L’Halloween approche à grands pas, et qui dit Halloween dit costumes. Mais l’enjeu de l’appropriation culturelle – qui est l’acte d’utiliser des éléments provenant de cultures marginalisées sans tenir compte du contexte derrière ces éléments – revient chaque année durant cette fête. Il est souvent difficile de juger ce qui est offensant et ce qui ne l’est pas. Comment s’y retrouver?
Éviter de banaliser les vêtements traditionnels
« Se déguiser avec des bindis, des saris, des kurtas, ou des lehenga cholis est hors de question. Ce sont des vêtements traditionnels avec une symbolique particulière, une valeur culturelle et une signification identitaire », lance Chandni Patel, responsable de la programmation du Collectif de jeunes sud-asiatiques.
Mx. Patel, une personne sud-asiatique née en Amérique du Nord, témoigne avoir été la cible de moqueries lorsqu’iel portait ses vêtements traditionnels dans sa jeunesse. Pour cette raison, iel trouve hautement inapproprié que des personnes qui ne sont pas sud-asiatiques s’amusent à porter ces vêtements pour une journée, sans avoir à vivre avec le poids de la discrimination qui accompagne une enfance sud-asiatique au Canada.
Yuki Asano, propriétaire de la boutique de kimonos et de yukatas Kimono Yuki, met semblablement en garde concernant les déguisements de geisha. Pour devenir geisha, ce qui est rare même au Japon, il faut suivre des cours propres à différentes régions du pays pendant plusieurs années, et aussi porter des éléments très précis qui sont quasiment impossibles à répliquer fidèlement, explique-t-elle. Elle s’oppose à l’utilisation du mot « geisha » pour désigner autre chose que ces femmes.
La propriétaire de boutique soutient aussi qu’il y a des opinions divergentes dans la communauté japonaise quant à l’utilisation du kimono pour un costume de personnage fictif. À son avis, « c’est acceptable » s’il s’agit d’un « vrai kimono » et non de « kimonos de basse qualité du magasin ».
Mais elle soutient que d’autres personnes japonaises, particulièrement de deuxième ou troisième génération, s’opposent à l’utilisation du kimono pour tout costume. « Pour eux et elles, les kimonos et les geishas, ce sont des traditions précieuses, c’est leur culture. Leurs opinions sont plus strictes », dit l’immigrante de première génération.
Attention aux stéréotypes offensants
Yuki Asano critique aussi le caractère dégradant de clichés comme celui de la geisha sexy ou du kimono sexy. « Ce n’est pas juste une question d’appropriation culturelle, mais aussi de sexualisation des femmes asiatiques », explique-t-elle. Ce stéréotype offensant a une longue histoire ancrée dans l’occupation militaire occidentale et l’exploitation des femmes asiatiques.
Ne pas se prendre pour des dieux
Mx. Patel s’oppose à ce que les personnes se déguisent en dieu ou en déesse de sa culture, car « ce ne sont pas des personnages de films ». Selon iel, ce sont des êtres divins avec qui les membres de sa communauté partagent leurs vies, des êtres sacrés qui ont tous leurs propres traditions religieuses. Iel affirme que c’est « extrêmement irrespectueux de se déguiser en dieu ou en déesse » si on n’a « aucun savoir, aucun respect, et aucune relation avec eux ».
Se déguiser en personnages fictifs, mais…
Mx. Patel croit qu’il est acceptable de se déguiser en personnages de fiction sud-asiatiques, tels que la princesse Jasmine ou les nombreux personnages incarnés par l’actrice américaine d’ascendance indienne Mindy Kaling, par exemple. C’est que même si ces personnages sont « importants pour la représentation médiatique », ils « n’ont pas nécessairement des connotations sacrées, rituelles ou traditionnelles ».
Mais iel tient à préciser que si quelqu’un choisit ce type de déguisement, il ne faut pas tenter d’imiter la couleur de peau originale du personnage ou s’habiller en vêtements traditionnels.
Mme Asano est du même avis. « Si quelqu’un veut se déguiser en monstre d’anime ou faire du cosplay (une pratique consistant à revêtir l’apparence d’un personnage de manga japonais), ça ne me dérange pas », affirme-t-elle.