Le ministre de la Sécurité publique, Marco Medicino, discute avec les jeunes de Saint-Léonard, à Montréal, le 21 février 2023. | Photo : Léa Beaulieu-Kratchanov
Nouvelle

Sécurité à Montréal : « les gouvernements ne nous écoutent pas », s’indignent les jeunes

Devant le ministre de la Sécurité publique, les jeunes de Saint-Léonard demandent des lieux sûrs où se rassembler et s’épanouir.

· ·

Mardi soir, des jeunes de Saint-Léonard se sont réuni·es à la bibliothèque municipale comme souvent après les heures de classe, puisque c’est l’un des rares lieux permettant de se rassembler en toute sécurité dans leur quartier. Mais cette fois, ils et elles étaient là pour faire entendre leurs préoccupations au ministre de la Sécurité publique du Canada, Marco Mendicino.

« Après l’école, vous allez où? », demande Beverley Jacques, directeur de DOD Basketball, au petit groupe de jeunes rassemblé·es autour d’une table dans le sous-sol de la bibliothèque de Saint-Léonard, mardi soir.

Assis près d’eux en cravate et veston, se trouve le ministre de la Sécurité publique du Canada, Marco Mendicino, dont le ministère est en train de mettre en place un fonds de 250 millions $ visant à « bâtir des communautés plus sécuritaires » au pays. Il est accompagné de la députée libérale fédérale de Saint-Léonard, Patricia Lattanzio, et du maire d’arrondissement, Michel Bissonnet.

Quelqu’un répond, « dans un fast food! » et les jeunes s’esclaffent. À vrai dire, c’est à la bibliothèque qu’ils et elles se retrouvent souvent après les cours : la connexion wifi y est bonne, on y trouve une console pour jouer à la FIFA et, surtout, on s’y sent en sécurité.

« Comment voulez-vous qu’on se sente en sécurité? »

Lorsqu’on demande aux jeunes de décrire leurs sentiments sur cette question de sécurité, ils et elles sont catégoriques : leur quartier n’est pas sûr, surtout pas le soir après l’école, une fois la nuit tombée.

« Que ce soit ici, à RDP [Rivière-des-Prairies], à Montréal-Nord ou à Saint-Michel, on ne se sent pas en sécurité », explique une étudiante de secondaire cinq. « À chaque jour j’entends des coups de feu. […] Comment voulez-vous qu’on se sente en sécurité et qu’on reste dehors plus longtemps, s’il y a des choses comme ça qui se passent? » 

Mais le petit groupe s’entend également sur un autre point : la police n’est pas la solution à ce sentiment d’insécurité, car elle est également source d’inquiétude pour les jeunes. 

« La police, moi je trouve qu’ils sont racistes », lance une autre jeune. Elle explique que des policiers se trouvent souvent, sans raison apparente, à l’école qu’elle fréquente et dont la majorité des étudiants sont racisés. « Ça nous fait peur. À chaque fois on se demande : mais qu’est-ce qu’il se passe? »

Elle et ses amies décrivent ensuite comment, pas plus tard que la semaine dernière, un agent du SPVM aurait braqué son téléphone cellulaire sur elles alors qu’elles sortaient d’un commerce. « Il nous filmait, c’était vraiment bizarre. On avait trop peur. »

S’épanouir en sûreté 

« Il y a beaucoup de jeunes à Saint-Léonard, [les gouvernements] ne nous écoutent pas », explique une jeune. Selon elle, un plus grand nombre d’espaces sécuritaires et publics où les jeunes peuvent se retrouver est crucial.

« On n’a pas beaucoup d’espaces pour nous, on ne peut pas toujours rester dans une bibliothèque », lance-t-elle en précisant que parfois, lorsque la capacité maximale est atteinte, les jeunes sont contraint·es d’attendre dehors ou de rebrousser chemin. 

« À chaque jour j’entends des coups de feu. […] Comment voulez-vous qu’on se sente en sécurité et qu’on reste dehors plus longtemps, s’il y a des choses comme ça qui se passent? » 

Une jeune résidente de Saint-Léonard

Offrir des réseaux et des endroits de rencontre et d’échange pour les jeunes, c’est la mission des organismes communautaires qui travaillent d’arrache-pied dans le quartier et dont certains représentant·es étaient présents mardi. 

Ce sont des organismes comme DOD-Basketball ou encore Jeux de la rue, qui créent des liens de confiance avec la jeunesse à travers le sport et assurent un soutien et un sentiment d’appartenance qui manque gravement.

Les organisateurs affirment que la demande de la part des jeunes est grandissante et qu’ils reçoivent de nouvelles demandes d’inscription tous les jours. 

Financement fédéral

Il faut une stratégie compréhensive et intégrée pour répondre aux besoins des jeunes et freiner l’insécurité, pense le ministre Mendicino. 

« Il faut prendre une approche intégrée avec des organismes locaux comme ici pour réduire les barrières, augmenter le niveau de soutien pour la jeunesse, pour ceux qui sont à risque de la violence criminelle », a expliqué le ministre lors d’un point de presse mardi soir.

C’est notamment ce que doit faire le fonds de prévention de 250 millions $ annoncé en mars dernier et qui vise 15 communautés au pays, dont Montréal. 

La Ville touchera environ 17 millions $ pour le programme Prévention Montréal visant les jeunes de moins de 30 ans. 

Mais ce financement est bien maigre, en comparaison de celui obtenu par la police. En 2022, Québec a déployé 250 millions $ afin de permettre l’embauche d’un plus grand nombre de policiers à Montréal. En 2023, le budget total du SPVM s’élève à 787 millions $.

En attendant la distribution du financement fédéral, les organismes communautaires s’inquiètent de ne pas pouvoir mobiliser les ressources et les intervenant·es nécessaires pour assurer leurs activités. Pour eux, afin de recruter et de conserver le personnel qualifié, le financement doit impérativement s’échelonner sur le long terme.

Vous aimez notre contenu? Abonnez-vous à Pivot pour soutenir un média indépendant qui bouleverse le statu quo, suscite le débat et permet à de nouvelles voix de se faire entendre.

Pas prêt·e à vous abonner à Pivot? Inscrivez-vous à notre infolettre pour recevoir les actualités des luttes et des alternatives.