Les émissions de gaz à effet de serre (GES) des 1% les plus riches représentent une proportion toujours plus grande des émissions mondiales. Cette petite part de la population produisait déjà 13% du CO2 en 1990, puis 15% en 2015. Elle devrait être responsable de 16% des GES en 2030.
Ces données sont présentées dans un nouveau rapport commandé par Oxfam et rédigé par Tim Gore, de l’Institut pour la politique environnementale européenne. Le rapport s’appuie sur les engagements présentés par les États en vue de la Conférence des Nations Unies sur le climat (COP26), qui se tient actuellement à Glasgow.
D’ici 2030, à l’échelle mondiale, les 1% les plus riches émettront 30 fois plus de GES par personne que ce qu’il faudrait pour respecter les cibles de réchauffement. En effet, les membres de cette élite économique émettront chacun 70 tonnes de CO2 annuellement. Or, chaque habitant de la terre devrait limiter ses émissions à 2,3 tonnes si l’on veut éviter un réchauffement de plus de 1,5oC.
En comparaison, en 2030, les 50% les plus pauvres produiront seulement 1 tonne de CO2 par personne, soit bien moins que la limite. La moitié la moins nantie de la population mondiale ne sera responsable que de 9% des émissions de GES.
« Il n’est pas acceptable qu’une élite extrêmement minoritaire se donne le droit de polluer à volonté. Les émissions colossales de carbone des plus nantis de ce monde créent des conditions climatiques extrêmes partout. »
Catherine Caron, agente principale de campagnes à Oxfam-Québec
Le rôle des investisseurs
Selon le rapport, le rôle majeur joué par l’élite économique dans la crise climatique s’explique en partie par la consommation de luxe des ultra-riches : grandes demeures, bateaux, avions et même voyages dans l’espace. Mais leur rôle de pollueurs tient aussi beaucoup à leur pouvoir d’investissement, grâce auquel ils peuvent développer des industries polluantes : en 2019, les investissements en capital représentaient jusqu’à 70% des GES émis par le 1% des individus les plus pollueurs, rappelle le rapport.
« Il est important de faire passer le regard de la consommation à la production », confirme Frédéric Legault, enseignant de sociologie et co-auteur du livre Pour une écologie du 99%. Il estime que c’est surtout « en tant que capitalistes » que les membres de l’élite économique sont responsables de la crise climatique, et non seulement en tant que grands consommateurs.
« Les grandes décisions économiques et écologiques sont prises par une part infime de la population, une classe dirigeante qui représente en fait encore moins que 1% de la population. »
Frédéric Legault
Pour Tim Gore, auteur du rapport, les chiffres montrent que « la crise climatique et les inégalités dans le monde sont deux phénomènes étroitement liés » et qu’« il faut s’attaquer en même temps aux deux ». L’auteur considère que les États doivent intervenir, notamment en taxant davantage les plus nantis : cela permettrait de « réduire considérablement leur capital », écrit-il, et donc leur contrôle sur l’économie.
Frédéric Legault va plus loin : à ses yeux, une démocratisation de l’économie s’impose si on veut éviter le pire de la crise climatique. « Il faut redonner un pouvoir décisionnel aux travailleurs et aux travailleuses dans leurs milieux de travail, mais aussi sur les grandes décisions économiques. »
Il s’agit, juge-t-il, de la meilleure manière de s’assurer que les choix économiques respectent les intérêts de la majorité, notamment le droit à un environnement sain.