits financiers déconnectés de l’économie réelle. De l’autre côté, un système de compensation qui permet aux pays de financer des projets réduisant la production de GES dans d’autres pays, pour racheter celles qu’ils émettent chez eux. 

Un Net Zero très rentable

Voilà le fameux Net Zero tant dénoncé par les écologistes à la COP26 : un outil impeccable de greenwashing permettant de se faire une bonne réputation en promettant des projets bidon, voire nuisibles, ou qui ne se réaliseront jamais, le tout pour répondre à une pollution qui, elle, est bien réelle. La pétrolière Total, par exemple, se donne un « objectif de neutralité carbone pour [s]es opérations mondiales […] en 2050 ou avant », et ce, tout en continuant à vendre du pétrole en quantité non déterminée.

À la COP26, les Autochtones ont réagi de façon particulièrement vive à cette mesure et ont rallié plusieurs opposant.es contre ce principe de compensations. Il devenait évident à leurs yeux que les projets de compensation des multinationales pourraient contrevenir à leurs droits et à leur capacité de gérer leurs territoires. L’opposition a permis, dans l’entente finale, de resserrer les règles de comptage des émissions, de les rendre plus rigoureuses. Mais cela ne résout pas le fond du problème.

Ainsi, il a été décevant d’entendre le ministre québécois de l’Environnement, Benoît Charrette, défendre le marché du carbone, déclarant que le Québec avait été « visionnaire sur cette question-là ». Le ministre s’est aussi réjoui de s’offrir un meilleur bilan carbone en vendant de l’électricité à l’État de New York, une compensation bienvenue pour lui, qui pourrait éventuellement lui permettre de se dispenser de prendre des mesures significatives sur notre propre territoire. 

Un COP pour qui au fait?

Cette attitude de Benoit Charrette n’est pas très surprenante pour celles et ceux qui ont observé le déroulement des COP, de celle-ci et des précédentes. Plusieurs ont relevé la présence de centaines de lobbyistes de l’industrie pétrolière. Il s’agit là d’un fait parmi tant d’autres : les entreprises étaient omniprésentes à la COP26. Personne ne pouvait manquer les logos de onze firmes (dont Microsoft, Unilever, Hitachi, Nat West Group), sur le site Web de la COP et ailleurs. Ces entreprises se donnaient ainsi une belle image verte et responsable. Mais toutes sauf une ont recours à la compensation de carbone.

Il semble évident que les COP devraient être des espaces neutres d’où toutes les publicités d’entreprises devraient être exclues.

La Green Zone, dont les portes étaient ouvertes à toute la population, n’était pas vraiment un lieu d’éducation sur le réchauffement climatique, mais ressemblait à une foire commerciale où les entreprises commanditaires se mettaient fièrement en valeur pour montrer patte verte.

Dans un tel environnement, il n’est pas surprenant que les exigences commerciales et les intérêts des entreprises l’emportent le plus souvent, alors que tant de questions fondamentales exigeraient qu’elles soient carrément écartées. Plusieurs intervenant.es ont dénoncé le fait que le financement climatique, versé par les pays du Nord aux pays du Sud, se faisait en grande partie sous forme de prêts, ce qui accroît l’endettement de ces pays tout en permettant à des financiers du Nord de s’enrichir. Le marché et le capitalisme fixent encore les règles. 

Pourtant, les pays du Sud ne sont en rien responsables d’un réchauffement climatique auquel ils n’ont à toute fin pratique pas contribué. La notion de « pertes et préjudices » subis par ces pays, amenée lors de la COP26, n’a pas suffi à créer un mouvement fort permettant d’aller à l’encontre de la tendance des pays riches à rechercher sans cesse un moyen de résoudre le problème à leur propre avantage. 

« Changeons le système, pas le climat » a été l’un des slogans des écologistes les plus entendus ces dernières années. Cette COP, comme les précédentes, montre hélas que le système a encore les reins bien solides et que sa force de nuisance continue de s’activer.

Claude Vaillancourt est président d’ATTAC-Québec

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