L’« extractivisme », un problème social et écologique

L’extractivisme, cette tendance à l’exploitation insoutenable des ressources naturelles, est au fondement de l’économie mondiale et pourtant le concept reste largement méconnu.

L’« extractivisme » est aujourd’hui dénoncé de toute part, même par des organisations telles que l’ONU. Mais de quoi s’agit-il au juste? Pivot s’est penché sur la question.

L’extractivisme est un système d’exploitation des ressources qui compromet notre capacité à continuer à profiter de cette ressource dans le futur, explique le chercheur de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) Colin Pratte.

Il concerne autant les ressources minières que les pratiques d’agriculture extensive qui mènent à l’épuisement des sols, la surpêche ou l’exploitation forestière non durable, pour ne nommer que quelques exemples.

« En fait, ce sont l’échelle de l’extraction et les méthodes particulières mises en place qui font de l’extractivisme ce qu’il est », résume le chercheur. En s’imposant, l’extractivisme est venu remplacer des techniques de prélèvement des ressources à plus petite échelle qui avaient permis à des communautés, souvent autochtones, de répondre à leurs besoins depuis des générations, poursuit-il.

« L’extractivisme à large échelle peut nous sembler indépassable, mais il n’existe réellement que depuis le tournant des années 1960. »

Colin Pratte

Résultat : la quasi-totalité des ressources naturelles exploitées de nos jours est issue de pratiques non viables sur le plan écologique, mais aussi injustes sur le plan social.

Polluer aux deux bouts de la chaine

« Les populations locales doivent vivre avec les conséquences dramatiques de ces méthodes d’extraction hautement perturbatrices pour l’environnement », dénonce Colin Pratte.

Elles doivent par exemple composer avec de vastes quantités de résidus miniers qui peuvent représenter des risques à perpétuité, avec la pollution ou la destruction des lacs et rivières et même parfois avec les déchets engendrés par la surconsommation du Nord, comme c’est le cas au Kenya et au Ghana.

Déchirer le tissu social

Lorsque les pratiques extractivistes se mettent en place, elles réorganisent aussi les communautés autour de l’exploitation extensive des ressources, explique Colin Pratte. Mais cela ne peut être que temporaire, puisque la ressource sera inévitablement épuisée par les méthodes employées.

« C’est ce qui est arrivé avec l’extraction du cuivre à Murdochville et la pêche à la morue dans l’est du Canada : l’activité a fini par cesser abruptement en déstabilisant le tissu social des communautés organisées autour de ces activités », illustre-t-il.

De plus, la majorité de la richesse engendrée par l’extractivisme ne revient pas aux communautés locales, mais aux multinationales qui gèrent l’exploitation et aux pays qui transforment les ressources par la suite. C’est ainsi qu’entre 1990 et 2015, les pays du Sud global n’auraient touché qu’un cinquième de la richesse engendrée par leurs ressources, le reste revenant aux pays du Nord qui se sont ainsi enrichis d’environ dix mille milliards $ US par année, selon une étude.

Repenser notre rapport aux ressources

Pour Collin Pratte, il est donc grand temps d’avoir une réflexion collective sur l’utilisation des ressources naturelles. Celle-ci s’impose autant pour les nombreuses communautés qui dépendent pour leur survie d’industries dont l’extraction n’est pas soutenable, que pour celles, souvent autochtones, qui seront chamboulées par les nouveaux projets miniers qui déferleront sur le Québec dans les prochaines années. 

La quasi-totalité des ressources naturelles exploitées de nos jours est issue de pratiques non viables sur le plan écologique, mais aussi injustes sur le plan social.

La vision dominante de la transition énergétique propose essentiellement de passer d’un extractivisme à un autre, soit passer de l’extraction non soutenable des énergies fossiles à celle encore plus massive d’une large quantité de minéraux pour soutenir les infrastructures électriques, explique-t-il.

« L’extractivisme à large échelle qu’on connait aujourd’hui peut nous sembler indépassable, mais il n’existe réellement que depuis le tournant des années 1960 », rappelle-t-il.

Selon lui, l’accroissement massif de l’extraction des ressources qui caractérise le capitalisme depuis cette époque aura surtout servi à accroitre les inégalités et n’aura eu que très peu d’impacts sur le bien-être des populations. « Au contraire, le rythme d’extraction actuel est synonyme de destruction, de pollution, maladies, catastrophes naturelles, et ainsi de suite ».

Pour renverser la tendance, il faudra repenser certains des autres piliers de l’économie capitaliste, dont la croissance, prévient le chercheur. Il existerait une corrélation presque parfaite entre l’accroissement du PIB et l’accroissement des ressources consommées au niveau mondial. En d’autres termes, la croissance ne permet pas de faire plus avec moins, mais plus avec plus. Il est donc grand temps d’envisager de passer à autre chose, conclut-il.

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