
Article de l'Initiative de journalisme local
L’éducation est-elle vraiment une priorité du budget Girard?
La baisse d’impôt historique prévue par le budget Girard ne rime pas avec la priorisation de l’éducation, déplorent les étudiant·es et les enseignant·es.
Dans son budget déposé mardi, le ministre des Finances Eric Girard prévoit faire de l’éducation une priorité, tout en asséchant les fonds publics, un amalgame qui inquiète les profs et les étudiant·es.
Le budget Girard, déposé mardi dernier, place l’éducation au second rang de ses dépenses budgétaires. Il réserve notamment une enveloppe de 2,3 milliards $ sur 6 ans au « développement du potentiel des jeunes ».
Elle comprend notamment 790 millions $ pour la réussite scolaire des jeunes, dans lequel on retrouve 66 millions $ pour accompagner les élèves ayant des besoins particuliers.
Le budget prévoit aussi 200 millions $ pour moderniser la formation professionnelle et 717 millions $ afin de favoriser la diplomation aux études supérieures.
À cela s’ajoutent 68 millions $ pour contrer le manque de personnel dans le réseau et 200 millions $ pour l’entretien des écoles.
Une augmentation des investissements de 6 % par an en éducation est également prévue, ce qui est trop peu pour réparer les pots cassés, pense la Fédération autonome des enseignants (FAE).
« Ce n’est pas un budget d’éducation », affirme Mélanie Hubert, porte-parole de la FAE, qui juge ces mesures insuffisantes pour remédier aux enjeux profonds qui mettent à mal le système d’éducation. « C’est un maintien du statu quo avec quelques pansements à droite et à gauche. »
Les coupures de demain
Le budget prévoit la plus importante baisse d’impôt de l’histoire du Québec. Ces mesures fiscales bénéficieront davantage aux plus riches et représenteront une perte annuelle de 1,7 milliard $ en fonds publics, pour un total de 9,2 milliards $ sur six ans.
Le gouvernement assure que cette mesure fiscale sera financée en réduisant les versements au Fonds des générations, destiné à réduire la dette publique. Les syndicats préviennent toutefois que les baisses de revenus auront un impact négatif sur les services publics, notamment en éducation.
« À chaque fois que le gouvernement décide de se priver d’une part de ses revenus, nous on se demande comment il va justifier des coupes dans les services publics, en disant qu’on n’a pas les ressources et que les fonds ne sont pas infinis. »
Mélanie Hubert
Pour la FAE, dont des représentant·es étaient présent·es lors de la présentation du budget à huis clos mardi, les baisses d’impôt laissent présager plus de coupures dans les services à la population, dont le secteur a déjà beaucoup souffert dans les dernières années.
« On a vécu des années d’austérité sous d’autres gouvernements », rappelle Mme Hubert. « À chaque fois que le gouvernement décide de se priver d’une part de ses revenus, nous on se demande comment il va justifier des coupes dans les services publics, en disant qu’on n’a pas les ressources et que les fonds ne sont pas infinis. »
Pour ceux et celles qui réclament une réforme du système d’éducation depuis longtemps, une baisse d’impôt est contraire à la vision d’une société qui prend soin de ses services publics.
« Ce sont des décisions qui sont prises sans aucun débat public et qui reflètent les orientations de certaines personnes qui profitent ultimement de ce genre de mesures », pense Lylou Sehili, étudiante et membre du forum citoyen Parlons éducation.
L’organisation a récemment entamé une tournée provinciale invitant les citoyen·nes à repenser le système d’éducation québécois. Pour la jeune femme, ces rencontres constituent des terreaux fertiles pour trouver des solutions démocratiques aux problèmes qui affectent le réseau.
L’éducation à trois vitesses
Si le ministre Girard avait pris part au premier forum Parlons éducation, tenu à Montréal le 10 et 11 mars dernier, on lui aurait parlé de l’école à trois vitesses, soit un réseau scolaire où on trouve trois volets : le privé subventionné et le public, lui-même divisé entre les programmes particuliers sélectifs et le régulier, moins convoité.
C’est au régulier que se concentre une majorité des élèves en difficulté ou issu·es de milieux défavorisés. Ainsi isolé·es dans des groupes moins hétérogènes, ces élèves sont plus à risque de décrocher.
« Il y a un écrémage qui se fait à même le financement public », s’indigne Mélanie Hubert en expliquant que les meilleur·es étudiant·es du réseau public sont souvent redirigé·es vers les écoles privées subventionnées, aux frais du contribuable.
C’est à cet enjeu qu’aurait dû s’attaquer le ministre Girard, pense-t-elle.
Bien que le ministre ait dégagé certaines sommes pour financer partiellement des projets pédagogiques particuliers visant à revaloriser le réseau public régulier, Mélanie Hubert demeure sceptique.
« C’est un pas dans la bonne direction », reconnaît-elle. Mais elle souligne que ces projets ne sont pour le moment pas accessibles à tou·tes en raison des coûts qu’ils impliquent. Le financement partiel, « ce n’est pas assez pour assurer la pleine gratuité quand on sait que certains projets pédagogiques peuvent coûter 5000 $, 6000 $, 10 000 $. »
« Ce n’est pas suffisant pour que tout le monde puisse participer », tranche-t-elle en soulignant l’importance d’établir une plus grande équité et mixité en milieu scolaire.