COP26 et Sommet des peuples, un dialogue de sourds

OPINION | Depuis Glasgow, Claude Vaillancourt, président d’ATTAC Québec, observe les différences irréconciliables entre les négociateurs de la COP26 et les participants du Sommet des Peuples.

Alors que les médias transmettent certains résultats des négociations à la COP26 à Glasgow, un grand sentiment d’insatisfaction continue de s’exprimer de la part de nombre d’environnementalistes. Greta Thunberg n’était pas la seule à affirmer que la conférence était un « échec » alors qu’il restait encore une semaine avant la fin de l’événement.

« Blah, blah, blah » peut-on lire sur une affiche collée sur plusieurs murs de la ville, et entend-on à différentes occasions dans la bouche des manifestant.e.s. Un pareil scepticisme transparaît tout autant au Sommet des Peuples qui se déroule en parallèle de la conférence officielle dans différents lieux de la ville. 

Cette stratégie d’exprimer une telle fin de non-recevoir devant les décisions prises à la COP26 peut paraître surprenante. Ne vaut-il pas mieux de donner une chance au coureur et attendre avant d’exprimer une si forte insatisfaction? 

Il faut passer d’un monde à l’autre pour évaluer le fossé qui sépare les deux camps.

Les négociations de la COP26 ont lieu dans une zone ultra-protégée et très spacieuse, où des hôtels de luxe sont reliés à l’immense salle OVO-Hydro, qui porte le nom d’une grande compagnie privée. Pendant ce temps, les manifestant.e.s ont pris possession des rues pendant deux grandes marches les 5 et 6 novembre, qui ont regroupé entre 100 000 et 200 000 personnes. La seconde manifestation a par ailleurs donné une bonne place aux peuples autochtones, qui étaient en tête du défilé et ont profité d’une tribune très visible à l’arrivée. Vus comme de grands protecteurs de la nature, ils sont l’un des plus beaux contre-exemples de ces entreprises qui détruisent l’environnement pour le profit.

Manifestation à Glasgow | Claude Vaillancourt

Désaccords fondamentaux

Si ces deux mondes s’entendent désormais sur la reconnaissance de la gravité du réchauffement climatique, les climatosceptiques étant une fois pour de bon écartés du jeu, des différences irréconciliables apparaissent sur au moins deux sujets fondamentaux. 

D’abord sur la notion d’urgence climatique. La lenteur et le peu d’envergure des solutions adoptées par les chefs d’État désespèrent les participant.e.s au Sommet des peuples. Comment, par exemple, se réjouir d’un accord sur le charbon qui n’inclut pas les plus grands utilisateurs de cette ressource, les États-Unis, la Chine, l’Inde et l’Australie? Comment fêter un accord sur la protection des forêts qui reprend, en l’améliorant il est vrai, une déclaration qui date de 2014? La longue route prise pour arriver à des résultats insuffisants en décourage plusieurs. 

Mais le désaccord le plus profond provient du point de vue de chacun sur le système économique. Alors que les négociations de la COP26 proposent des changements qui bouleverseront le moins possible l’actuel équilibre économique, les intervenant.e.s au Sommet des peuples ont répété à qui mieux mieux qu’il faut des changements beaucoup plus radicaux, qu’on n’arrivera à rien sans une remise en cause de l’économie de marché, voire du capitalisme. 

Pendant la première journée du Sommet, dans les ateliers auxquels j’ai participé, les solutions de marché pour réduire le réchauffement climatique, négociées à la COP26, ont peut-être soulevé la plus vive opposition. Le marché du carbone, la captation du carbone, la compensation de carbone sont vus à juste titre comme de fausses solutions et les participants ont manifesté leur crainte que tout ceci soit négocié à la COP. 

Les compagnies pétrolières ont été désignées à plusieurs reprises comme les plus grandes responsables de ce refus d’adopter des mesures vraiment significatives contre le réchauffement climatique. Selon la liste de Fortune Global, 8 des 10 plus grandes entreprises au monde sont reliées à l’exploitation des hydrocarbures et à l’automobile. Leur lobbying intensif auprès des États explique bien des hésitations de la part des gouvernements. Ils seraient plus de 500 représentants de ces entreprises à Glasgow, l’une des plus importantes délégations toutes catégories confondues. 

Négocier les catastrophes

La voix des pays du Sud s’est aussi faite entendre. Il a été répété à plusieurs reprises que ceux-ci produisent très peu de gaz à effet de serre et sont pourtant les plus grandes victimes du réchauffement climatique. Mais les compensations financières des pays du Nord, qui devraient être une obligation, sont l’objet de difficiles négociations à la COP. Les pays les plus affectés doivent démontrer les dommages subis, et cela alors que l’aide au compte-goutte qu’on leur accorde est déjà un scandale en soi. 

À la COP21 à Paris, les personnes présentes au sommet officiel s’étaient réjouies de l’objectif de maintenir le réchauffement climatique à 1,5o C. Les environnementalistes du contre-sommet s’étaient par contre grandement désolé.e.s du résultat décevant des négociations, puisque rien ne laissait entendre que cet objectif serait respecté, ce qu’on a pu constater par la suite. 

À la COP26, on nous dit qu’on évitera la fin du monde. Les engagements actuels des pays ne nous mèneraient plus à un réchauffement de 4 o C, voire de 7 o C, comme on nous en a menacés, mais de 2,7o C, nous dit l’ONU. Rien pour nous rassurer cependant! Il faut donc comprendre celles et ceux qui ont rejeté d’emblée cette COP26. Comment se réjouir alors qu’on négocie en fait le degré de catastrophes qui nous tomberont dessus, plutôt que de proposer une véritable voie de sortie?

Auteur·e

Ce site web utilise des cookies pour vous offrir une expérience utilisateur optimale. En continuant à utiliser ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité.

Retour en haut