Photo : orangemania (CC BY 2.0)
Nouvelle

Nouvelle prison pour migrants à Laval, « pire » que la précédente

Depuis leur transfert dans le nouveau centre de détention, les migrant·es détenu·es se sentent plus surveillé·es et isolé·es que jamais.

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Surveillance accrue, atmosphère « plus carcérale », isolement, annulation des visites : les détenu·es dénoncent les conditions auxquelles ils et elles sont soumis·es à la nouvelle prison fédérale pour migrant·es à Laval. L’organisme Solidarité sans frontières demande la fin de ces centres et la régularisation du statut migratoire des personnes qui y sont emprisonnées.

Ce mardi, des migrant·es détenu·es au Centre de surveillance de l’immigration (CSI) à Laval ont été transféré·es dans une nouvelle structure carcérale, située à seulement quelques mètres de celle où ils et elles étaient incarcéré·es jusque-là. Mais dans cette nouvelle prison, les conditions d’incarcération seraient encore pires.

L’institution fédérale, administrée par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) sert à détenir des migrant·es à statut irrégulier dans l’attente du traitement de leur situation.

Amy Darwish, membre de Solidarité sans frontières (SSF), a rapporté à Pivot les témoignages de plusieurs détenu·es avec qui l’organisme est en contact.

Les migrant·es feraient l’objet d’une surveillance plus sévère que jamais et les mesures de déplacement entre les portes et les ailes du bâtiment auraient été renforcées.

Mais Amy Darwish s’alarmait surtout de la suspension des visites extérieures depuis l’ouverture, et qui ont seulement été autorisées à nouveau vendredi. « Cela a créé un isolement beaucoup plus fort parmi les détenu·es, en plus d’un stress énorme pour leur famille et leurs proches », déplore-t-elle. Selon Mme Darwish, les détenu·es n’auraient jamais été informé·es de la suspension des visites. Des familles se sont ainsi déplacées « pour être [finalement] refoulées ».  

« On ne sait pas si c’est à cause du manque de personnel, de “raisons de sécurité” ou parce que [l’ASFC] n’a jamais organisé le fonctionnement des visites en premier lieu », explique-t-elle. SSF et les détenu·es ont demandé à plusieurs reprises les raisons de la suspension des visites. Les autorités leur ont répondu que c’était dû au changement de lieu.

Bien que les visites soient de nouveau autorisées, les détenu·es doivent désormais remplir un formulaire avec le nom des visiteurs, approuvé ou refusé par l’AFSC, rapporte Amy Darwish. Une nouvelle mesure, qui fait « une très grosse différence », puisque les visites étaient jusqu’à tout récemment une affaire quotidienne.

Pourtant, en annonçant l’ouverture du nouveau centre, l’ASFC se félicitait d’« améliorer le système de détention de l’immigration d’une manière humaine et équitable tout en maintenant la sécurité publique ».

L’agence fédérale soutient que les améliorations du nouvel établissement carcéral permettront d’assurer aux détenu·es « leurs soins et leur bien-être ». Le centre de détention dispose par exemple d’une bibliothèque et de services de santé élargis pour améliorer la prise en charge de la santé mentale des détenu·es.

L’ASFC souligne aussi que des installations de vidéoconférence ont été ajoutées « afin de réduire la nécessité de transporter les personnes détenues hors du site ».

Une expansion du problème

Le nouveau CSI est aussi plus gros que le précédent, étant doté d’une capacité de détention de 120 personnes, contre 100 à 103 dans les anciennes installations, explique Amy Darwish.

Pour Solidarité sans frontières, ce nouvel établissement carcéral représente « une expansion du système » canadien de détention des migrant·es.

Alors que plusieurs provinces se sont engagées à ne plus détenir de migrant·es au sein de leurs prisons ces derniers mois, l’ASFC a investi environ 138 millions $ de dollars sur cinq ans pour développer les installations fédérales de détention des migrant·es « et réduire le recours aux établissements correctionnels provinciaux ».

L’agence assure que la détention est « toujours utilisée en dernier recours » et « lorsqu’une personne est considérée comme un danger pour le public, un risque de fuite ou lorsque son identité n’a pas été confirmée ». Mais selon Amy Darwish, la forte majorité des personnes détenues le seraient plutôt simplement parce que leur identité n’a pas pu être établie à la frontière.

« La grande majorité des centres de détention existent pour faciliter la déportation », indique aussi Mme Darwish. « Les services frontaliers canadiens sont inquiets que les personnes ne se présentent pas si elles sont déportées. » Or, Solidarité sans frontières demande justement la cessation des déportations. « La seule solution n’est pas de construire plus de centres de détention, mais de mettre en place un programme complet de régularisation pour tous. »

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