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L’augmentation de la présence policière dans les écoles en inquiète plusieurs

Des groupes communautaires dédiés à la jeunesse s’inquiètent du déploiement de nouveaux effectifs policiers dans les écoles montréalaises.

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La Ville de Montréal a annoncé jeudi un programme de prévention de la violence armée qui amènera une plus grande présence policière dans les écoles. Une décision fortement critiquée par plusieurs intervenant·es du milieu, qui croient qu’elle pourrait même contribuer au problème qu’elle vise à régler.

Le nouveau programme, baptisé projet Équipe-école, sera piloté par le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) et financé grâce à des contributions de 4,05 millions $ du gouvernement du Québec et de 400 000 $ de la Ville de Montréal. Il consiste principalement dans un déploiement d’effectifs policiers et civils du SPVM à même certaines écoles.

« L’Équipe-école arrive à point et se mobilisera là où le besoin se fait sentir, c’est-à-dire en fonction des quartiers touchés par des événements de violence armée », indique le directeur adjoint du SPVM Vincent Richer.

Une opération de surveillance dénoncée

Or les communautés qui habitent ces quartiers sont loin de voir cette annonce d’un bon œil, selon l’organisatrice communautaire Marlihan Lopez.

La Ville tente de donner des allures progressistes au projet, mais il s’agit principalement d’un exercice de surveillance, explique Ted Rutland, professeur en politique municipale et planification urbaine à l’Université Concordia. « Même si on accepte l’idée que les policiers seront dans les écoles pour soutenir les jeunes, ils disent très clairement qu’ils vont aussi recueillir des renseignements et les donner aux autres policiers à l’extérieur de l’école », remarque-t-il.

« C’est très décevant, le message que la Ville et le gouvernement donnent à la jeunesse, surtout à la jeunesse racisée, c’est qu’ils ne croient pas en elle », déplore Marlihan Lopez.

Du profilage à la violence

La présence policière à l’école précarise davantage les élèves appartenant à des minorités visibles, prévient-elle.

« Chaque interaction que nos jeunes ont avec la police, c’est une occasion où ils sont vulnérables à la violence. Donc, avoir la police davantage dans leur vie c’est une source de vulnérabilisation. »

« Ça place nos jeunes dans une situation dangereuse », prévient-elle.

Une situation qu’Alissa* a bien connue durant son parcours scolaire. Aujourd’hui étudiante à une université montréalaise, elle milite depuis l’école secondaire pour la reconnaissance des droits des élèves noir·es, racisé·es et autochtones en milieu scolaire.

« Mes ami·es et moi avons rapidement réalisé que la plupart des élèves noir·es ou racisé·es se sentaient intimidé·es par la présence de policiers à l’école. Les élèves noir·es en particulier étaient régulièrement suivi·es et surveillé·es par les policiers. Ils fouillaient aussi régulièrement leurs casiers à la recherche de drogue, même s’ils n’en trouvaient pas », explique-t-elle.

Travaillant maintenant auprès des jeunes montréalais·e défavorisé·es, elle est à même de constater que ceux-ci vivent déjà beaucoup de violence à l’école. Selon elle, une grande partie de cette violence viendrait des professeur·es et de la direction qui ne savent pas s’adapter à leur situation. « Nos enfants sont profilé·es depuis l’école et pas seulement par les policiers », ajoute Marlihan Lopez.

Selon elle, tout ce mécanisme fait en sorte que les jeunes issu·es des communautés culturelles sont beaucoup plus vulnérables à la criminalisation parce qu’ils et elles vont être davantage surveillé·es, davantage discipliné·es, et ne vont pas avoir accès aux mêmes services.

S’attaquer à la source du problème

Pour Marlihan Lopez, si la Ville et le gouvernement souhaitent réellement s’attaquer aux problèmes de violence chez les jeunes, ils feraient donc mieux de concentrer leurs efforts pour assurer que tou·tes les jeunes aient accès aux services dont ils ont besoin pour réussir.

« Ce dont ces jeunes ont besoin, c’est d’être accompagné·es, d’avoir du tutorat, de l’aide aux devoirs », remarque-t-elle.

Des ressources qui, selon elle, manquent cruellement dans les écoles des quartiers où les communautés minoritaires sont fortement représentées.

Ted Rutland abonde dans le même sens. « Si on veut aider les jeunes, on n’appelle pas la police. Il y a 50 autres professions que les gens ont choisies pour aider les jeunes. Si l’on veut aider les jeunes, on embauche des gens ayant dédié leur carrière à les soutenir », insiste-t-il.

Pire que de ne rien faire

La grande majorité des sommes investies dans le projet vient toutefois d’une enveloppe dédiée spécialement à des interventions policières contre la violence armée, rappelle Ted Rutland. Selon lui, ce ne serait toutefois pas une raison suffisante pour justifier le projet de la Ville, puisqu’il pourrait bien être plus dommageable encore que l’inaction.

« Ils auraient dû utiliser l’argent pour autre chose ou si ce n’est pas possible carrément le retourner. Plus de polices dans les écoles pour régler les problèmes sociaux c’est absurde. La police ne prévient pas la violence, au mieux, elle la réprime », déplore-t-il.

Une telle répression aura surtout pour effet d’augmenter les chances que ces jeunes se retrouvent envoyé·es à la DPJ, voire plus tard dans le système carcéral, les poussant ainsi vers la criminalité et la violence qu’on prétend prévenir, conclut Ted Rutland.

* Nom fictif. L’intervenante a souhaité conserver l’anonymat, craignant que sa dénonciation des pratiques policières dans les écoles n’affecte sa capacité à travailler dans le milieu.

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