« Pourquoi le Canada retient-il de l’argent alors que les enfants autochtones d’aujourd’hui en ont besoin? »

Une leader autochtone revendique plus de ressources concrètes pour permettre aux enfants autochtones d’aujourd’hui de vivre dans la dignité.

Les inégalités infligées aux enfants autochtones persistent toujours : manque de financement des services à l’enfance et obstruction du gouvernement lorsque les leaders autochtones revendiquent pour les droits de leurs jeunes. Selon eux, il est grand temps que le gouvernement se plie aux jugements de la Cour et cesse ses politiques de financement discriminatoire.

Le 30 septembre marque la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Suivant la 80e recommandation de la Commission de vérité et de réconciliation (CVR) du Canada, cette journée est dédiée aux survivant·es, à leurs familles et à leurs collectivités pour s’assurer que la commémoration de l’histoire et des séquelles des pensionnats demeure un élément essentiel du processus de réconciliation.

Mais selon Indigenous Watchdog, une ONG qui évalue les efforts de réconciliation, le gouvernement n’a mis en place que 11 des 94 revendications de la CVR. Qu’est-ce que les communautés autochtones voudraient voir pendant cette journée du chandail orange?

Nous avons assisté à la Conversation sur les appels à l’action pour la vérité et la réconciliation (A Calls to Action Conversation on Truth and Reconciliation)organisée par l’Institut Yellowhead ce jeudi 29 septembre. L’une des conférencières, la Dre Cindy Blackstock, directrice gitxsan de la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations (SSEFPN) et professeure de travail social à l’Université McGill, y abordait les enjeux qui touchent les enfants autochtones d’aujourd’hui.

Ça fait plus de 100 ans qu’on connaît le problème

Dès 1907, le Dr Peter Henderson Bryce avait mis au clair que les enfants dans les pensionnats mouraient à cause du sous-financement gouvernemental en santé pour les Autochtones. À l’époque, cette nouvelle avait créé la consternation nationale.

Mais selon Dre Cindy Blackstock, à l’époque, « lorsque les manchettes sont mortes, les enfants ont suivi, ce qui devrait être une leçon pour nous tous concernant la CVR » et sa réception dans l’espace public aujourd’hui.

« Ça fait plus de cent ans qu’on attend, on n’attend pas depuis hier! »

Elle soutient que cette tradition de sous-financement des services aux communautés autochtones s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui, alors que les familles autochtones peinent à guérir des traumatismes des pensionnats.

Redresser les inégalités pour la génération actuelle

En 2007, la SSEFPN et l’Assemblée des Premières Nations (APN) ont déposé une plainte contre le gouvernement canadien. La plainte soutenait que le gouvernement fédéral faisait preuve d’injustice en offrant des services inférieurs à ceux des enfants allochtones aux enfants autochtones et à leurs familles.

Durant le litige, le gouvernement a refusé de payer aux familles les compensations ordonnées par la Cour, sous prétexte qu’il fallait consulter les Autochtones avant d’agir. La Dre Blackstock qualifie cette attitude de « racisme systémique ».

Les plaignants ont gagné leur procès en 2016. « Ça aurait dû être la fin des inégalités, mais non. Il y a eu depuis 21 injonctions et 7 ordres de la Cour fédérale qui ont rejeté les appels du Canada et même une décision à la Cour d’appel fédérale », explique la professeure, qui souligne par ailleurs que les protections gagnées excluent les familles métis et inuit.

« Ça aurait dû être la fin des inégalités, mais non. »

« Donc lorsqu’on entend parler des [environ 20] milliards $ sur cinq ans que le gouvernement a promis pour remédier à ces inégalités, c’est une bonne nouvelle. Mais il ne faut pas oublier que le gouvernement ne nous a rien “donné” et que cet argent est le fruit du travail acharné des Autochtones qui se sont battu·es pour leurs enfants pendant des années contre une immense résistance. »

« Qu’est-ce qui va se passer durant la sixième année, quand il n’y aura plus d’argent? Pourquoi le Canada retient-il de l’argent alors que les enfants d’aujourd’hui en ont besoin? » se demande la professeure.

« Et comment peut-on s’assurer que le gouvernement ne discrimine pas contre une autre génération d’enfants? Est-ce que les familles métis et inuit vont devoir aller en Cour pendant seize ans comme nous juste pour avoir le respect de leurs droits fondamentaux? J’espère que non. »

Elle se montre aussi critique envers la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, adoptée en 2019. Même si elle contient des dispositions pour l’autoadministration, cette loi ne prévoit aucune somme d’argent pour les familles.

Dre Blackstock en a assez des excuses du gouvernement qui « dit que ces problèmes ne se règlent pas du jour au lendemain – mais ça fait plus de cent ans qu’on attend, on n’attend pas depuis hier! »

« Les jeunes n’ont qu’une seule enfance. »

Indignée contre l’inaction du gouvernement, la SSEFPN a mis en place le Plan de Spirit Bear, qui revendique entre autres la fin du financement discriminatoire des services à l’enfance autochtone et que le gouvernement se conforme aux appels de la CVR sur l’enjeu des jeunes.

La Dre Blackstock espère en finir une fois pour toutes avec ces injustices dans des délais raisonnables, car « les jeunes n’ont qu’une seule enfance ».

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