Les logements inoccupés se sont faits de plus en plus rares l’an dernier partout au pays, ce qui nuit grandement à leur abordabilité, montre le rapport annuel sur le marché locatif de la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL). Une situation prévisible, mais qui a été aggravée au Québec par l’inaction du gouvernement provincial, selon le Front d’action populaire pour le réaménagement urbain (FRAPRU).
Le taux d’inoccupation, soit la part des logements sans locataires, a connu une importante baisse en 2022 dans la quasi-totalité des villes canadiennes, selon le rapport annuel sur le logement locatif de la SCHL. Cela signifie moins de logements disponibles pour les locataires à la recherche d’un toit.
Le taux d’inoccupation est notamment passé de 3,1 % à 1,9 % en moyenne au Canada. Il a baissé de 3 % à 2 % dans la région métropolitaine de Montréal et de 2,5 % à 1,5 % à Québec. Il reste sous la barre du 1 % à Gatineau, Sherbrooke, Trois-Rivières et Saguenay.
« La SCHL considère que le marché est équilibré lorsque le taux d’inoccupation atteint 3 %. Lorsqu’il baisse sous ce seuil, cela donne un avantage de plus aux propriétaires » vu la rareté des logements, explique la porte-parole du FRAPRU, Véronique Laflamme.
C’est cet avantage qui permet aux propriétaires de hausser significativement les loyers après le départ des locataires tout en les relouant facilement, ce qui réduit considérablement l’abordabilité des logements, selon la SCHL.
À l’échelle du Canada l’an dernier, le prix des loyers où les locataires sont parti·es ont augmenté de 18,3 % en moyenne, contre uniquement 2,9 % que lorsque les occupant·es sont resté·es. À Montréal, les augmentations dans les logements libérés ont été de 14,5 %, contre 3,5 % pour les autres logements.
« Ces données montrent ce que l’on dénonce depuis longtemps : il y a des évictions frauduleuses pratiquée pour l’augmentation des loyers », juge Véronique Laflamme.
Ajouter des logements privés, une fausse solution
Il s’est pourtant construit beaucoup de nouveaux logements locatifs dans la dernière année, mais ceux-ci n’ont pas suffi à pallier l’augmentation de la demande. La demande accrue a été propulsée par la hausse des taux d’intérêt, le retour des étudiants sur les campus, et l’apport migratoire selon la SCHL.
De plus, les loyers nouvellement construits sont beaucoup plus chers que les autres. Par exemple ils sont 51 % plus chers que la moyenne dans la région de Montréal.
« Les organismes d’aide vont devoir aider un grand nombre de locataires qui n’arriveront pas à se reloger cette année. »
Véronique Laflamme, FRAPRU
Une situation qui montre bien toute l’importance d’investir massivement dans le logement social plutôt que de faire confiance au marché privé pour régler la crise du logement, selon le FRAPRU. « Si on considère la capacité de payer des ménages locataires, il faut que la solution passe par un marché locatif qui ne repose pas sur la logique du profit », explique Véronique Laflamme.
Un premier juillet difficile en vue
La situation actuelle inquiète la porte-parole du FRAPRU, qui voit venir une « tempête parfaite » pour les locataires à faible et moyen revenu. « Les organismes d’aide vont devoir aider un grand nombre de locataires qui n’arriveront pas à se reloger cette année. Mais ils n’ont pas encore fini d’aider ceux de l’an passé! » remarque-t-elle.
En attendant, de nombreux·ses locataires se retrouvent dans une situation inacceptable qui nuit à leur santé mentale et physique et au développement des enfants, déplore-t-elle. « Quand on se retrouve à être une grande famille dans un 3 ½, comment est-ce qu’on peut faire des devoirs? Le droit au développement des enfants se retrouve complètement nié », explique-t-elle.
Une inaction coûteuse
Pourtant, la situation était prévisible, mais n’a pas reçu l’attention nécessaire du gouvernement provincial, selon Véronique Laflamme. « Il faut que le gouvernement du Québec arrête de branler dans le manche. C’est lui qui a les moyens de mettre en place des mesures structurantes pour régler le problème, ça prend juste de la volonté », déplore-t-elle.
« Il me semble qu’un gouvernement de comptables devrait être capable de voir rapidement que d’investir dans le logement social, ça coûte beaucoup moins cher que la crise du logement », conclut-elle.