Que reste-t-il du convoi de la liberté?

Les « convois de la liberté » ont perturbé presque toutes les villes importantes du Canada au début de 2022 : que devient leur mouvement, un an après les faits?

Malgré des rassemblements annulés et des tensions au sein du mouvement, les manifestant·es étaient tout de même au rendez-vous à travers le Canada pour l’anniversaire des convois de la liberté – mais beaucoup moins nombreux·ses. Pendant ce temps, les idées de l’extrême droite militante ont tout de même fait leur chemin dans l’espace public.

L’organisation des événements prévus à l’occasion du premier anniversaire des convois de la liberté à Ottawa a été houleuse et est loin d’avoir mobilisé autant de personnes.

Après le retrait de la section officielle québécoise en décembre dernier puis l’annulation d’un nouveau convoi prévu à Ottawa par Canada Unity, un des groupes les plus importants dans l’organisation de l’occupation d’Ottawa l’an dernier, la droite canadienne et québécoise s’est fait relativement tranquille depuis le début de 2023.

James Bauder, le leader de Canada Unity qui avait cherché à renverser le gouvernement en réclamant l’aide de la gouverneure générale, avait bien annoncé un convoi de remplacement à Winnipeg, mais celui-ci a aussi été annulé à la toute fin de décembre.

« Ça a eu à peu près zéro impact médiatique », nous dit Martin Geoffroy, sociologue et fondateur du Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation (CEFIR), à propos du convoi 2.0.

Un anniversaire bien tranquille à Ottawa

Le spectre de la loi 100 en Ontario, qui a récemment criminalisé la perturbation de « l’activité économique ordinaire », a refroidi l’ardeur de la plupart des manifestations dans la capitale fédérale.

La fin des confinements et de la majorité des mesures sanitaires sont évidemment aussi en cause, explique Martin Geoffroy, puisque c’était le facteur d’unification principale de la plupart des gens et des groupes derrière le convoi de l’an dernier.

Certain·es irréductibles étaient tout de même présent·es à Ottawa durant les mois de janvier et février.

Manifestation anti-trans lors du Bal des neiges à Ottawa. | Photo : Antoine Morin-Racine
Les contre-manifestant·es sont venu·es en grand nombre. | Photo : Horizon Ottawa (Facebook)

Un spectacle de drag organisé dans le cadre du Bal des neiges a d’ailleurs été perturbé par une vingtaine de manifestant·es, mais une contre-manifestation a été organisée par Horizon Ottawa pour leur faire face.

L’anniversaire de la déclaration des mesures d’urgence par le gouvernement Trudeau, à la mi-février, n’a pas non plus suscité de grandes perturbations dans la capitale fédérale. La droite militante locale a bien organisé quelques rassemblements, mais rien de l’ampleur des mobilisations de l’an dernier.

Calendrier d’activités organisées à Ottawa pour l’anniversaire des convois de la libertés | Image : Durham Region Freedom Fighters (Facebook)
Faible présence à la manifestation du 16 février à Ottawa, en face des bureaux du premier ministre. | Photo : Antoine Morin-Racine

Repli à Québec

Histoire similaire à Québec, où quelques militant·es sont au rendez-vous chaque jour en face de l’Assemblée nationale depuis le 17 février, mais sans grande perturbation de la circulation.

Ce repli dans la capitale provinciale fait écho à l’effritement de l’alliance circonstancielle qui avait uni les droites canadienne et québécoise et qui avait donné à l’occupation d’Ottawa sa saveur transcanadienne, mais qui n’a pas su survivre à la dernière année, remarque Martin Geoffroy.  

Sous le nom du « Traité pour nos droits », ces rassemblements accueillent et promeuvent tout un tas de revendications de la droite libertarienne militante, des plus habituelles aux plus insolites.

Affiche annonçant les rassemblements organisés à Québec pour l’anniversaire des convois de la liberté | Image : Traité pour nos droits (Facebook)

Les droits des anciens combattants, l’opposition à la loi C-21 sur le port d’armes et le refus de la vaccination obligatoire y sont évidemment au rendez-vous. Mais on peut également y entendre des discours sur le « coup d’État » de Pierre Eliott Trudeau en 1968 et l’illégitimité de la constitution de 1982, tandis que plusieurs personnes arborent les couleurs de la mouvance complotiste américaine QAnon.

La thématique « Traité » de l’événement évoquant le penchant de cette droite pour le droit constitutionnel, des personnes s’affichant comme des membres des Premières Nations étaient également présentes pour manifester contre la Loi sur les Indiens.

Rassemblement devant l’Assemblée nationale à Québec, le 18 février 2023 | Photo : Antoine Morin-Racine
Au micro, l’organisateur de la section québécoise du convoi de la liberté, Jonathan Mongrain.

Où s’en vont les restes du convoi?

Au-delà des tensions qui ont été rapportées au sein même du mouvement, des événements comme le « Traité pour nos droits » semblent donc pointer vers une diversification, sinon une confusion dans les revendications depuis la fin des mesures sanitaires. Les personnes et les groupes liés autrefois à la dénonciation de ces mesures investissent aujourd’hui de nouveaux fronts de lutte.

Du côté du Canada anglais, l’opposition au « 15 minutes cities », une initiative de densification urbaine entreprise par plusieurs villes nord-américaines, suscite la grogne de plusieurs ancien·nes du convoi, qui la décrivent comme la première étape d’un « confinement écologique ».

L’opposition aux nouvelles technologies de surveillance biométrique fait aussi partie de leurs combats, comme c’est le cas d’une grande partie des conspirationnistes à l’échelle mondiale.

À cela s’ajoutent une critique du soutien militaire à l’Ukraine – et parfois même une défense de l’invasion russe – ou encore de nombreuses batailles contre les droits des personnes trans.

La lutte des ex du convoi semble donc être devant un avenir incertain à l’approche du procès de ses organisateur·trices, prévu en septembre prochain, mais cela ne veut pas dire que les idées des extrêmes droites militantes ne gagnent pas du terrain, selon Martin Geoffroy.

La normalisation du débat sur le chemin Roxham l’inquiète particulièrement. Ce qui était un enjeu porté presque exclusivement par des groupes comme la Meute ou Storm Alliance il y a quelques années a, selon lui, été élevé au statut de débat public par certains médias, le gouvernement Legault et le Parti québécois.

« Ma peur pour les prochaines années, c’est que les théories du complot permettent à certaines idéologies d’extrême droite de faire leur petit bonhomme de chemin », confie-t-il. « Et le fait que le convoi 2.0 n’ait pas réussi, ça veut juste dire que les idées d’extrême droite se font un chemin dans le mainstream. »

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