Je dois vous faire une confidence : je suis une poule mouillée à vélo. Sincèrement, l’idée de devoir faire du vélo m’angoisse des heures avant le trajet, que je redoute mortel. Mais il existe, je pense, un vrai remède efficace à mon angoisse : des pistes cyclables sécuritaires.
En théorie, le vélo utilitaire a tout pour me plaire. Je serais heureuse de transformer mes temps de déplacement vers le travail ou l’épicerie en moments sportifs, moi qui me plains trop de « ne pas avoir le temps » de bouger pour ma santé. J’admets aussi que je jalouse la durée des déplacements à vélo, brefs comparativement à ceux en voiture ou en autobus. Tout semble si proche à vélo !
Mais en pratique… faire du vélo en ville me donne l’impression de faire de la moto sans casque sur l’autoroute. Je pense qu’il est impossible de se sentir en sécurité lorsqu’on se fait doubler par un F150 « pressé ». C’est encore pire lorsque le bout de route que les quatre roues consentent aux deux roues est en piteux état, ce qui augmente davantage le risque réel ou ressenti d’accidents parfois graves.
Malgré ma frousse, j’ai fait honneur à la journée internationale du vélo d’hiver de ce 10 février (oui, c’est une vraie affaire!) en participant à un petit tour d’initiation, organisé par le Centre de mobilité durable de l’Université de Sherbrooke et Vélo Québec.
Faire du vélo en ville me donne l’impression de faire de la moto sans casque sur l’autoroute.
L’expérience était franchement agréable. Oh, évidemment, nous avons dû braver des pistes cyclables non déneigées – éventuellement avec un char stationné dessus –, des bords de route remplis de trous et de gravats, un monticule de neige devant le bouton d’appel de la traverse et des secondes trop rapides pour traverser la voie.
Selon les autres membres du groupe, mon expérience n’était pas tout à fait complète : il manquait les insultes lancées aux cyclistes par des automobilistes. J’ajoute la chance de ne pas avoir dû trouver un endroit où attacher de manière sécuritaire mon vélo.
On l’observe bien, tant que le vélo utilitaire sera perçu par les politiques comme « un moyen de transport facultatif » comparé aux automobiles, on n’avancera pas. Depuis des années, le vélo utilitaire est pris dans la même spirale de l’échec que le transport collectif, dont je vous parlais dans ma précédente chronique : on ne fait rien pour le développer, alors les gens s’en détournent, alors on ne voit pas l’intérêt de le financer… mais il se pourrait bien que la roue tourne enfin.
Donner le coup de pédale municipal
Fabien Burnotte, membre fondateur de Vélo urbain Sherbrooke (VUS), salue « une évolution rapide » en faveur du vélo utilitaire à Montréal et à Québec. Il regrette toutefois qu’à Sherbrooke, la situation soit « déficiente » et carrément « dangereuse ».
Pourtant, l’optimisme de jours meilleurs teinte fortement son discours. « Je crois qu’on peut s’attendre à une belle accélération en faveur du vélo utilitaire à Sherbrooke. Les cartes sont alignées avec les bonnes personnes aux bons endroits », partage celui qui est aussi enseignant en environnement au cégep de Sherbrooke. Selon lui, à court terme, « d’ici un an ou deux », bien des choses vont évoluer positivement pour le vélo. « Reste que virer une ville, c’est comme un transatlantique, ça va prendre du temps », nuance-t-il.
Le vélo pourrait bien devenir le symbole de la transition socioécologique de proximité.
Il faut dire qu’historiquement, le vélo était confiné dans une case loisir, au mieux. Depuis la vague de maire·sses actif·ves pour l’environnement comme Evelyne Beaudin à Sherbrooke et Bruno Marchand à Québec, le vélo entre enfin sur l’échiquier politique.
La transformation de l’espace public pour accueillir le sauveur environnemental qu’est le vélo pourrait bien devenir le symbole de la transition socioécologique de proximité… pour autant que les gouvernements ne leur mettent pas des bâtons dans les roues.
Prendre le vélo au sérieux
Le fait que l’électrification des voitures électriques personnelles soit subventionnée, mais pas celle des vélos électriques symbolise, je pense, l’hypocrisie environnementale du plan d’électrification du gouvernement québécois. Non seulement le réseau d’Hydro-Québec serait soulagé (une batterie de vélo, ce n’est pas la même game que celle d’une auto), ça serait aussi gagnant pour le réseau de la santé (le sport, ça paie!) et les finances publiques (les subventions pour l’achat d’un vélo électrique coûteraient bien moins cher que celles pour les voitures).
Par ailleurs, il est aussi grand temps de prendre au sérieux le vol des vélos, d’autant plus que ceux-ci deviennent très dispendieux à mesure qu’ils se modernisent. C’est un fléau public qui fâche autant qu’il décourage. Des initiatives ont vu le jour, comme l’application 529 Garage pour, peut-être, retrouver son vélo volé… Mais encore faudrait-il empêcher le vol par tous les moyens : abris sécurisés et visibles, caméras de surveillance, technologies antivol et suivi GPS, etc.
Enfin, il suffit de zieuter ailleurs dans le monde, comme à Amsterdam, pour observer à quel point les infrastructures cyclistes demandent de l’ingénierie, comme ce rond-point suspendu aux Pays-Bas et les autoroutes à vélos du Danemark. À force de favoriser à outrance les véhicules motorisés personnels (même électriques), les gouvernements empêchent la population d’avoir accès à une mobilité moderne, économique, hygiénique et, évidemment, écologique.