Le dépôt d’un rapport très anticipé sur la présence des contaminants atmosphériques dans l’air ambiant à Limoilou a laissé plusieurs personnes sur leur faim, mardi, à Québec. Il établit toutefois que les contaminants sont liés à la forte circulation routière et aux activités industrielles ayant lieu tout près. Il propose aussi des recommandations pour diminuer les particules dans l’air, ciblant notamment les activités du Port de Québec.
Deux membres du Groupe de travail sur les contaminants atmosphériques, le chimiste Jean-Pierre Charland et le spécialiste en santé environnementale Claude Thellen ont présenté le rapport lors d’une consultation publique à l’hôtel Laurier Québec, en Haute-Ville, mardi.
Le groupe, mis sur pied en février 2022 par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, était chargé de brosser un portrait de la qualité de l’air dans Limoilou et d’émettre des recommandations pour l’améliorer.
Il a finalement produit un rapport de 1200 pages ne contenant que 18 recommandations pour s’attaquer à la pollution, que certains appellent la « soupe toxique », composée notamment de nickel dégagé par le Port de Québec et de poussière liée au camionnage.
« Il n’y a rien de vraiment novateur. »
Louis Duchesne, comité de vigilance du Port de Québec
Or, certain·es citoyen·nes voient surtout dans ce long rapport de la soupe réchauffée. Ils et elles trouvent que ce rapport ne révèle pas grand-chose de nouveau et que les appels à l’action manquent de mordant.
« Il n’y a rien de vraiment novateur », dit Louis Duchesne. Il y a dix ans, il a cofondé le comité de vigilance du Port de Québec pour pousser le Port, qui est tout près de Limoilou, à mieux encadrer la manutention des métaux. « En 2013, nous avons eu un groupe de travail et un rapport, et en 2023 nous avons eu un groupe de travail et un rapport. C’est la décennie de la marmotte. »
« Qu’est-ce qui va faire croire au citoyen lambda que cette fois-ci, avec ce rapport, c’est la bonne » pour changer les choses, s’est interrogé le Limoulois Mathieu Caron.
« Il n’y a rien de nouveau, sauf [l’idée] qu’on doit couper la pollution à la source », s’est désolée Myriam Nickner-Hudon, présidente du conseil de quartier de Saint-Sauveur.
Portrait de la situation
Jean-Pierre Charland a reconnu que certaines informations manquaient toujours, malgré la multiplicité des initiatives citoyennes et politiques visant la collecte des données sur les contaminants.
« Il y a des informations manquantes qui seront rendues publiques d’ici la fin de l’année », a-t-il promis. « On commence à voir le portrait. »
Selon le rapport, le transport routier et la poussière provenant du chauffage au bois seraient les sources principales des particules dans l’air. L’oxyde d’azote viendrait « surtout du camionnage diesel, du transport ferroviaire et du chauffage au bois résidentiel ». Enfin, le nickel viendrait principalement des « émissions […] en provenance de la zone industrielle de la baie de Beauport », où on trouve d’importantes activités portuaires.
Ces émissions créent un risque « inacceptable pour une partie de la population ».
Limoilou abrite l’incinérateur municipal et l’usine de papier White Birch, est à côté du Port de Québec et est entouré de plusieurs autoroutes.
Bien que les effets précis de ces contaminants sur la santé restent à préciser, ces émissions créent un risque « inacceptable pour une partie de la population », selon les auteurs.
Ils observent aussi que depuis 2010, bien que la présence de presque tous les contaminants ait diminué dans le secteur, « la qualité de l’air s’est améliorée plus rapidement dans les [autres] villes canadiennes d’importance que dans le secteur Limoilou–Basse-Ville ».
Le port doit faire mieux
Les recommandations pour lutter contre les contaminants dans l’air de Limoilou ciblent principalement la nécessité d’accélérer la transition énergétique, de réglementer l’utilisation de bois de chauffage et de réduire les émissions et les échappements de poussières dues au camionnage.
Les auteurs ont également fait appel au Port de Québec pour qu’il améliore de façon « continue des procédures de gestion des émissions fugitives lors du chargement et déchargement des cales de navires ». Rappelons que le port sert de lieu de transbordement pour différents minerais, dont le nickel.
« Qu’est-ce qui va faire croire au citoyen lambda que cette fois-ci, avec ce rapport, c’est la bonne » pour changer les choses?
Mathieu Caron, citoyen de Limoilou
Les auteurs n’ont pas fait appel au gouvernement pour resserrer la norme de nickel acceptable dans l’air ambiant, assouplie dans la controverse l’année dernière par le gouvernement Legault malgré l’opposition de la Ville de Québec. Les auteurs ont estimé qu’une telle recommandation était hors de leur mandat, mais Claude Thellen a toutefois concédé que la norme actuelle « n’était pas strictement fondée sur la science […] si c’était le cas, les normes seraient identiques autour du monde ».
Réaction politique
Le maire Bruno Marchand a accueilli positivement le rapport. « L’impact [des contaminants atmosphériques] sur les citoyen·nes qui vivent en Basse-Ville, c’est réel. C’est important d’avoir des données […] et de discuter de ce qu’il en retourne », a-t-il dit. « Il n’y a pas un seul coupable. »
Il a souligné l’intention de son administration d’aider les citoyen·nes à remplacer leurs vieux poêles à bois avec d’autres moins polluants et de diminuer la quantité des déchets qui se rendent à l’incinérateur.
« Le rapport démontre clairement qu’il faut réduire de façon drastique la circulation automobile et le camionnage dans nos quartiers centraux. J’y vois également un appel au maire pour qu’il se positionne contre tout projet qui irait à l’encontre de ce principe, tel que le troisième lien », a réagi pour sa part Jackie Smith, conseillère de Limoilou et cheffe du parti municipal écologiste Transition Québec.