Depuis bientôt deux ans, les organismes membres de la Coalition Pozé signalent un manque criant de fonds pour prévenir la criminalité chez les jeunes à Montréal. Pour bien faire leur travail et créer un changement durable, ils réclament un financement à long terme.
Cela fait plus de 25 ans que l’Équipe RDP travaille auprès des jeunes de Rivière-des-Prairies pour prévenir la criminalité, le décrochage scolaire et la toxicomanie. L’organisme fait partie de la Coalition Pozé, un rassemblement qui réclame depuis 2021 un meilleur financement pour prévenir la violence armée à Montréal.
« Quand on a commencé, en 1997, on a senti des impacts immédiats, oui, mais l’ensemble de l’action a donné des résultats cinq, six ans plus tard », raconte le directeur de l’organisme, Pierreson Vaval.
Travailler vers un changement de culture auprès des jeunes comme le fait l’Équipe RDP, c’est un travail de longue haleine qui est incompatible avec le financement sporadique et inégal actuellement octroyé par les différents paliers de gouvernement, pose-t-il.
« On est toujours dans une situation où les leviers pour nous aider à travailler auprès des jeunes en précarité sont très fragiles », s’inquiète M. Vaval. Il explique que cette précarité constitue un obstacle à l’implantation d’initiatives pouvant avoir un effet durable chez les jeunes.
« Montréal [manque] d’acteurs qui sont capables d’agir en prévention : pas parce qu’ils n’existent pas, mais parce qu’ils ne sont pas suffisamment appuyés, ce n’est pas sérieux. »
Selon lui, à l’heure actuelle, le financement octroyé permet d’éteindre des feux, sans s’engager dans un réel changement au long terme permettant un changement de culture.
En 2020-2021, l’Équipe RDP n’avait reçu que 825 000 $ en provenance des gouvernements fédéral, provincial et municipal.
En juin dernier, Montréal a reçu un peu plus de 17 millions $ d’argent fédéral afin de lutter contre la violence armée au niveau communautaire. À ce financement s’ajoute un autre 5 millions $ déjà investi en avril par Ottawa. Plus récemment, le ministère de la Sécurité publique du Québec a annoncé 375 000 $ afin de prévenir la criminalité chez les jeunes à Montréal. L’administration Plante avait quant à elle annoncé au printemps dernier 7 millions $ destinés à des projets et installations pour les jeunes, toujours pour lutter contre le crime.
« Montréal [manque] d’acteurs qui sont capables d’agir en prévention : pas parce qu’ils n’existent pas, mais parce qu’ils ne sont pas suffisamment appuyés, ce n’est pas sérieux. »
Pierreson Vaval
À titre de comparaison, en 2021, Québec avait octroyé 90 millions $ pour l’opération CENTAURE contre la violence armée, majoritairement menée par des corps de police en milieux urbains et la Sûreté du Québec. À travers ce financement, le SPVM a notamment été mobilisé pour intervenir en milieu scolaire. Québec a aussi débloqué 250 millions $ afin de permettre l’embauche d’un plus grand nombre de policiers à Montréal. Le budget total du SPVM en 2023 s’élève à 787 millions $.
Gagner la confiance des jeunes
L’Équipe RDP travaille notamment à sensibiliser les acteur·trices de la sécurité comme la Ville et les policiers au besoin de mobiliser des intervenants qui ont des liens privilégiés avec les jeunes.
« Si on a pas cette expertise autour de la table, les actions vont toujours avoir des impacts à côté de la cible », conclut M. Vaval.
Agir sur le long terme est essentiel au travail qu’accomplit Beverley Jacques, cofondateur de DOD Basketball, également membre de la Coalition Pozé. À travers le sport, l’organisme rassemble les jeunes de Saint-Léonard dans une optique plus large d’implication sociale.
« Les jeunes ne font pas confiance aux adultes et c’est normal, ils ont leurs raisons », lance-t-il. Il avertit que ceux et celles qu’on n’arrive pas à rejoindre peuvent en venir à se méfier davantage et à se marginaliser.
« Les jeunes vivent dans leur monde, c’est notre travail de les y rejoindre. »
« Il y en a qui ne rient pas, et puis tout d’un coup […] ils montrent leur côté bouffon. On les voit dans des moments de vulnérabilités. »
Beverley Jacques
Lorsque c’est fait et que la confiance est gagnée, c’est à ce moment que « le jeu commence », explique M. Jacques. « Là, on peut commencer à construire quelque chose avec eux. »
« Construire quelque chose », ici, ça signifie créer des liens et faire une place à la vulnérabilité des jeunes. C’est ce qui se développe, peu à peu, sur le long terme, à travers les activités qu’organise DOD Basketball – dans le sport, mais également à travers des ateliers de cuisine ou encore une sortie hors de l’île de Montréal, où certain·es jeunes n’ont jamais mis les pieds.
« Certains se confient à nos [intervenant·es] », explique M. Jacques. « Il y en a qui ne rient pas, et puis tout d’un coup […] ils montrent leur côté bouffon. On les voit dans des moments de vulnérabilités. »