Tous partis confondus, 58 femmes ont été élues lundi lors des élections, soit cinq de plus qu’en 2018. Mais parviendront-elles à faire entendre la cause des femmes auprès de leurs homologues masculins, toujours majoritaires?
Les chiffres, c’est bien, l’action, c’est mieux : voilà comment pourrait se résumer la réaction de la Fédération des femmes (FFQ) au lendemain des élections.
L’Assemblée se rapproche de la parité, avec 48 % de femmes élues, contre 42 % en 2018. La responsabilité du Québec est de nouveau confiée à François Legault pour quatre ans, après les résultats électoraux de lundi. Parmi les 90 candidat·es élu·es de la Coalition Avenir Québec, 41 députées siègeront à la nouvelle Assemblée.
Dans l’opposition, le Parti libéral québécois a fait élire 13 femmes sur 21 député·es, tandis que Québec solidaire en compte désormais uniquement 3 sur les 11 circonscriptions représentées.
Plus qu’un siège, une voix
« C’est une victoire qui est historique! » Lundi soir, dans son discours de remerciement, François Legault s’est félicité le premier du nombre de sièges nouvellement occupés par des femmes à l’Assemblée. « On a fait élire le plus grand nombre de femmes de toute l’histoire du Québec! » s’est-il réjoui.
Pour Mélanie Ederer, porte-parole de la Fédération des femmes du Québec, la victoire est plus nuancée :
« Oui, il y a plus de femmes, mais c’est quelles femmes? Quels pouvoirs réels vont-elles avoir dans un système pensé et développé pour et par les hommes? ».
Pour elle, la parité à l’Assemblée et au gouvernement doit être saluée, mais ne doit pas résumer l’action du gouvernement en matière d’enjeux liés aux femmes : « On ne peut pas être contre, mais est-ce que ça va vraiment avoir des retombées? », s’interroge-t-elle au lendemain des résultats.
Alors que François Legault déclarait durant la campagne qu’il souhaitait un futur gouvernement paritaire, soit entre 40 et 60 % de femmes occupant des postes ministériels, cette représentativité égalitaire ne doit pas masquer l’action – ou l’inaction – du gouvernement, s’inquiète la porte-parole de la FFQ. « Est-ce que ça va permettre aux femmes d’avoir du pouvoir ou les femmes ministres vont juste être des têtes d’affiche? ».
Mélanie Ederer estime ainsi que, malgré une certaine parité affichée par le précédent gouvernement Legault, celui-ci aurait pu aller plus loin dans son action pour la condition féminine. Dans un système politique qui ne laisse pas de plein pouvoir décisionnel au Secrétariat à la condition féminine par exemple, « on a vu des femmes qui ont des ministères et qui n’ont pas eu de pouvoir, de possibilité de parler » de ces enjeux-là, constate-t-elle.
Pour Mélanie Ederer, la représentation des femmes députées ou ministres ne fait pas tout, bien qu’elle salue leur nombre. Elle aimerait aussi que les enjeux liés à la condition féminine, tels que l’égalité des genres ou l’équité salariale, ne soient plus traités distinctement les uns des autres, mais qu’ils soient centraux dans toutes les décisions. « Il faut arrêter de voir la condition féminine comme un élément séparé du reste : non, les conditions des femmes sont dans tous les aspects » de la politique, plaide-t-elle.
Certaines femmes à l’Assemblée, mais pas toutes représentées
La nouvelle Assemblée quasi paritaire devra aussi s’assurer de représenter les femmes dans toute leur diversité, insiste la FFQ. Il faut non seulement « arrêter d’infantiliser les femmes » des minorités visibles, mais surtout les écouter et agir sur ce qu’elles disent, défend Mélanie Ederer.
Elle note que 73 % des femmes issues de communautés religieuses minoritaires (musulmanes, juives et sikhes) au Québec ressentent une dégradation de leur sentiment de sécurité dans l’espace public, selon une récente enquête.
En passant la Loi 21 sur la laïcité au début de son dernier mandat, le gouvernement Legault aurait contribué à la stigmatisation de ces femmes issues des minorités.
Si Mélanie Ederer en attend beaucoup du prochain gouvernement, c’est qu’elle remarque que certaines femmes sont trop souvent oubliées « pour en écouter d’autres qui ont le privilège de s’exprimer ». Elle souhaiterait notamment que les femmes issues de minorités visibles soient davantage prises en considération dans les discours qui traitent de la condition féminine.
« Dans les discours de la campagne et au Québec en ce moment, beaucoup vulnérabilisent les femmes autochtones et racisées. Que va-t-il se passer pour ces femmes-là? C’est vraiment notre inquiétude », exprime-t-elle.
Comme les électeur·trices ont voté pour un gouvernement dans la continuité du précédent, la réjouissance de la FFQ est mince. « Ce que la FFQ attend, c’est que la situation s’améliore pour les femmes du Québec. Là, ce qu’on a vu, c’est qu’elle se détériore. »