Comment reconnaître et signaler les thérapies de conversion

La Fondation Émergence lance sa campagne de sensibilisation pour s’attaquer aux pratiques de conversion qui persistent malgré leur interdiction.

Depuis 2021, les thérapies de conversion, qui visent à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, sont considérées comme des actes criminels au Canada. Pourtant, à ce jour, aucune plainte n’est recensée à ce sujet, même si la pratique existe toujours au pays, selon des experts. C’est dans cette optique que Fondation Émergence lance une campagne de sensibilisation visant à mieux reconnaître et dénoncer les pratiques de conversion.

De façon générale, les pratiques de conversion ont pour objectif de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, afin qu’elle se conforme à l’hétérosexualité ou qu’elle soit cisgenre (non-trans).

Elles peuvent avoir des conséquences graves sur la qualité de vie, la santé mentale et physique des victimes. Elles sont associées à un haut taux de suicide et touchent majoritairement les jeunes. 

Plus d’un an après l’adoption de la loi fédérale interdisant les thérapies de conversion, on ne dénombre aucune plainte au Canada. Pourtant, plusieurs organismes comme la Fondation Émergences et No Conversion Canada qui ont longtemps fait pression pour leur criminalisation affirment qu’elles persistent en marge de la loi dans plusieurs milieux

« On est dans une situation où la loi est allée au-devant d’un changement social », explique Laurent Breault, directeur général à la Fondation Émergence. « C’est une bonne chose, mais beaucoup d’intervenants ne connaissent pas du tout les thérapies de conversion » : il devient alors impossible pour plusieurs de les distinguer, et donc de les dénoncer, explique-t-il. 

« Puisque personne n’a porté plainte et qu’il n’y a pas de démarches juridiques, il n’y a pas de jurisprudence. On est encore au point de départ. » 

Laurent Breault

C’est pour répondre à cet enjeu que la Fondation Émergence lance une campagne de sensibilisation et de formation qui vise à mieux connaître les différentes formes que peuvent prendre les thérapies de conversion et à intervenir adéquatement en soutenant les victimes.

La formation s’adresse principalement aux éducateur·trices, aux enseignant·es, aux policer·ères, ainsi qu’aux professionnel·les de la santé et des services sociaux.

Du matériel de prévention ainsi que du contenu de sensibilisation sont également disponibles sur le site Web d’Émergence.

Une définition complexe

« Puisque personne n’a porté plainte et qu’il n’y a pas de démarches juridiques, il n’y a pas de jurisprudence », signale M. Breault. « On est encore au point de départ. » 

Cette absence de développement juridique complique la synthèse d’une définition claire et précise des pratiques de conversions, un exercice qui est pourtant essentiel pour que les citoyen·nes, les éducateur·trices, les parents, les intervenant·es ou encore la police reconnaissent les thérapies de conversion et interviennent adéquatement.

Les pratiques de conversion peuvent se dérouler dans plusieurs milieux, comme dans des institutions religieuses, mais également dans le domaine de la santé, et dans certains cas, à l’insu des victimes. 

« C’est souvent très insidieux », prévient M. Breault en expliquant que ce genre de pratique est parfois difficile à identifier. « Il n’y a pas de professionnel de la santé qui va mettre “thérapie de conversion” sur sa facture », fait-il remarquer. 

« À la base, ça revient à l’homophobie et à la transphobie, à la suite de siècles d’oppression envers les personnes LGBT qui fait qu’on a marginalisé et pathologisé ces personnes. Elles étaient considérées comme des personnes anormales qu’on cherchait à “guérir”. »

Laurent Breault

Selon M. Breault, pour bien identifier les conversions, il faut questionner les motivations des interventions. « Si on n’est pas dans une posture d’accompagnement, d’affirmation de la personne telle qu’elle est, des drapeaux rouges doivent apparaître. »

Des pratiques qui nient l’identité ou la sexualité d’une personne, en la définissant comme anormale, pathologique ou indésirable et qui tentent de la décourager, sont associées à la conversion.

« À la base, ça revient à l’homophobie et à la transphobie, à la suite de siècles d’oppression envers les personnes LGBT qui fait qu’on a marginalisé et pathologisé ces personnes », rappelle-t-il. « Elles étaient considérées comme des personnes anormales qu’on cherchait à “guérir”. »

Il souligne que les pratiques de conversion peuvent prendre diverses formes comme la « thérapie » pratiquée par un·e professionnel de la santé, la prescription de médicaments qui suppriment la libido, les traitements hormonaux censés renforcer l’identité cisgenre, ou encore le refus de l’hormonothérapie à des fins de transition de genre.

Dans les milieux religieux, ceux et celles qui la commettent peuvent aussi avoir recours à des pratiques comme l’exorcisme, la prière intensive, le confinement, le jeûne.

Comment intervenir?

Même si aucune plainte n’a été portée jusqu’à présent, il est possible d’aller devant les tribunaux criminels pour dénoncer des pratiques de conversion ayant eu lieu depuis l’adoption de la loi en décembre 2021.

Des services et de conseils juridiques gratuits sont offerts par Justice Pro bono, l’un des partenaires de la campagne de sensibilisation.

« Au niveau criminel, on ne peut pas revenir sur des thérapies qui auraient été faites avant l’adoption de la loi », précise M. Breault. Dans ces cas, il est cependant possible d’effectuer une poursuite civile afin de demander un dédommagement. 

M. Breault souligne qu’une autre option serait de porter plainte à la Commission des droits de la personne. Si la thérapie est commise par un·e professionnel·le, il est également possible de faire une plainte à l’Ordre professionnel dont il ou elle relève.

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