
Le gouvernement Legault sommé de sortir les migrants des prisons
Des organismes de défense des droits humains interpellent le gouvernement provincial pour qu’il mette fin à la détention des migrant·es dans ses prisons.
En vertu d’une entente conclue avec le gouvernement fédéral, le Québec fournit des places dans ses prisons pour détenir des migrant·es en attente de règlement de problèmes administratifs à leur dossier. Une pratique inhumaine, contraire au droit et qui doit cesser, selon Amnistie internationale.
Dans le cadre de la Journée mondiale des réfugiés, Amnistie internationale organisait lundi un rassemblement devant les bureaux montréalais de François Legault. Ils espéraient attirer l’attention du premier ministre sur le sort des personnes migrantes dans la province.
Des groupes de défense des droits humains en ont profité pour déposer une pétition forte de 8 207 signatures sommant le gouvernement provincial de mettre fin à une entente permettant aux services frontaliers canadiens de détenir des personnes migrantes dans les prisons québécoises.
« Des milliers de personnes [au Canada] sont détenues arbitrairement pour des raisons strictement administratives. Les gouvernements laissent croire que ces gens pourraient avoir commis des actes répréhensibles, mais c’est faux », dénonce la directrice générale de la section francophone d’Amnistie internationale Canada, France-Isabelle Langlois.
Accentuer la pression sur le fédéral
Les organismes présents interpellent le gouvernement Legault depuis des années pour qu’il prenne acte de sa participation dans la détention des migrant·es, mais il fait pour l’instant la sourde oreille, selon France-Isabelle Langlois.
« Le ministère de la Sécurité publique nous a répondu par communiqué qu’il n’y avait pas de problème puisque les migrants étaient traités sur un pied d’égalité avec le reste des prisonniers. Ce sont des personnes qui n’ont commis aucun crime! Plus inhumain que ça, c’est difficile à battre », dénonce-t-elle.
Même si la responsabilité ultime de ces détentions revient au gouvernement fédéral par l’entremise des services frontaliers, les gouvernements des provinces peuvent jouer un rôle pour que cesse cette pratique, selon la directrice générale. « Si les provinces cessent de fournir leurs prisons, cela enverrait un message fort au fédéral pour qu’il mette fin aux détentions administratives », explique-t-elle.
La Colombie-Britannique a d’ailleurs récemment amorcé une réflexion en ce sens. « Si eux l’ont fait, je ne vois pas pourquoi le Québec ne pourrait pas le faire aussi », observe France-Isabelle Langlois.
Une atteinte à la dignité des personnes migrantes
Documentée dans un rapport de Human Rights Watch, la détention des migrant·es au Canada touche plusieurs personnes vulnérables. En 2019-2020, 8825 personnes migrantes étaient détenues pour des raisons administratives, dont 138 enfants, selon les données de l’Agence des services frontaliers.
Cette pratique serait non seulement en violation directe avec les ententes internationales, mais aussi avec le droit canadien, selon France-Isabelle Langlois.
« C’est une expérience traumatisante pour eux. On les menotte, souvent pour la première fois de leur vie, et on les amène sans qu’ils comprennent ce qui se passe », dénonce la coordonnatrice d’Action réfugiés Montréal, Jenny Jeanes.
Cette expérience, Mamadou Konaté l’a vécue quatre fois dans les dernières années. Il s’est réfugié au Québec en 2016 après avoir fui l’instabilité politique de la Côte d’Ivoire. « Tu n’as qu’à te présenter pour régler tes papiers et ils ne te laissent plus repartir », explique celui qui a notamment travaillé dans un CHSLD durant la pandémie.
Il rappelle que, dans certains cas, des migrant·es ont dû payer des cautions pouvant aller jusqu’à 15 000 $ pour retrouver leur liberté pendant qu’on traitait leur dossier.
La détention enferme les personnes migrantes dans un cercle vicieux, selon Jenny Jeanes. « Le fait même d’être détenues les empêche de poursuivre leur démarche et de régler leur dossier administratif, ce qui prolonge leur période de détention », précise-t-elle.

Ouvrir ses yeux sur l’injustice
En attendant que les gouvernements agissent, les Canadien·nes doivent prendre conscience des injustices qui sont commises en leur nom, selon Mamadou Konaté.
« J’ai plusieurs amis québécois qui refusent d’aller aux États-Unis en raison du traitement qu’ils font subir aux personnes migrantes. Je leur dis : ce n’est pas juste là-bas! C’est ici aussi qu’on enferme des enfants et des femmes enceintes, je l’ai vu moi-même! ».
Selon lui, il est impératif que ces pratiques cessent pour que survive la démocratie au Canada et dans le monde. « En attendant ce que nous avons, c’est une démocratie du plus fort, » conclut-il.