Détenues indéfiniment, des personnes migrantes font la grève de la faim

Des migrant·es détenu·es à Laval par les services frontaliers fédéraux font la grève de la faim pour attirer l’attention du gouvernement et de la population sur leur sort.

En attente d’être déportées dans leurs pays d’origine depuis souvent plusieurs mois, des personnes détenues par l’Agence des services frontaliers canadiens (ASFC) dénoncent leurs conditions de détention. Souhaitant qu’on leur offre une alternative, une trentaine d’entre elles font la grève de la faim depuis bientôt une semaine.

Une trentaine de personnes, soit environ la moitié des détenu·es du Centre de surveillance de l’immigration (CSI) de Laval, entament mardi leur sixième journée de grève de la faim. Elles espèrent obtenir une alternative aux détentions d’une durée indéterminée qu’ils et elles doivent subir présentement, rapporte Solidarité sans frontières. L’information est confirmée par l’ASFC.

Les grévistes ont aussi adressé une pétition au ministre fédéral de la Sécurité publique Dominique Leblanc pour l’implorer d’envisager des alternatives à l’emprisonnement.

« Pour l’instant, on nous ignore. On n’a même pas vu de médecin, ce n’est pas normal. De notre côté, on fait tout ce qu’on nous demande, et du leur, ils ne respectent même pas leurs propres lois », déplore Albert* qui attend depuis quatre mois qu’on règle sa situation migratoire.

Face à cette allégation, l’ASFC a tenu à préciser que des professionnel·les de la santé étaient disponibles 24 heures sur 24 pour les grévistes et que l’agence « suit les recommandations du personnel médical et se conforme aux dispositions législatives relatives au consentement aux soins ».

« La nourriture [au CSI] est terrible, on nous sert du riz et du poulet mal cuit – mais cet aspect n’a pas été un problème dans les derniers jours. »

Steve*, détenu gréviste de la faim

Il n’est pas rare que les personnes détenues dans ce centre y restent pendant plusieurs mois, sans trop savoir ce qui les attend, ce qui crée beaucoup d’anxiété chez eux et elles. L’institution fédérale sert à détenir les migrant·es à statut irrégulier qui attendent le résultat de traitements administratifs. Si plusieurs espèrent voir leur situation résolue et obtenir un statut migratoire régulier, la grande majorité seront expulsé·es du pays, selon Solidarité sans frontières.

De plus, les conditions de détention au CSI ne sont pas très bonnes, rapporte Solidarité sans frontières.

« Par exemple, on nous apporte une fois par jour des rasoirs qui ont déjà des poils dessus. Impossible de savoir si ce sont nos poils de la veille ou de quelqu’un d’autre, mais plusieurs d’entre nous ont développé des rougeurs. La nourriture est terrible, on nous sert du riz et du poulet mal cuit – mais cet aspect n’a pas été un problème dans les derniers jours », ironise Steve* qui participe aussi à la grève de la faim.

« On nous traite comme des criminels. »

Albert*, détenu gréviste de la faim

Plusieurs de ses congénères implorent même les autorités de les laisser quitter le pays par leurs propres moyens plutôt que d’attendre indéfiniment qu’on les déporte, rapporte-t-il.

« C’est très difficile de ne pas savoir quand on va être relâché. La plupart d’entre nous sont des parents, on a des familles qui dépendent de nous. Tout ce qu’on veut, c’est une alternative », explique Steve.

Pour lui, l’idée que ces détentions soient le seul moyen de s’assurer que les gens partent si on ordonne leur déportation n’est pas soutenable. « Il y a plein d’autres choses qu’ils pourraient faire, ils pourraient nous confiner à domicile, suivre nos mouvements à partir de nos cellulaires… il n’y a pas de raison de nous garder ici », déplore-t-il.

Coupées du reste du monde

Les personnes détenues dont nous avons reçu les témoignages déplorent unanimement qu’on leur ait retiré leur cellulaire, ce qui les isole et les prive de leur capacité à obtenir de l’aide.

En effet, même si on leur permet de faire des appels locaux, les personnes détenues ne peuvent pas préparer leur arrivée dans leur pays d’origine advenant leur déportation. Elles ne peuvent pas non plus faciliter le traitement de leurs dossiers pour raccourcir leur détention, car elles ne peuvent pas facilement interagir avec les institutions de leurs pays d’origine.

« J’ai besoin de mon cellulaire pour faire des transferts bancaires, payer mon avocat, payer mon loyer et mes cartes de crédit, mais là, je n’ai juste pas accès et je ne sais tout simplement pas quand je pourrai le faire », explique Steve.

« On nous traite comme des criminels, mais la majorité d’entre nous n’ont jamais fait de crime, encore moins au Canada. Ça ne peut pas continuer, ça prend une alternative », dénonce Albert.

En attendant, conclut-il, les détenu·es continuent leur grève de la faim, dans l’espoir que les autorités reconnaissent finalement l’injustice de leur situation.

* Les grévistes ont préféré utiliser des noms fictifs de peur que leur témoignage nuise au traitement de leur dossier.

Mise à jour : Une réponse de l’ASFC a été ajoutée à l’article après sa publication. (13-09-2023)

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