Le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville. | Capture d'écran : Assemblée nationale
Nouvelle

Violences sexuelles à l’école : Drainville lance une enquête, les jeunes réclament une loi

Pour le collectif La voix des jeunes compte, l’enquête de Drainville sur les violences sexuelles dans les écoles ne répond pas aux besoins.

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Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a annoncé mardi qu’il déclenchera une enquête pour faire la lumière sur les violences sexuelles dans les écoles. C’est trop peu, trop tard, pour le collectif de jeunes La voix des jeunes compte, qui milite depuis cinq ans pour dénoncer ce type de violences et fait pression sur le gouvernement pour qu’il adopte une loi-cadre.

Mardi, le ministre de l’Éducation Bernard Drainville a déclenché une enquête générale sur l’étendue des violences à caractère sexuel dans les écoles primaires et secondaires du Québec. Elle accordera une attention particulière à la gestion de comportements problématiques et au traitement des dénonciations récoltées par le Protecteur de l’élève.

L’enquête ne sera cependant pas indépendante du gouvernement ni du ministère de l’Éducation, ce qui inquiète le collectif La voix des jeunes compte. 

« On est assez troublées, sachant l’omerta qui existe dans ces institutions-là, qui jusqu’à aujourd’hui ont été tout sauf alliées de la vérité », explique Mélanie Lemay, membre du collectif et cofondatrice de Québec contre les violences sexuelles.

« On souhaite que les familles, les témoins, les organisations et les victimes puissent être consultés. »

Mais selon elle, l’enquête représente surtout une stratégie pour faire taire les critiques, alors que les dénonciations de violences sexuelles en milieu scolaire se multiplient dans la province. Mais une telle enquête est loin de répondre aux besoins concrets et immédiats des élèves, critique-t-elle.

« Le mécanisme d’accompagnement et de soutien pour les jeunes est complètement inadapté et archaïque, il n’a jamais été réfléchi en fonction du bien-être des jeunes. »

Mélanie Lemay

« La solution est très simple », rappelle-t-elle. « Il faut élargir [aux écoles primaires et secondaires] les protections déjà garanties dans les cégeps et les universités. »

En effet, une loi-cadre existe déjà en éducation supérieure et oblige les cégeps et les universités à se doter de protocoles adaptés afin de prévenir et combattre les violences sexuelles tout en offrant un soutien approprié aux victimes. Le collectif La voix des jeunes compte demande une loi similaire pour les écoles primaires et secondaires.

« Encore aujourd’hui, on débat de l’importance d’une telle loi, alors qu’on a vu l’impact que ça a [en éducation supérieure]. »

Paralysie politique

Cela fait bientôt cinq ans que La voix des jeunes compte réclame un cadre légal auprès du gouvernement. Mme Lemay juge inacceptable que des membres du collectif, dont certaines sont elles-mêmes des survivantes de violences sexuelles, aient complété leur secondaire sans bénéficier du fruit de leur militantisme.

« Ça prend des jeunes pour dire aux adultes comment faire leur travail, et encore aujourd’hui ces adultes en position de pouvoir se traînent les pieds et nous gaslightent en prétendant que tout va bien, alors que tout brûle », lâche-t-elle.

« Ça prend des mesures d’urgence pour assurer la sécurité psychologique des élèves à l’échelle du Québec, parce qu’en ce moment tout le monde est ébranlé », demande-t-elle en soulignant la multiplication des dénonciations dans les écoles et le manque de soutien offert des victimes.

Un « protecteur » désuet

À l’heure actuelle, en cas de violence sexuelle, les élèves aux niveaux primaire et secondaire doivent transmettre leurs dénonciations au Protecteur de l’élève ou via la plateforme Je porte plainte, qui requiert une dénonciation par écrit. La victime devra elle-même faire un compte rendu à la police ou à la DPJ en cas d’enquête.

« Le mécanisme d’accompagnement et de soutien pour les jeunes est complètement inadapté et archaïque, il n’a jamais été réfléchi en fonction du bien-être des jeunes. »

Pour porter plainte, « il faut répondre à des balises légales », mais on « ne s’intéresse pas à comment ça va être reçu par les jeunes », explique Mme Lemay. Par exemple, « il n’y a pas un enfant de huit ou douze ans qui va raconter son viol par écrit. On ne peut pas avoir quelque chose de plus revictimisant que ça. »

Par ailleurs, les directions scolaires ne sont pas non plus imputables s’ils n’agissent pas pour protéger les élèves suite à une dénonciation.

« S’ils ne font rien, il n’y a aucune conséquence. Même le ministre ne peut pas agir », déplore Mélanie Lemay. « Même au niveau criminel, un policier ou un juge ne peut pas dicter à un directeur d’école quoi faire. »

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