Selon la Régie de l’énergie du Canada, il est réaliste de réduire nos émissions à zéro d’ici 2050 tout en conservant notre niveau de vie, surtout si on reçoit un coup de pouce… du marché pétrolier. En effet, le pétrole canadien pourrait bientôt cesser d’être rentable, ce qui mettrait un frein à l’exploitation au pays et améliorerait sérieusement notre bilan carbone.
Le pétrole canadien pourrait ne plus être rentable d’ici dix à quinze ans, ce qui amènerait sa production à chuter considérablement, selon le tout nouveau rapport sur l’avenir énergétique du pays, présenté mardi à Calgary par la Régie de l’énergie du Canada.
En effet, alors que l’économie mondiale passe progressivement aux énergies renouvelables, la demande de pétrole et de gaz devrait chuter, entrainant une forte baisse de leur prix. Ainsi, le prix du baril de pétrole, se situant aujourd’hui autour de 74 $, pourrait chuter à 35 $ dès 2030 et à 24 $ en 2050 (après ajustement pour l’inflation), si le Canada et le reste du monde s’attaquent sérieusement aux changements climatiques.
À ce prix, l’exploitation pétrolière canadienne ne serait plus rentable, ce qui devrait faire chuter radicalement la production de pétrole au pays et donc les émissions de gaz à effet de serre (GES) associées au secteur, explique Jean-Denis Charlebois, économiste en chef de la Régie de l’énergie du Canada.
Ainsi, les émissions reliées à la production pétrolière et gazière, qui représentent actuellement 189 mégatonnes de GES, soit 29 % de la facture carbone du pays, pourraient descendre à seulement entre 17 à 32 mégatonnes en 2050, selon la vitesse à laquelle l’ensemble de l’économie mondiale se décarbone.
« C’est une excellente nouvelle, ça donne une douche froide à tous ceux et celles qui croient encore que c’est logique de faire de nouveaux projets pétroliers et gaziers », remarque Keith Stewart, stratège en énergie chez Greenpeace Canada.
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Cette évolution du cours du pétrole pourrait effectivement venir remplacer le manque de volonté politique de s’éloigner du secteur, selon Hadrian Mertins-Kirkwood, du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA).
Mais ne s’en remettre qu’à la loi du marché et à son instabilité, cela comporte des risques, nuance-t-il.
« La Régie nous montre de belles courbes avec la production qui diminue progressivement alors que les prix chutent, mais la réalité est souvent plus brutale. La production devrait plutôt rester stable jusqu’à ce qu’elle ne soit plus rentable, puis chuter drastiquement d’un coup. Si on ne s’y est pas préparé, on risque d’avoir une grave crise sociale et économique sur les bras », prévient-il.
Un travail qui ne fait que commencer
En plus de la réduction de la production pétrolière, le Canada aura aussi besoin de plus d’encadrement de l’État et d’investissement majeurs dans les technologies si on veut atteindre la carboneutralité d’ici 2050 tout en maintenant notre niveau de vie, prévient Jean-Denis Charlebois, de la Régie.
En effet, si le Canada se contente des mesures qu’il a déjà mises en place pour combattre les changements climatiques, le pays émettra toujours 566 mégatonnes de GES en 2050, soit seulement 13 % de moins qu’en 2021, selon l’étude. Mais si on fait entrer dans le calcul les politiques annoncées qui ne sont pas encore déployées et qu’on ajoute l’effet des technologies émergentes, la carboneutralité serait tout à fait réalisable, selon la Régie.
S’il concède que les prévisions de la Régie sont encourageantes, Hadrian Mertins-Kirkwood rappelle qu’elles comportent encore un grand degré d’incertitude et de risque, car elles s’appuient fortement sur des technologies qui n’ont pas fait leurs preuves à grande échelle comme la capture du carbone, les biocarburants et les petits réacteurs nucléaires.
Un constat que partage Keith Stewart, de Greenpeace, sans toutefois perdre son optimisme. « Nous avons encore le temps de réfléchir au mixte technologique qui va nous amener à la carboneutralité, mais la Régie nous donne pour la première fois les données nécessaires pour planifier sérieusement la suite et bâtir un plan solide », conclut-il.