Unité de distillation de pétrole brut à la raffinerie de pétrole Shell à Montréal-Est, 2007 | Domaine public
Nouvelle

La capture du carbone coûte des milliards et ne fonctionne pas

Les projets de « capture du carbone » financés par des fonds publics en font plus pour l’image des pétrolières que pour le climat, montre une nouvelle enquête.

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Les projets de capture du carbone sont au cœur de la stratégie de pétrolières pour « verdir » leurs opérations. Cette technologie n’aurait toutefois qu’un potentiel négligeable de réduction des émissions de gaz à effet de serre et ne serait pas déployable à grande échelle, selon une analyse d’Environmental Defence Canada.

Les gouvernements de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Canada ont donné collectivement 5,8 milliards $ aux compagnies pétrolières et gazières pour des projets de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (CUSC), selon Environmental Defence.

Un nouveau crédit d’impôt fédéral offre également de rembourser 75 % des futures dépenses reliées au déploiement des CUSC, ce qui pourrait coûter des milliards annuellement aux coffres de l’État dans les prochaines années, selon le rapport.

« Mais les CUSC ne fonctionnent pas pour aider le climat. En les finançant, le gouvernement gaspille du temps et de l’argent public pour faire bien paraitre l’industrie qui a créé le problème », dénonce la chargée de programme d’Environmental Defence et autrice du rapport Julia Levin.

Une solution qui contribue au problème

Les CUSC sont un ensemble de techniques qui permettent de capter une partie des émissions de CO2 sur les sites de production puis de l’entreposer sous une forme ou une autre. L’industrie pétrolière et gazière prévoit en faire la mesure centrale de ses plans de réduction des émissions de gaz à effets de serre, explique Julia Levin.

Selon les prétentions de l’industrie, les CUSC pourraient absorber jusqu’à 90 % des émissions associées à la production d’hydrocarbures. Une prétention qui ne collerait pas à la réalité d’après une cohorte de 400 scientifiques de l’environnement qui, dans une lettre ouverte, somment le gouvernement de cesser tout investissement dans le domaine.

En examinant les données rendues disponibles par l’industrie, Environemental Defence a pu déterminer que l’ensemble des projets de CUSC performent bien en dessous des objectifs. La majorité des projets financés n’aboutissent pas, explique Julia Levin. « Ils engloutissent des milliards de fonds publics et ne capturent que très peu de carbone, lorsqu’ils en absorbent tout court », remarque-t-elle.

Et « même si l’industrie réussissait magiquement à capturer 100 % du CO2 relâché durant la production des énergies fossiles, il restera 80 à 90 % des émissions qui proviennent de leur utilisation », précise-t-elle.

Qui plus est, à l’origine, la capture du carbone a été inventée par les pétrolières pour avoir accès à du pétrole qui serait autrement inaccessible, en réinjectant dans les puits une partie du gaz relâché durant l’extraction, explique-t-elle. Cette technologie vise donc à augmenter la production de pétrole, ce qui efface une partie des gains climatiques, remarque Julia Levin.

« C’est une technologie qui n’a rien à voir avec le climat, mais que les pétrolières essaient de faire passer comme écologique », décrie-t-elle. Encore aujourd’hui, 70 % des projets de CUSC au Canada utiliseraient de cette façon le carbone collecté, selon le rapport.

Un lourd legs pour le futur

De plus, le déploiement à grande échelle des CUSC pour d’autres fins causerait de grands problèmes logistiques, remarque Julia Levin. Le carbone capturé est extrêmement toxique et nécessiterait d’importantes infrastructures, dont un réseau de gazoduc comparable en taille à celui actuellement utilisé pour le transport des hydrocarbures, souligne-t-elle.

De plus, d’éventuelles fuites dans les systèmes de stockage pourraient entrainer des conséquences environnementales et climatiques majeures. « L’entretien du réseau devra être fait à perpétuité, entrainant des coûts énormes et ce sont généralement les gouvernements qui finissent par hériter de la facture d’entretien », remarque-t-elle.

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