À quelques jours du dévoilement du prochain budget québécois, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer l’intention du gouvernement de baisser les impôts, une mesure qui avantage les plus riches aux dépens des services publics.
Tout porte à croire que les baisses d’impôts promises par la CAQ lors des dernières élections deviendront réalité lorsque le ministre des Finances, Éric Girard, déposera son budget la semaine prochaine.
Le gouvernement justifie les baisses d’impôts en les présentant comme une mesure de lutte à l’inflation, mais elles n’auront que très peu d’effets sur les personnes moins riches qui souffrent le plus de la hausse des prix, prévient une analyse de l’Institut de recherche et d’information socioéconomiques (IRIS) publiée ce mercredi.
En effet, les contribuables ayant des revenus annuels de 20 000 $, correspondant à la limite du premier palier d’imposition, n’auront droit qu’à 28 $ de réduction. Les personnes gagnant 100 000 $ et plus profiteront quant à elles d’une réduction de 814 $ de leur contribution aux finances publiques. C’est 29 fois que leurs compatriotes qui disposent pourtant du cinquième de leur revenu.
« On ne vient pas en aide à ceux et celles qui en ont le plus besoin. Les personnes qui ont les plus gros montants sont celles qui ont le plus d’argent. Et on se prive de 1,8 milliard $ par année, alors qu’on est déjà en déficit », résume Serge Petitclerc, coordonnateur de la Coalition pour un Québec sans pauvreté.
Une menace pour des services publics déjà mal en point
Selon l’analyse de l’IRIS, les baisses d’impôts viendront ainsi réduire considérablement la marge de manœuvre dont dispose le gouvernement pour faire face aux défis à venir, comme l’adaptation aux changements climatiques et le vieillissement de la population.
Elles empêchent aussi le gouvernement de fournir l’effort nécessaire pour pallier les nombreux problèmes de financements vécus actuellement par les services publics, notamment en santé et en éducation, rappelle Guillaume Hébert, co-auteur de l’analyse.
Un point de vue que partage le président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Éric Gingras. « Les réseaux publics craquent de partout, ce n’est vraiment pas le moment de baisser les impôts. Bien au contraire, on est rendu à investir dans les services publics, les écoles et les centres hospitaliers », souligne-t-il.
« On ne vient pas en aide à ceux et celles qui en ont le plus besoin. Les personnes qui ont les plus gros montants sont celles qui ont le plus d’argent. »
Serge Petitclerc, Coalition pour un Québec sans pauvreté
De plus, ce manque à gagner pour les services publics risque de devenir permanent, prévient Serge Peticlerc. « Les baisses d’impôts, ça engage à long terme. Aussi bien dire qu’on se prive de cet argent pour l’éternité, puisqu’aucun gouvernement n’a le courage de hausser les impôts, en tout cas pas dans le contexte [politique] actuel », remarque-t-il.
Un coup de plus pour les plus démunis
L’effet des baisses d’impôts sur les services publics pourrait même avoir comme effet d’appauvrir encore plus la majorité des Québécois·es, prévient Guillaume Hébert. « Se procurer des services sur une base individuelle, c’est toujours beaucoup plus cher que de le faire grâce aux économies d’échelles que permettent les services publics », explique-t-il.
Par exemple, un travailleur qui gagne 50 000 $ aura une réduction d’impôt de 328 $, illustre Éric Gingras. « Mais s’il doit ensuite payer plus que ça pour voir un psychologue au privé parce qu’il n’y en a pas dans le public, la baisse d’impôt, à la fin, elle n’est pas intéressante », remarque le président de la CSQ.
Mieux cibler ses interventions
Serge Peticlerc, de la Coalition pour un Québec sans pauvreté, rappelle quant à lui que le gouvernement dispose de mesures beaucoup plus ciblées et efficaces s’il désire réellement réduire le poids de l’inflation sur les épaules des Québécois·es.
Par exemple, une hausse du crédit d’impôt pour solidarité ou du salaire minimum aurait le double effet de bénéficier aux personnes qui en ont le plus besoin et d’aider à réduire les inégalités dans la province, remarque-t-il.