Pour une troisième année de suite, les résident·es de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve ont tenu une semaine de réflexion et d’action autour de l’avenir des terrains vagues dans le secteur, mis en péril par le re-développement industriel et notamment le projet Ray-Mont Logistiques. De vendredi à dimanche, ils et elles ont même occupé le boisé Steinberg, dont la survie est menacée par le possible prolongement du boulevard L’Assomption.
Dans Hochelaga, les espaces verts, abandonnés par les activités industrielles qui les occupaient par le passé, sont devenus des lieux de rencontre pour la communauté locale, offrant un répit des développements commerciaux et industriels qui les entourent.
Mais ces lieux boisés, repris par la nature, font face à des projets de « développement » qui entraineraient leur destruction. Au premier chef, la plateforme de transbordement de conteneurs de Ray-Mont Logistiques, dont la phase 1 a déjà été approuvée. Mais aussi le prolongement du boulevard L’Assomption et le développement des chemins de fer pour desservir Ray-Mont Logistiques.
La semaine dernière a été marquée par le Camp Climat, une série d’activités pour célébrer et défendre le boisé Steinberg, la friche ferroviaire et le boisé Vimont, du 4 au 11 juin. Pour terminer, la communauté a tenu une première occupation politique dans le boisé Steinberg du 9 au 11 juin, un rassemblement festif pour se réapproprier les terrains convoités par les projets industriels.
« Ce qu’on revendique, c’est la protection des milieux naturels, le maintien d’une connectivité écologique, puis surtout l’usage libre, un accès à la nature », rapporte Anaïs Houde, porte-parole de Mobilisation 6600 Parc-Nature MHM.
« On est là aussi dans la perspective de simplement défendre le vivant puis de créer de nouvelles solidarités. C’est un peu notre “slogan” pour le Camp Climat », explique Estelle Grandbois-Bernard, militante de Mobilisation 6600.
« Ça fait longtemps qu’on rêvait de faire un campement politique sur les lieux, puis on est vraiment contentes de le faire. »
« Les pétitions ne suffisent pas. Nous devons multiplier les moyens d’action pour nous faire entendre : nous ne laisserons pas le ministère des Transports du Québec raser ce boisé! » déclare Amélie Dubois, une résidente du quartier venue camper au boisé.
« Je pense que notre occupation du boisé est un avertissement clair : on ne lâchera pas le morceau », affirme Anaïs Houde.
« On est là dans la perspective de simplement défendre le vivant puis de créer de nouvelles solidarités. »
Estelle Grandbois-Bernard, Mobilisation 6600
Avec une scène de spectacle, une cuisine, un horaire rempli d’ateliers, de conférences, de prestations artistiques et musicales ainsi que des dizaines de militant·es qui ont répondu à l’appel d’occuper les lieux tout au long de la fin de semaine, une atmosphère conviviale s’est installée dans le boisé Steinberg et les terrains vagues avoisinants.
Mais les menaces des projets de développement et les enjeux sociaux et environnementaux qu’ils amènent demeuraient les points centraux des discussions.
Une question de justice socio-écologique
Anaïs Houde lie la lutte pour la protection des espaces verts aux réalités socio-économiques de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, où la population fait déjà face à de multiples problèmes liés tant à la santé des gens qu’à la santé de l’environnement.
« Dans notre secteur, il y a moins de 5 % de canopée », c’est-à-dire d’espace couvert par la végétation, dit-elle. « On est un des arrondissements qui subit le plus durement les périodes de canicule. On a beaucoup de maladies cardiovasculaires, de maladies chroniques, pulmonaires. On a une moyenne d’espérance de vie qui est bien plus faible que le reste de Montréal. »
Il est donc hors de question de détruire des espaces verts pour accroître l’industrialisation dans le secteur, affirme-t-elle.
« Tout ça pour servir les intérêts de qui? Du Port de Montréal et de Ray-Mont Logistiques. La communauté n’en veut pas. »
Estelle Grandbois-Bernard
« C’est quand même vraiment important que nos milieux de vie soient protégés de toutes ces nuisances [créées par l’industrialisation]. »
« Tout ça pour servir les intérêts de qui? Du Port de Montréal et de Ray-Mont Logistiques », lance Estelle Grandbois-Bernard. « La communauté n’en veut pas. »
Le boisé est aussi utilisé par des personnes en situation d’itinérance, note-t-elle, un autre enjeu majeur à Montréal avec l’actuelle crise du logement.
Les militant·es revendiquent l’abandon par le ministère de Transport et la Ville de Montréal du prolongement du boulevard L’Assomption. Mobilisation 6600 a lancé une pétition contre le prolongement.
Les défenseur·es des terrains vagues mettent aussi de la pression sur le ministère de l’Environnement pour exiger un Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) avant que la prochaine phase de développement de Ray-Mont Logistiques soit approuvée.