Face à l’urgence climatique, la désobéissance civile est inévitable 

Accusé·es pour avoir bloqué un terminal pétrolier, les membres du collectif Antigone plaident non-coupable : ils et elles se réclament de la désobéissance civile.

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Le 8 février dernier, certain·es membres du collectif Antigone ont comparu à la Cour municipale de Montréal pour faire face à plusieurs chefs d’accusation concernant l’occupation du terminal pétrolier Valero, en octobre dernier. Ils et elles ont plaidé non coupable.

Parmi les accusations, qui varient entre les militant·es, on retrouve l’effraction sur le site pétrolier, l’empêchement de fonctionnement de celui-ci et l’entrave à un agent du SPVM.

Certain·es activistes se sont enchaîné·es et ont grimpé sur les tours de chargement pour dénoncer les conséquences écologiques néfastes de l’entreprise pétrolière. Aujourd’hui, les militant·es réclament encore la fermeture de l’oléoduc pétrolier de la ligne 9B, propriété de la multinationale Enbridge.

Mais le collectif se réclame de la désobéissance civile, c’est-à-dire qu’il juge légitime, voire nécessaire, de poser de tels gestes pour garantir l’avenir face à la crise climatique.

« On est rendu à un point où on doit faire ce qui est nécessaire pour permettre aux peuples qui subissent déjà les impacts de la crise d’avoir une chance de se battre par rapport à ça », exprime Jacob Pirro, membre du collectif Antigone et grimpeur le jour de l’action, qui était en Cour mercredi.

La désobéissance civile face à l’inaction

Face à l’urgence climatique, il est probable qu’on soit témoin de plus en plus de désobéissance civile, comme on a pu le voir récemment en Europe avec le groupe écologiste Just Stop Oil, qui jetait de la sauce tomate sur des tableaux valant des millions $.

Le but de ces diverses actions est commun : attirer le regard médiatique pour que les institutions agissent. 

« Je pense que ce qu’on a vu jusqu’à présent, c’est plutôt tranquille et gentil, mais qu’éventuellement il va y avoir des conflits vraiment très forts qui vont surgir », pose Pascale Dufour, professeure de sciences politiques à l’UQAM et experte en action collective.

Historiquement, « il y a très peu de droits sociaux qui ont été adoptés sans passer par une partie de désobéissance civile, donc ça fait partie de la contestation », rappelle-t-elle.

La désobéissance pour faire changer la loi?

Jacob Pirro exprime son désir de voir les lois environnementales changer dans le contexte actuel. « On ne peut pas se permettre d’avoir des lois qui continuent d’avantager les actions des entreprises pétrolières qui ont des conséquences néfastes, comme on le voit à travers des projets comme la ligne 9B d’Enbridge », dit-il.

« Ce qui a été la désobéissance civile par le passé est devenu la loi. Donc, on ne peut pas se baser sur les lois [actuelles] pour justifier nos actions », remarque Sandrine Giérula, membre du collectif Le temps de militer, présente devant la Cour pour soutenir le collectif Antigone.

« Ce n’est pas parce que présentement, c’est perçu comme de la désobéissance que ça ne répond pas à des besoins de société », juge-t-elle.

Quel impact peut avoir ce procès?

Selon Pascale Dufour, un procès comme celui du collectif Antigone peut faire évoluer le droit de manière favorable, mais aussi défavorable aux actions de désobéissance civile.

« Je ne pense pas qu’on va permettre plus de désobéissance civile, parce que le droit n’est pas construit comme ça. Par contre, ce qui pourrait arriver, c’est qu’on considère le bien commun comme supérieur à la loi qui régit les actions qui, de ce point de vue là, deviennent plus légitimes », explique la professeure. 

Inversement, « il peut aussi y avoir […] cette menace que ça soit traité comme des actes d’écoterrorisme. Si le qualificatif d’écoterrorisme devient monnaie courante, là, il y a un sérieux problème. Il y a de sérieux glissements qui peuvent s’opérer. »

« Les risques sont aussi énormes pour les militant·es », rappelle-t-elle.

La prochaine étape du procès aura lieu le 2 mai 2023 à la Cour municipale de Montréal.