La Clinique juridique de Saint-Michel déplore la décision de la CAQ d’aller en appel pour défendre les interceptions routières arbitraires par la police. L’organisme estime que leur récente interdiction par la Cour supérieure est juridiquement très solide, en plus d’être essentielle pour contrer le profilage racial.
En octobre dernier, un jugement de la Cour supérieure du Québec avait invalidé le droit des policiers à effectuer des interpellations routières aléatoires, jugées inefficaces et discriminatoires, surtout à l’égard des jeunes noirs. Vendredi dernier, le ministre de la Sécurité publique du Québec, François Bonnardel, a annoncé que son gouvernement tentera d’inverser l’interdiction en allant en appel.
S’il affirme s’opposer au profilage racial, le gouvernement provincial soutient que les interpellations aléatoires ont un rôle à jouer afin d’assurer la sécurité. Une prétention que disputent fermement les acteurs communautaires qui travaillent auprès des jeunes racisés.
« Le gouvernement a un double discours présentement », explique l’avocat Fernando Belton, directeur général de la Clinique juridique de Saint-Michel (CJSM), un organisme à but non lucratif spécialisé dans les dossiers de profilage racial notamment. Pour lui, le jugement de la Cour supérieure représente une avancée importante qui illustre clairement comment les interceptions sont un vecteur de profilage racial.
« Il y a un choix à faire, et le choix qu’a fait le juge est que, dans une société libre et démocratique, ce genre d’intervention n’a plus sa place » si on veut vraiment contrer le profilage, explique-t-il.
La CJSM avait prêté main forte au dossier du demandeur, Joseph-Christopher Luamba, un étudiant noir de 22 ans. Il avait lui-même été interpellé par la police à une dizaine d’occasions sans raison apparente en seulement 18 mois.
La décision invalide l’arrêt Ladouceur qui permettait ce genre d’intervention policière depuis plus de 30 ans. Elle a été très favorablement accueillie par les organismes communautaires qui travaillent auprès des jeunes afrodescendants.
« C’est une bonne décision, pas simplement une décision qui est favorable pour la cause, c’est juridiquement une décision qui a des assises qui sont fortes. »
Me Fernando Belton
Ceux-ci sont surreprésentés parmi les individus interpellés. Ils sont donc plus à risque d’être victimes de profilage racial, surtout dans les quartiers moins favorisés de Montréal où la présence policière est souvent plus importante.
Une décision solide de la Cour supérieure
« Il y a beaucoup de nuances dans le jugement », affirme Me Belton. « C’est une bonne décision, pas simplement une décision qui est favorable pour la cause, c’est juridiquement une décision qui a des assises qui sont fortes. »
Il rappelle que pour renverser la décision, le tribunal devra y trouver une erreur « manifeste et dominante ». Selon lui, puisque la preuve est fondée sur des éléments factuels qui mettent clairement en évidence l’inefficacité et l’aspect discriminatoire des interpellations aléatoires, il sera très difficile d’invalider le jugement.
De son côté, Québec maintient que les interpellations routières ont leur place dans la lutte contre la criminalité.
Mais Me Belton rappelle que dans la loi, les interpellations ne sont pas un outil d’investigation criminelle, mais bien de sécurité routière. La conclusion de la Cour supérieure n’avait toutefois trouvé aucune preuve d’impact positif sur la sécurité, rappelle-t-il.
« Lorsque le policier utilise cet article de la loi pour faire une investigation criminelle, il détourne son objectif et son intervention devient illégale. »
La CJSM continue d’offrir un soutien juridique aux victimes de profilage racial lors d’interceptions routières par la police. Elle invite les personnes qui souhaitent partager leurs expériences à la contacter.