Gestation pour autrui : « ma maman rend une autre famille heureuse »

Une nouvelle étude démontre que les enfants vivent généralement de manière positive le projet de gestation pour autrui de leur mère.

Une récente étude s’intéresse aux vécus des enfants des mères porteuses, et met en lumière qu’une fois bien informés, ils vivent la maternité de leur mère comme une expérience globalement positive.

La gestation pour autrui (GPA) soulève des enjeux éthiques et de nombreuses controverses. Depuis 20 ans, les recherches s’intéressent aux impacts de la GPA sur les personnes impliquées. Une nouvelle étude présentée par le Partenariat de recherche Familles en mouvance vise à entendre la voix des enfants des mères porteuses, normalement peu entendue, voire absente des débats entourant l’expérience de la GPA.

« Les enfants dont la mère est mère porteuse sont directement confrontés à la GPA et aux impacts que ça peut avoir dans la vie de famille », explique Isabel Côté, chercheuse et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la procréation pour autrui et les liens familiaux.

Parmi les 62 jeunes Canadien·nes interrogé·es, la plupart ont entre huit et treize ans, habitent au Canada et ont en commun d’avoir une mère qui a procédé à au moins une gestation pour autrui.

Des enfants curieux et impliqués

Les résultats préliminaires de l’étude sont clairs : les enfants comprennent l’entente de procréation qui implique leur mère. L’expérience des enfants est globalement positive.

« Ils sont curieux, impatients, et excités par la naissance du bébé », explique Flavy Barrette, étudiante à la maîtrise en travail social à l’Université du Québec en Outaouais, qui a collaboré à l’étude.

Pour Virginie, 14 ans, comprendre le processus de procréation de sa mère a permis de faire sens de sa grossesse. « Tout au long de sa maternité de substitution, elle a expliqué comment tout cela se passe. […] Ils doivent mettre l’embryon dans son utérus », explique la jeune fille.

« Il y a une fierté de dire qu’on a tous ensemble aidé à faire grandir un bébé et créer des familles. »

Marie Claude Corbeil, mère pour autrui

« Les discussions sur le processus de gestation pour autrui doivent être ouvertes avec les enfants, il faut parler des motivations, des pourquoi, impliquer les enfants », expliquent les chercheuses. L’étude démontre d’ailleurs que c’est ce que la plupart des parents font. « Ces femmes sont soucieuses du bien-être de leurs enfants, elles savent ce qu’elles doivent faire. ».

Une expérience parfois stressante et difficile

Alors que la plupart des mères porteuses dialoguent avec leurs enfants et expliquent les motivations de leur projet, certaines maintiennent leurs enfants dans une relative ignorance.

« Les parents croient protéger les enfants, mais les enfants qui manquent d’information s’inventent souvent des scénarios, parfois pires que la réalité. Ça peut générer de l’anxiété et, plutôt que de protéger les enfants, ça a l’effet contraire », explique la professeure Isabel Côté, qui croit plutôt qu’un dialogue doit avoir lieu.

Par ailleurs, durant la grossesse, des changements surviennent dans le domicile familial : il y a parfois de nouvelles tâches qui incombent aux enfants et qui sont vécues plus difficilement par certains. « On devait faire plus de corvées pour aider. […] C’était plus stressant », témoigne Anthony, 12 ans.

Certains enfants vont également vivre de la tristesse ou des craintes, notamment en lien avec l’accouchement de leur mère.

Un processus indéniablement relationnel

Lors de la remise de l’enfant aux parents d’intention, tous les enfants de l’étude avaient été prévenus, confirme Flavy Barrette. « C’est une étape qui avait été préalablement préparée et qui est bien vécue par la plupart », explique-t-elle.

Un lien familial se crée réellement dans certains cas : parmi les enfants interrogés pour l’étude, certains mentionnent que le bébé porté par leur mère est leur cousin, leur petit cousin, ou encore que les parents d’intention sont leurs oncles ou leurs tantes. Un enfant témoigne même qu’il s’agit de « l’enfant de papa et maman pour une autre famille ».

Selon les chercheuses, il s’agit d’un témoignage évident que la GPA est un processus relationnel, qui implique non seulement la femme porteuse, mais l’ensemble de son cercle de vie.

Des mères soucieuses de bien expliquer

Valérie Lemieux a été mère porteuse deux fois. Sa famille n’a pas participé à l’étude, mais elle a accepté de témoigner à Pivot. Mère de trois enfants, Valérie raconte qu’elle avait à cœur de bien expliquer son projet à ses enfants.

« J’ai dit à mes enfants que je n’étais que le jardin qui permettait à une famille de faire pousser leur graine pour en faire un bébé. Mes enfants ont très bien vécu l’expérience et ont compris que leur maman faisait “pousser” et prêtait son ventre », raconte-t-elle.

Pour elle, les enfants ont été très impliqués dans le processus, mais elle admet que sa vie de famille a été bousculée par ses décisions d’être mère porteuse. « Mon conjoint a vécu cela très difficilement, puisqu’il a dû vivre avec une femme avec des hormones durant 18 mois, sans que l’enfant à naître soit le sien. »

« J’ai dit à mes enfants que je n’étais que le jardin qui permettait à une famille de faire pousser leur graine pour en faire un bébé. »

Valérie Lemieux, mère pour autrui

Marie Claude Corbeil, qui a trois enfants, raconte aussi à Pivot ses expériences de mère porteuse. Elle en parle comme un accomplissement non seulement pour elle, mais pour l’ensemble de sa famille. « Il y a une fierté de dire qu’on a tous ensemble aidé à faire grandir un bébé et créer des familles », a-t-elle confié.

Pour celle qui a été mère porteuse à trois reprises et qui est actuellement enceinte d’un quatrième enfant pour autrui, il était important d’expliquer ses motivations à ses enfants. « Au début, j’en avais parlé à mon plus vieux », âgé d’une douzaine d’années. « Il était content, ma [fille du] milieu ne posait pas vraiment de question et ma dernière disait que le bébé était pour la madame au “bedon brisé” (j’avais expliqué qu’elle ne pouvait pas avoir de bébé). »

Marie Claude admet que la maternité pour autrui a eu des incidences sur sa vie de famille. « C’est sûr qu’en étant monoparentale, [mes enfants] ont fait plus de tâches. J’ai aussi restreint certaines activités avec eux », raconte-t-elle.

Des recommandations pour la suite

« À notre avis, il faudrait que les mères porteuses puissent réclamer des frais aux parents d’intention pour un soutien psychosocial pour leurs enfants, si elles jugent que c’est nécessaire », expliquent les chercheuses Isabel Côté et Flavy Barrette. « Des frais pourraient également être réclamés pour aider dans les tâches familiales, afin d’éviter que ça incombe aux membres de leur famille, comme les enfants. »

Les mères porteuses sont souvent très prudentes quand vient le temps de demander le remboursement de frais engendrés, « mais il ne faut pas qu’elles s’appauvrissent dans le processus », témoigne Isabel Côté.

Alors que depuis 2007, plusieurs provinces canadiennes ont adopté des législations pour la maternité pour autrui, le Québec n’a à ce jour aucun encadrement légal. La réforme québécoise du droit de la famille, adoptée en juin dernier, avait finalement remis à plus tard le dossier de la gestation pour autrui, bien que plusieurs expert·es avaient émis des recommandations pour donner un cadre légal à cette pratique résolument croissante au Québec.

Bien que le Code criminel canadien interdit la rémunération des mères porteuses, le projet de loi provincial prévoyait qu’elles puissent réclamer certains frais aux parents d’intention. Des politiques précises seraient à mettre en place, croient les chercheuses, notamment pour encadrer le suivi psychosocial des enfants et la contribution aux tâches ménagères.

Pour consulter les projets de la Chaire de recherche : https://crcppa.uqo.ca/.

* Les enfants de Marie-Claude et Valérie n’ont pas été rencontrés dans le cadre de l’étude menée par le Partenariat de recherche Familles en mouvance. Elles ont témoigné de façon indépendante, directement à la journaliste de Pivot.

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