Les jeunes Asiatiques de Montréal s’unissent contre le racisme

Depuis quelques années, la métropole assiste à la naissance d’une forte implication communautaire des jeunes Asiatiques de la ville.

Depuis le début de la crise sanitaire, une foule d’initiatives asiatiques ont vu le jour à Montréal pour s’ajouter à celles qui émergeaient déjà. Plusieurs jeunes Asiatiques se sont mobilisés pour leur communauté à Montréal après une montée de racisme anti-asiatique, brisant ainsi le cliché de ceux qu’on qualifie souvent de « minorité modèle silencieuse ».

« Depuis le début de la pandémie, j’ai ressenti le besoin criant de soulager la souffrance identitaire. Notre vulnérabilité et notre fragilité en tant que personnes asiatiques ont été exacerbées durant cette crise », affirme André Ho, le coordonnateur du Centre communautaire LGBTQ de Montréal et un des membres fondateurs de la Coalition asiatique pour une relève émancipatrice (CARÉ).

« La pandémie a mis en relief les problèmes dont on souffrait avant, tels que les troubles économiques, et les a empirés. Cela a rendu l’implication communautaire facile. » 

André Ho

S’affirmer en public

« Des études scientifiques ont démontré que souvent durant des périodes de pandémie, la société divise les personnes en “méchants” et en “héros”. En ce moment, les méchants ce sont les communautés asiatiques, car on les blâme d’avoir propagé le virus autour du monde », affirme Julie Tran, une militante féministe antiraciste membre de la CARÉ.

Mme Tran se doutait bien qu’une vague de haine allait survenir avec la pandémie, mais elle ne s’attendait pas à ce que des gens meurent de crimes haineux.

Elle-même a été victime de profilage racial dans la rue à plusieurs reprises. Ces expériences l’ont poussée à utiliser ses compétences en militantisme pour fonder, avec Sarah-Lê Côté et Anne C. Beaulieu, le groupe Facebook Groupe d’Entraide Contre le Racisme Envers les Asiatiques au Québec (GECREAQ), qui a actuellement plus de 7000 membres.

« La pandémie a été l’occasion pour nous, les jeunes Asiatiques, de parler ouvertement de la discrimination qu’on vit, pour la première fois. Nos parents le vivent aussi, mais ils ne vont pas nécessairement en discuter avec nous », dit Mme Tran. La transmission intergénérationnelle peut être difficile à cause des tabous et des non-dits concernant le racisme, explique-t-elle.

Selon elle, le groupe Facebook a permis à beaucoup de personnes d’amorcer ces conversations difficiles et de partager leurs expériences communes de discrimination, d’isolement, et de marginalisation.

« On s’entraide pour mieux comprendre nos réalités. Notre force, c’est de voir qu’on n’est pas seuls à prendre la parole, à militer. Ça a fait beaucoup de bien à notre communauté de voir des personnes prendre de la place dans la sphère publique », explique Mme Tran.

Elle n’est pas la seule qui a décidé de s’exprimer sur la place publique. En juin 2020, Viet Tran décide de lancer le magazine bilingue Sticky Rice, une publication qui traite des enjeux de la communauté asiatique canadienne. « Ce lancement est survenu à un moment très propice, où une crise sanitaire a provoqué une montée de racisme anti-asiatique, même si je ne l’avais pas prévu comme ça », affirme M. Tran, qui agit comme rédacteur en chef de la publication.

Depuis le lancement du magazine, M. Tran a publié deux numéros. Le premier visait à déconstruire le stéréotype de la minorité modèle, et le deuxième avait pour thème les expériences des personnes asiatiques queers au Canada. Plusieurs auteurs et autrices qui ont contribué à ce deuxième volume n’avaient jamais eu l’occasion de participer à un projet dédié aux Asiatiques queers avant, simplement parce qu’il y en avait très peu.   

Son travail n’est pas passé inaperçu. Le rédacteur en chef a eu la chance d’être interviewé par Radio-Canada et CBC. Ces opportunités lui ont donné une visibilité publique au Québec qui est rare encore aujourd’hui pour des personnes d’origine asiatique. « C’est vraiment surréaliste. Je n’ai pas de mots. Mais je suis très fier que le travail que Sticky Rice a fait soit reconnu et que nos voix soient entendues par le grand public », s’exclame-t-il. 

Se réunir pour contrer la haine

JP Marababol a aussi ressenti le besoin de tisser des liens avec sa communauté. En tant que personne non binaire gaie, iel avait fait équipe avec d’autres Asiatiques queers à Montréal, juste avant le début de la crise sanitaire, pour fonder l’organisme communautaire Rainbow Noodles. Destiné aux personnes asiatiques queers, l’organisme met en place des événements visant à rassembler cette communauté pour briser l’isolement. Depuis, plusieurs ont pu participer à des pique-niques dans le parc, des sessions d’escalade, et des fêtes où ils ont pu rencontrer d’autres personnes au vécu similaire dans une atmosphère décontractée. 

Il est important pour Mx. Marababol de réunir cette communauté, car elle souffre d’une double marginalisation : il y a encore un fort tabou contre l’homosexualité dans les communautés asiatiques et de la discrimination raciale contre les Asiatiques dans les communautés queers majoritairement blanches.

Mx. Marababol reçoit souvent des messages de jeunes asiatiques qui se questionnent sur leur identité de genre et leur orientation sexuelle. Iel épaule ces jeunes dans leur processus de questionnement et les encourage à assister aux événements de Rainbow Noodles.

Cela touche particulièrement Mx. Marababol d’entendre des personnes asiatiques queers plus âgées, qui n’ont pas eu l’occasion d’explorer pleinement leur identité queer, exprimer leur reconnaissance envers l’existence de l’organisme.

Gong Li et Marilie Ross ont aussi reçu un accueil chaleureux au lancement du collectif Soft Gong il y a quelques mois. Destiné aux personnes adoptées d’origine chinoise, l’organisme vise à organiser des ateliers pour unir celles et ceux qui ont été touché·es par l’adoption internationale provenant de la Chine. « À l’issue du mois des adoptés en novembre 2021 et face à la montée du racisme anti-asiatique, on a souhaité unir nos forces pour créer ce collectif », explique Mme Li.

Elle raconte avoir reçu des commentaires déplacés de personnes de son entourage concernant son nom et son intérêt pour les cultures asiatiques. « On voyait que les enjeux d’adoption étaient entremêlés aux autres, tels que le racisme, puisqu’on a une identité hybride. »

Depuis ses débuts, Soft Gong a mis sur pied des ateliers culturels et des cours hebdomadaires de mandarin. Mme Li et Mme Ross étaient toutes deux très heureuses de voir des parents blancs adoptants assister au cours de langue. « C’est une bonne manière pour ces parents qui ont procédé à l’adoption de comprendre leur enfant. C’est vraiment beau ! », s’exclame Mme Ross.

Les efforts de ces personnes ont été dûment récompensés. Cette année, la CARÉ, dont M. Ho, Mme Tran, M. Tran, Mme Ross et Mme Li font tou·tes partie, a reçu le Prix coup de cœur de la diversité Paul-Gérin-Lajoie 2021-2022. « On était vraiment surpris! Mais en même temps, ça venait vraiment valider nos luttes. Donc, on est vraiment reconnaissants du soutien! » conclut Mme Li.

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