Le Parti populaire de Maxime Bernier s’attaque aux personnes trans et non binaires

Le PPC souhaite restreindre l’accès aux soins médicaux, autoriser la discrimination sur la base du genre, censurer des livres et interdire aux personnes trans l’accès à certains lieux.

En conférence de presse le 23 mai dernier, le chef du Parti populaire du Canada (PPC) Maxime Bernier annonçait une politique sur « l’idéologie radicale du genre ». Le Parti affirme vouloir « protéger les femmes et les enfants ». Mais les propositions sont frontalement anti-trans et menacent la sécurité des personnes trans et non binaires, particulièrement les jeunes.

Les mesures annoncées comprennent entre autres l’abrogation du projet de loi C-16, adopté en 2017 et qui interdit la discrimination sur la base de l’identité ou l’expression de genre, ainsi que la modification du projet de loi C-4, qui interdit les thérapies de conversion depuis 2021.

Le PPC souhaite aussi notamment interdire l’accès aux soins médicaux de transition pour les mineur·es.

Maxime Bernier est actuellement en campagne pour être élu dans la circonscription de Portage-Lisgar, au Manitoba, dans le cadre d’une élection partielle.

Plusieurs militant·es et membres des communautés LGBTQ+ ont dénoncé la politique du PPC, y voyant un recul dangereux et surtout une propagande d’idées violentes envers les communautés.

« Le PPC cherche à créer un climat social et politique effrayant pour les mineur·es trans, en enlevant tout soutien qu’ils et elles pourraient recevoir », se désole Celeste Trianon, militante transféministe et juriste clinicienne.

Politique du PPC sur « l’idéologie radicale du genre »

Dans sa politique, le PPC promet de mettre en place les sept propositions suivantes :

  • Abrogation de la loi C-16 pour retirer l’identité et l’expression de genre comme motif de discrimination interdit par la Charte des droits et libertés.
  • Suppression de l’interdiction des thérapies de conversion pour les mineur·es dans le projet de loi C-4.
  • Interdiction pour les mineur·es des bloqueurs de puberté, des traitements hormonaux et des chirurgies d’affirmation de genre. Criminalisation des personnes encourageant la transition de mineur·es.
  • Retrait des écoles et des bibliothèques de tout contenu jugé « pornographique » ou inapproprié.
  • Interdiction aux femmes trans d’entrer dans des espaces non mixtes pour femmes comme les salles de bains, vestiaires, refuges et prisons.
  • Interdiction aux femmes trans de participer à des sports réglementés et financés par le gouvernement fédéral dans la catégorie féminine.
  • Abolition du financement fédéral des soins d’affirmation de genre pour les fonctionnaires et les personnes incarcérées.

Une politique basée sur la peur et sur des faits erronés

Sur la plateforme électorale du PPC, une section de la politique présente les « faits » qui justifieraient son application. Toutefois, à la lumière des recherches actuelles sur les réalités des personnes trans ou non binaires, la plupart des arguments avancés par le Parti semblent faire appel à la peur bien plus qu’à la raison.

À titre d’exemple, l’une des affirmations énoncées par le chef du Parti Maxime Bernier concerne les chirurgies d’affirmation de genre. Le chef affirme que « de plus en plus de personnes transgenres qui ont subi de telles opérations finissent par le regretter et veulent “détransitionner” ».

La plupart des arguments avancés par le PPC semblent faire appel à la peur plus qu’à la raison.

Une recherche en cours au Canada s’intéressant au phénomène de « détransition » ou de « retransition » chez les jeunes a plutôt démontré que ce taux s’élèverait à moins de 10 %.

Surtout, il ne s’agit pas, dans la plupart des cas, d’un regret ou d’une erreur, mais plutôt d’un parcours afin de se « retrouver », explique l’une des chercheuses, la professeure Denise Medico. La plupart des gens qui « retransitionnent » évolueraient vers une identité de genre non binaire et ne retourneraient donc pas à leur genre assigné à la naissance.

Selon d’autres études, les taux de véritable regret seraient inférieurs à 1 %. Les principales causes de détransition seraient la pression sociale et les discriminations vécues par les personnes trans.

Des propositions frontalement anti-trans

Le PPC entend interdire certains soins d’affirmation de genre pour les mineur·es. Selon Florence Gallant Chenel, co-présidente du Conseil québécois LGBT, interdire et criminaliser ces soins n’aurait pour effet que d’augmenter la présence d’un marché noir, notamment d’hormones, au Canada.

Inversement, « si on encadre les pratiques et qu’on assure un consentement éclairé et une éducation adéquate, on garantit la sécurité de tout le monde », affirme-t-elle.

Par sa politique, le PPC entend également retirer des écoles et des bibliothèques tout contenu traitant de santé trans.

Une proposition que dénonce Alexandre Rainville, à la direction générale de l’organisme Jeunes identités créatives et impliqué·e depuis plusieurs années dans le milieu littéraire. « Quand les gens ont des mots pour se décrire, pour se comprendre, ça permet de faire un chemin réflexif et une introspection », explique Alexandre Rainville.

« Le PPC cherche à créer un climat social et politique effrayant pour les mineur·es trans. »

Celeste Trianon

Alexandre Rainville souligne d’ailleurs qu’il existe peu d’ouvrages traitant d’enjeux LGBTQ+ pour les 14 à 17 ans. Plutôt que de censurer et d’interdire les ouvrages existants, il serait primordial que le gouvernement encourage la multiplication de cette littérature, afin d’offrir plus de modèles, d’éducation et de représentation.

« La sexualité, le genre et les relations sentimentales sont enseignés dans les écoles de manière hétéro-centrée, cis-centrée. Ça invisibilise l’existence des personnes LGBTQ+. »

Une des autres propositions du PPC vise à empêcher l’accès des femmes trans aux espaces non mixtes pour femmes, comme les salles de bains, les vestiaires, les refuges et les prisons.

Florence Gallant Chenel du Conseil LGBT rappelle toutefois que les études ont clairement démontré que le danger encouru par les femmes cisgenres (non trans) dans ces endroits ne provient pas des femmes trans. « Dans les toilettes pour femmes aux États-Unis, il y a plus d’agressions commises par des hommes cisgenres que par des femmes trans », rappelle-t-elle.

La co-présidente rappelle d’ailleurs qu’il est essentiel d’améliorer la sécurité pour les femmes trans, qui sont plus souvent victimes qu’agresseures, surtout lorsqu’elles n’ont pas accès aux toilettes correspondant à leur genre, par exemple.

Agir en tant qu’allié·e : dénoncer et soutenir

« L’une des choses ayant le plus d’impact que tout·e allié·e peut faire, c’est de dénoncer ce genre de propos dans son entourage », affirme Celeste Trianon. Cela contribue à éduquer et à sensibiliser, explique la militante.

« Mobiliser ses ressources, que ce soit en offrant du temps ou de l’argent à des causes ou à des initiatives visant à soutenir la communauté, ça peut sauver des vies! »

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