
Avec l’aide d’outils numériques de marketing, de publicité, de ciblage personnalisé et d’aide au référencement sur les moteurs de recherche, les agences de marketing « pro-vie » aident les centres anti-avortement à rejoindre les jeunes femmes désirant avorter.
Choose Life Marketing est une agence américaine de publicité et de stratégie numérique spécialisée en marketing « pro-vie ». L’agence, qui opère aux États-Unis, à Taïwan, en Australie, en Irlande et au Canada, aide ses clients à atteindre plus facilement sur le web les femmes désireuses d’avorter pour les inciter à poursuivre leur grossesse.

L’agence de marketing offre des services tels que l’organisation de levées de fonds, la refonte de l’image de marque, le marketing numérique et le design de site web. Ses clients sont des « centres de grossesse », ces organismes anti-avortement qui prétendent à la neutralité tout en décourageant activement les jeunes femmes à interrompre leur grossesse ; des organisations « pro-vie », telles que Live Action aux États-Unis ; des agences d’adoption, et des entreprises à orientation chrétienne.
« Une approche Schindler des temps modernes » grâce à Google
L’entreprise de marketing numérique anti-avortement Life Advancement Group compare ses services de publicité marketing à « une approche Schindler des temps modernes », en référence à Oskar Schindler, l’homme d’affaires allemand ayant sauvé près de 1200 personnes juives pendant la Shoah en les engageant dans ses usines. L’entreprise de marketing affirme que sa stratégie web permet aux organisations anti-avortement de dépenser peu pour « sauver des vies » : « une simple dépense de 10 $ en publicité marketing peut permettre de sauver la vie d’un enfant à naître ».
L’objectif avoué est de supprimer la présence en ligne des cliniques médicales pratiquant des avortements pour les remplacer par des centres anti-avortement, en payant Google pour faire apparaître ceux-ci en premier dans les résultats de recherche.
« Aujourd’hui, un nouvel holocauste a lieu en Amérique […] Grâce à nos efforts de marketing, nous pouvons effectivement acheter les vies des enfants à naître en utilisant les publicités sur Google. Lorsque les femmes recherchent des services d’avortement, nous payons Google pour que [les centres anti-avortement] apparaissent en premier dans les résultats de recherche, ce qui a pour effet d’orienter [les femmes désireuses d’avorter] vers un centre pro-vie plutôt que vers une clinique d’avortement. »
Extrait de la page « À Propos » du site web de l’entreprise Life Advancement Group
Les centres anti-avortement, aux États-Unis comme au Québec, tentent de gagner la confiance des citoyennes et de se faire passer pour des organisations médicales légitimes au même titre que les centres d’avortement. Le Center for Countering Digital Hate a récemment indiqué qu’un résultat de recherche sur dix aux États-Unis pour trouver des services d’avortement mène les utilisatrices à des « cliniques » anti-avortement dans plus d’une dizaine d’États.
Sur Instagram, Snapchat et TikTok pour viser les Milléniaux et les Gen Z
Dans leurs guides de stratégie web offerts gratuitement sur leurs site web, ces agences de marketing offrent une foule de conseils aux centres et aux organismes « pro-vie » pour les aider à faire rayonner leur contenu sur le web et à atteindre les adolescentes et les jeunes femmes désirant avorter.
« Chaque centre de grossesse devrait avoir des comptes de médias sociaux sur Instagram et Facebook et y poster régulièrement », indique le guide de Choose Life Marketing, en précisant que « [leurs] clients potentiels passent énormément de temps sur les réseaux sociaux. »
L’entreprise suggère à ses clients d’utiliser dans leurs publications des couleurs vives, des images authentiques et de la diversité, soit « un style de design apprécié par la génération Z (les personnes nées entre 1997 et 2010) ». Elle propose également la création de publicités natives et de vidéos publicitaires pouvant être diffusées sur plusieurs plateformes prisées par les jeunes, dont l’application de rencontre Tinder.
On suggère également d’exclure des réseaux sociaux « toute image qui pourrait [encourager] les femmes à avorter », comme les ventres de femmes enceintes, les bébés, les échographies ou les images de bébés nés prématurément.
Un article de Bloomberg a dévoilé l’utilisation de SnapMap, une fonctionnalité de Snapchat, par plusieurs cliniques anti-avortement afin de se rendre visible auprès des jeunes internautes. En Californie, la recherche des termes « test de grossesse », « grossesse » et « avortement » sur SnapMap montre beaucoup plus souvent sur la carte des centres anti-avortement que des cliniques d’avortement. Certaines d’entre elles promeuvent la pilule anti-abortive, jugée dangereuse par L’American College of Obstetricians and Gynecologists dû au risque d’hémorragie.
Messages culpabilisateurs et désinformation médicale
Les groupes anti-avortement utilisent fréquemment des tactiques de peur pour influencer les jeunes femmes désireuses d’avorter à poursuivre leur grossesse. L’organisation Live Action, reconnue pour relayer de la désinformation médicale au sujet de l’avortement et pour sa croisade conspirationniste contre Planned Parenthood aux États-Unis, publie régulièrement des vidéos choquantes et graphiques de foetus avortés sur TikTok.
Les jeunes ambassadrices de l’organisme ne parlent pas d’interruption volontaire de grossesse, mais de « meurtre » ; elles utilisent des techniques de storytelling pour humaniser le foetus en demandant aux internautes de « se mettre à la place du bébé dans le ventre de sa mère », et n’hésitent pas à représenter l’avortement comme une « industrie » qui encourage les hommes à utiliser les femmes pour le sexe.
L’écosystème anti-avortement aux États-Unis et le danger de la collecte de données
Les agences marketing « pro-vie » ne sont qu’un des nombreux joueurs qui composent l’écosystème anti-avortement aux États-Unis.
Parmi eux, on peut retrouver des groupes de charité comme The National Institute of Family and Life Advocates, membre du National Pro-Life Religious Council, qui offre des formation et conseils juridiques à plus de 1 000 cliniques anti-avortement aux États-Unis. Le groupe prétend être le chef de file national dans le développement de directives juridiques permettant aux centres de grossesse de se convertir en cliniques médicales certifiées.
Thara Murtha, la directrice des communications du Women’s Law Project, un organisme luttant pour les droits des femmes, s’inquiète des données collectées par les organisations anti-avortement, qui pourraient être utilisées contre les femmes ayant visité ces fausses cliniques. « Il y aura un contrôle et une surveillance des femmes enceintes et, en cas d’issue défavorable autre qu’un bébé à terme et en bonne santé, cela pourrait donner lieu à une enquête sur ce que la personne a pu faire pour causer cela », a déclaré Mme Murtha en entrevue avec Bloomberg.
