La désillusion électorale des jeunes

Une bonne partie de la jeunesse, notamment racisée, n’est pas motivée à aller aux urnes à cause de politicien·nes qu’elle juge déconnecté·es.

Selon Élections Québec, les jeunes de 18 à 34 ans représentent près d’un quart des électeur·trices au Québec. Aujourd’hui, la jeunesse québécoise est diversifiée et inclut des gens de diverses origines et cultures différentes. Beaucoup de jeunes ne votent pas et sont désenchanté·es par notre système électoral. Pourquoi autant de cynisme?

Nous avons fait un petit tour d’horizon des critiques et des aspirations de ces jeunes, ainsi que des propositions des partis à leur égard.

« Moi, je ne sais pas pour qui voter. Il y en a qui ont des propositions intéressantes. Mais, honnêtement, je pense annuler mon vote ou ne pas aller voter. Parce que les vieux ont la majorité des votes », dit Zembele Tshibangu. « Les jeunes devraient aller voter, mais ils n’y vont pas. Soit ils sont trop occupés, soit ils s’en foutent », lance-t-il.

L’étudiant noir de l’Université Concordia croit que la politique québécoise est complètement déconnectée de la réalité de la jeunesse.

Le jeune d’origine africaine ne croit pas que les politicien·nes se soucient de l’avenir économique des gens de son âge, préférant prioriser les besoins des personnes plus âgées.

Son amie Tuva Munawar, aussi étudiante à Concordia, est un exemple de ces jeunes qui ne sont pas des habitué·es du vote. « Je n’ai jamais voté avant et je n’avais pas l’intention d’aller voter cette année. Mais les gens avec qui je travaille sont branchés sur la politique, donc je crois que cette année je vais y aller », dit la jeune fille d’origine arabe.

Elle se soucie beaucoup plus des élections fédérales que des élections provinciales. Questionnée sur la raison de cette préférence, elle répond que, même si elle a grandi au Québec, elle ne prévoit pas y vivre à long terme. « J’aimerais quitter le Québec parce qu’il y a des lois ici – telles que la loi 96 et la loi 21 – que je considère racistes », explique-t-elle. « Ça ne représente pas mes valeurs, donc si ça continue, je préfère aller vivre dans un endroit plus ouvert d’esprit. »

Qu’est-ce que les partis proposent pour les jeunes?

Les plateformes des différents partis ne contiennent que très peu de propositions qui s’adressent directement aux jeunes électeur·trices. Celles qu’on y trouve concernent surtout l’éducation supérieure, touchant principalement les jeunes plus privilégié·es qui accèdent aux études postsecondaires. Les plateformes sont minces en propositions pour ceux et celles qui n’ont pas ce profil.

Le Parti libéral du Québec (PLQ) et le Parti conservateur du Québec (PCQ) proposent différents programmes de bourses et de financement pour aider les jeunes à accéder aux études supérieures. De plus, le PLQ veut redonner aux étudiant·es la possibilité de choisir l’institution collégiale qu’ils veulent fréquenter, peu importe leur langue.

Québec Solidaire (QS) s’engage à mettre en place une politique nationale de stages pour encadrer le statut de stagiaire et assurer leur rémunération. Le parti veut aussi instaurer une politique de diminution de frais de scolarité au niveau postsecondaire, visant la gratuité scolaire comme but ultime.

Le Parti québécois (PQ) propose d’adopter une loi pour protéger le français dans les institutions d’éducation supérieure, croyant que la loi 96 ne va pas assez loin.

Le PCQ s’engage à garantir la liberté d’expression dans les universités en mettant en place des « comités de surveillance de la liberté d’expression » qui devront produire un bilan d’activité avant la fin du premier mandat du PCQ. Il propose de modifier la loi 32 sur l’accréditation et le financement des associations étudiantes pour instaurer le vote secret et par internet pour accréditer leurs associations représentatives et élire leurs exécutifs.

Au PCQ et au PQ, certaines mesures concernant les jeunes ont la particularité de viser des franges de la jeunesse présentées comme des menaces pour un certain ordre social.

Les associations étudiantes sont un des principaux véhicules politiques que les jeunes utilisent pour participer à la vie citoyenne. Or, dans sa plateforme, le PCQ attaque sévèrement ces associations, affirmant qu’elles « disposent de larges sommes pour subventionner des causes souvent externes à la vie étudiante sans obtenir de mandats de la population étudiante, tout en bâillonnant les débats ou les conférenciers qui ne leur plaisent pas » et « imposent aux étudiants des grèves illégales qui les privent d’un parcours académique normal ».

Semblablement, au PQ, certaines mesures concernant les jeunes ont la particularité de viser des franges de la jeunesse présentées comme des menaces pour un certain ordre social.

Le PQ s’engage ainsi à lutter contre la violence par armes à feu en doublant le budget policier, en freinant le trafic d’armes, en créant un registre d’organisations criminelles et en investissant dans les professionnel·les et les organismes qui travaillent directement avec les jeunes à risque de se tourner vers la criminalité. La plateforme du PQ fait un lien direct entre la jeunesse et la violence et c’est l’un des rares endroits où la jeune génération est interpellée directement, outre dans les questions d’éducation.

Le PLQ et QS proposent aussi des mesures pour améliorer la stabilité financière des jeunes. Le PLQ propose d’éliminer la taxe de bienvenue pour l’achat d’une première propriété. QS s’engage à augmenter le salaire minimum à 18 $ de l’heure, une mesure qui aiderait les jeunes qui doivent étudier et travailler en même temps pour subvenir à leurs besoins.

La Coalition avenir Québec (CAQ) ne propose aucune initiative qui touche spécifiquement les jeunes électeur·trices. Ses propositions pour la jeunesse visent les moins de 18 ans, qui n’ont pas encore le droit de vote, et leurs parents.

La CAQ, le PLQ, le PQ et le PCQ n’ont pas donné suite à nos demandes d’entrevue.

Comment rendre la politique intéressante pour la jeunesse?

QS est actuellement le parti préféré des jeunes électeur·trices de 18 à 34 ans. Pourquoi une telle popularité? « On parle des enjeux qui sont importants pour les jeunes générations, tels que l’environnement », affirme Shophika Vaithyanathasarma, candidate de QS dans Marie-Victorin. « Notre parti priorise la représentativité. Les jeunes sont contents de voir des députés à l’Assemblée nationale qui peuvent porter leurs voix. »

Elle affirme que cela commence par une éducation qui leur ressemble, une des priorités de son parti. « L’éducation en ce moment ne tient pas compte du vécu de plusieurs personnes, telles que les personnes autochtones et les personnes racisées. En incluant ces réalités dans notre curriculum, les jeunes comprennent mieux la pluralité du Québec et ça les encourage à participer à la vie civique », explique-t-elle.

La candidate pense aussi que les efforts de son parti pour entrer en contact avec les jeunes expliquent son succès auprès de ceux-ci. QS encourage l’implication des jeunes en leur offrant la possibilité d’avoir leur carte de membre de parti à partir de l’âge de 16 ans, en les encourageant à être candidat·es et en envoyant des lettres à celles et ceux qui viennent d’avoir 18 ans, explique-t-elle.

Mme Vaithyanathasarma elle-même n’a que 22 ans et en est déjà à sa deuxième élection comme candidate (elle s’était présentée pour le Bloc québécois lors des dernières élections fédérales).

La proposition de QS de baisser l’âge de vote à 16 ans suit la même logique. « À 16 ans, les jeunes ont la maturité de faire des choix. Donc en baissant l’âge de vote, on encourage la participation citoyenne et on lutte contre le cynisme », dit-elle. Elle ne croit pas que 16 ans soit trop jeune, tranchant sèchement que « les jeunes doivent prendre les décisions pour leur avenir parce que les adultes ne sont pas en train de le faire ».

Qu’est-ce que les jeunes veulent voir en politique?

M. Tshibangu voudrait voir un gouvernement plus jeune et plus diversifié qui serait réellement motivé à faire de vrais changements. « J’aimerais voir, par exemple, un enseignant de secondaire 5 en politique. »

« L’enseignant a des contacts avec différentes cultures dans sa classe », explique-t-il, ajoutant que, dans ses classes au secondaire, il y avait un maximum de deux Québécois·es blanc·hes francophones. « Ces enseignants-là ont plus de chance de comprendre la culture africaine, d’être au courant du fonctionnement d’une maison musulmane, de connaître quelques mots en espagnol. Ils pourront ouvrir des horizons [pour les jeunes] et comprendre davantage des sujets tels que l’histoire de l’immigration. »

Pour sa part, Mme Munawar envisagerait de rester au Québec et de s’impliquer plus dans la vie civique si les lois qu’elle juge racistes disparaissaient. « J’adore Montréal, c’est très diversifié. Mais les lois qu’il y a en ce moment ne concordent pas avec mes valeurs, et je ne suis pas assez motivée à rester ici pour faire changer les choses », affirme-t-elle.

Article réalisé dans le cadre de l’Initiative de journalisme local

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