3e lien : la CAQ arrive dans le 21e siècle… et maintenant?

CHRONIQUE | La CAQ doit écouter la science pour la suite de cette saga, et dans les autres dossiers environnementaux qui l’exigent.

La CAQ semble finalement avoir entendu le bon sens dans l’affaire du troisième lien. Il lui reste maintenant à écouter la science pour la suite de cette saga, et dans les autres dossiers environnementaux qui l’exigent.

Il ne faut pas trop se réjouir de la mort du troisième lien sous sa forme de tunnel autoroutier. Collectivement, nous avons tou·tes perdu de l’argent, du temps et de l’énergie dont nous avons tant besoin pour mettre en œuvre la transition socio-écologique. À défaut d’avoir pris le changement par la main, la CAQ se fait aujourd’hui tordre le cou sur l’autel de sa pensée magique : oui, le monde a changé avec le climat et non, il n’est plus possible de faire des autoroutes comme avant.

Bienvenue dans le 21e siècle de l’urgence climatique!

Ce projet de tunnel était moribond dès son annonce : aucun·e expert·e n’y voyait une solution de mobilité au regard des crises environnementales en série.

Néanmoins, ma mâchoire est tombée en écoutant la conférence de presse de la ministre des Transports Geneviève Guilbault ce 20 avril. « En ayant une alternative d’offre de transport collectif vraiment intéressante, attrayante, performante, fiable, efficace, sécuritaire… ça va donner le goût aux gens de renoncer à la voiture », a-t-elle dit. Permettez-moi d’ajouter cette autre déclaration édifiante de la ministre caquiste de la mobilité durable : « Si on veut être attractif et pouvoir rivaliser avec d’autres grandes villes, il faut qu’on franchisse ce pas de la vraie mobilité durable et attractive. […] On a besoin d’autres choses que des autobus. »

Renoncer à la voiture… Franchir le pas vers une vraie mobilité durable… Que s’est-il passé pour que le gouvernement fasse une telle volte-face afin, semble-t-il, de se retrouver sur le chemin de la mobilité durable?

Je crains que le troisième lien ne soit pas le seul cas où la CAQ s’enfarge dans la science.

Est-ce que la visite de Mme Guilbault en Europe lui a ouvert les yeux sur l’avancement de la mobilité alternative à la voiture ailleurs qu’au Québec? Au-delà des files momentanées devant la SAAQ, est-ce que les files constantes devant les autobus lui sont enfin apparues? Oh, peut-être est-ce le fait que le fédéral ne voulait pas payer pour un projet d’autoroute sorti d’un carton du 20e siècle et ignorant tout de l’environnement?

Ce qui est certain, c’est que, dorénavant, tout le monde a vu que le roi était nu et celles et ceux qui fermaient les yeux tombent des nues.

D’abord les études, ensuite des promesses

Le plus tragique, dans toute cette histoire, c’est le temps et l’argent perdus alors que nous nous éloignons de nos cibles climatiques. À ce jour, malgré près de 59 millions $ investis en études, des fleuves d’attention médiatique et des promesses électorales en série, il n’y a toujours pas de projet de mobilité concret sur la table pour la ville de Québec, aussi durable pourrait-il être.

À vrai dire, je ne parierais pas sur le futur d’un tunnel… espérons que des études sérieuses et publiques feront la lumière sur les besoins, les opportunités et les impacts de cette infrastructure environnementalement lourde, avant que d’autres promesses n’embarquent.

Le secteur des transports est la principale source d’émissions de GES au Québec et, en conséquence, l’un des secteurs prioritaires à réformer.

L’heure du courage politique cohérent avec les enjeux environnementaux a sonné.

Vu l’urgence de la situation, pourrait-on, à l’avenir, s’appuyer sur de l’expertise scientifique plutôt que sur de la vantardise politique? Est-ce trop demander d’avoir un minimum de débats publics et de transparence lorsqu’il est question de décisions environnementales qui dépassent de loin la durée du mandat d’un gouvernement?

D’ailleurs, il est déplorable qu’il ait fallu attendre l’abandon du projet pour rendre publiques les 8 000 pages d’études et d’analyses sur le site Web du Réseau express de la Capitale.

D’autres chocs à venir entre le politique et le scientifique

Je crains que le troisième lien ne soit pas le seul cas où la CAQ s’enfarge dans la science.

Pour rappel, en 2021, l’Agence internationale de l’énergie a lancé un sérieux avertissement quant à la dépendance des États aux énergies fossiles, comme le gaz, dans un climat surchauffé. Elle a d’ailleurs rappelé les pays à l’ordre en concluant qu’il fallait cesser sans plus attendre tout nouveau projet d’exploration et d’exploitation d’énergies fossiles.

Moins d’un an plus tard, les expert·es sonnaient l’alerte quant à l’entente entre Hydro-Québec et Énergir sur la « biénergie » (électricité et gaz). Alors que le monde doit tourner le dos aux énergies fossiles rapidement, cette entente condamne les citoyen·nes à utiliser des appareils au gaz durant au moins dix ans, à grands coûts de subventions publiques. Une étude d’Écohabitation en 2022 a pourtant attesté qu’il existe une solution moins coûteuse et moins polluante : les thermopompes et les accumulateurs de chaleur.

Espérons des études sérieuses et publiques avant que d’autres promesses n’embarquent.

En ce moment, Hydro-Québec est devant la Cour supérieure pour tenter d’augmenter les tarifs de ses client·es afin de compenser Énergir pour les pertes financières causées par l’électrification. Autrement dit, Hydro-Québec aimerait que ses client·es qui utilisent son énergie renouvelable paient plus cher pour dédommager les client·es qui installent le gaz via la biénergie… Un problème, vous dites?

Dans la foulée de toutes ces incohérences énergétiques, des expert·es sollicitent depuis des mois un débat énergétique qui n’a toujours pas eu lieu. Pourtant, les choix d’aujourd’hui déterminent notre avenir énergétique pour les turbulentes décennies à venir.

Avec le précédent du troisième lien, l’heure du courage politique cohérent avec les enjeux environnementaux a peut-être sonné. Outre une stratégie de vraie mobilité durable, pourrions-nous aussi avoir une stratégie énergétique « attrayante, performante, fiable, efficace et sécuritaire »?

Le gouvernement a enfin pris une bonne décision en faveur de la mobilité durable : espérons qu’il ne s’arrête en si bon chemin, car la route vers la carboneutralité est encore bien longue au Québec.

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