Le projet de loi 31 sur le logement, dont l’étude détaillée en commission parlementaire débutera dans les prochains jours, a à raison été dénoncé avec véhémence depuis son dépôt en juin pour les modifications qu’il prévoit à la cession de bail.
Ce projet de loi parrainé par la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, propose cependant d’autres modifications législatives très inquiétantes qui risquent de faire reculer davantage la place accordée au logement social. Celles-ci vont tout à fait dans le sens des orientations du gouvernement caquiste, qui a déjà annoncé l’abandon d’AccèsLogis, son seul programme destiné spécifiquement au logement social, sans le remplacer par un autre permettant d’augmenter la part occupée par le logement hors marché privé, sans but lucratif, comme voie de sortie de crise.
Bienvenue au privé, menaces pour les HLM
Le projet de loi modifie d’abord la loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), en remplaçant presque partout le mot « logement social » par celui d’« habitation ».
C’est notamment le cas dans l’article qui prévoit le remboursement par la CMM de la contribution de base versée pour des projets d’habitation à des offices municipaux, des organismes sans but lucratif (OSBL) ou des coopératives d’habitation. Le projet de loi 31, s’il est adopté tel quel, ferait qu’un tel remboursement pourrait aussi être accordé pour un projet d’habitation qui n’entre pas dans ces catégories.
Or, cela inclut des projets à but lucratif développés par des promoteurs privés, supposément « abordables », mais qui n’ont pas la mission sociale d’abordabilité pérenne des logements sociaux et ne peuvent pas de ce fait respecter de manière durable la capacité de payer des locataires à modeste et faible revenus.
Le PL31 prévoit aussi des modifications à la Loi sur la Société d’habitation du Québec (SHQ). Celle-ci pourrait dorénavant permettre à des municipalités ou à des offices d’habitation de procéder à la vente d’habitations à loyer modique (HLM) pour d’autres raisons que le remboursement à la SHQ d’emprunts ou de subventions.
Il peut être admissible dans certaines situations que des HLM en très mauvais état puissent être cédés pour les reconstruire ailleurs. Cependant, il est totalement inacceptable que des HLM puissent être vendus « dans le cadre d’un projet visant la réalisation de logements abordables ». Une telle possibilité ferait en sorte que des HLM entièrement destinés à des ménages à faible revenu pourraient être vendus pour faire place à des logements dits « abordables » qui ne s’adressent pas au même type de population.
Des milliers de ménages locataires ayant, aux dires même du gouvernement, des besoins impérieux de logement se retrouvent pourtant, souvent depuis des années, sur une liste d’attente pour avoir accès à un HLM, alors qu’il ne s’en est pas construit de nouveaux depuis 30 ans.
Le droit au logement avant tout
Au lieu de miner le logement social, comme le fait le projet de loi 31, le gouvernement québécois doit se doter sans plus attendre d’un plan ambitieux permettant son développement sous différentes formes. Le Plan d’action gouvernemental en habitation promis pour cet automne fournit l’occasion de mettre en branle un tel chantier. Il devrait donc logiquement précéder le présent projet de loi.
Plus généralement, il est temps que le Québec se dote d’une politique d’habitation basée sur le droit au logement, comme le demandent depuis des mois, avec le FRAPRU, plus de 500 organisations sociales, communautaires, syndicales, féministes, écologistes et étudiantes.
Ce droit est reconnu à l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, auquel le Québec a adhéré en 1976. Il s’est ainsi engagé formellement à agir « au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus […] par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures législatives ».
Le respect de cet engagement nécessite que le gouvernement québécois prenne au sérieux les crises du logement et qu’il agisse avec détermination pour que le droit au logement continue à progresser.
Or, le projet de loi 31 dans son état actuel va en sens inverse. C’est la raison pour laquelle il doit être retiré, s’il n’est pas sérieusement amendé.
Véronique Laflamme est porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).