La crise climatique n’est plus un événement futur et lointain : ses effets sur notre santé sont déjà bien réels et menacent de s’amplifier encore, confirme le rapport. Les bouleversements du climat affectent la qualité de l’air que nous respirons, de l’eau que nous buvons, des aliments que nous mangeons. Ils favorisent aussi la propagation des maladies infectieuses et aggravent la détresse psychologique. Ces impacts frappent tout particulièrement les plus vulnérables, en plus de mettre une pression importante sur notre système de santé.
Le rapport La santé des Canadiens et des Canadiennes dans un climat en changement est le fruit de la collaboration entre des dizaines de chercheur·euses de partout au pays. Il synthétise les connaissances provenant d’une multitude de recherches scientifiques, de documents gouvernementaux et de savoirs autochtones. Ce rapport a été rendu public le 9 février dernier, mais a fait peu de bruit, malgré son ampleur.
Ces jours-ci, on parle beaucoup du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Avec raison : ce document, publié le 28 février, nous apprend que les conséquences écologiques et sociales des changements climatiques s’annoncent encore plus importantes que prévu.
Mais ce ne sont pas toutes les grandes études environnementales qui reçoivent autant d’attention : certaines, pourtant très révélatrices, passent quasi inaperçues. Pivot vous propose donc une série de textes pour (re)mettre en lumière les dernières connaissances concernant l’état de la planète et les manières d’y faire face.
On l’a vu au courant de la dernière année, les changements climatiques engendrent déjà des événements extrêmes au Canada, comme des vagues de chaleur, des grands feux, des inondations ou encore des tempêtes. Ces événements donnent lieu aux conséquences les plus visibles de la crise climatique, puisqu’ils provoquent directement des morts, des blessures et des maladies. Or, ils sont voués à être plus fréquents et plus intenses, prévient Santé Canada.
On en parle moins souvent, mais le climat a aussi un impact sur la qualité de l’air. La hausse de la température et la baisse des précipitations, notamment, augmentent la pollution atmosphérique. Le réchauffement cause aussi des feux de forêt, et donc de la fumée, et allongera aussi la saison des allergènes comme le pollen. Tout cela réuni aggrave les problèmes de santé respiratoire comme l’asthme, en plus de conduire à davantage de maladies cardiovasculaires et de cancers du poumon. La pollution est déjà l’une des principales causes écologiques de mortalité au Canada, avec 15 300 décès annuels : si rien n’est fait, cela augmentera encore dès les prochaines décennies.
Une autre ressource fondamentale, l’eau, risque fort d’être affectée par la crise climatique. L’accès à l’eau potable peut être compromis par les sécheresses, tandis que la hausse des températures peut accroitre la présence d’agents pathogènes dans l’eau disponible.
Les températures plus élevées favorisent la propagation de maladies infectieuses au Canada. Un environnement plus propice aux tiques et aux moustiques, par exemple, conduit à une plus grande propagation de la maladie de Lyme ou du virus du Nil occidental. La multiplication de certains animaux comme les rongeurs pourrait aussi mener à plus de « zoonoses », soit les maladies transmises d’animaux à humains (tel que le virus de la COVID-19) et donc à plus d’épidémies et de pandémies. On pourrait aussi voir une présence accrue de champignons et donc de certaines infections fongiques.
Les dérèglements du climat agissent sur l’alimentation. Ils nuisent déjà à la production alimentaire dans certains secteurs de l’agriculture, agissant non seulement sur la quantité, mais aussi sur la teneur nutritive des aliments produits. La disponibilité mondiale de certains produits est aussi en danger. Il deviendra donc plus difficile de s’alimenter correctement, surtout pour les personnes moins nanties. De plus, la salubrité des aliments est susceptible d’être compromise par le bouleversement des conditions environnementales et des réseaux de distribution.
Les diverses conséquences des changements climatiques sont vouées à accentuer les problèmes de santé mentale déjà très présents au Canada : stress, anxiété, dépression, détresse, traumatismes, deuil, dépendances, etc. Ces problèmes sont aussi en lien avec les difficultés socio-économiques accompagnant les changements climatiques, comme un possible affaiblissement des liens sociaux en temps de crise.
Pression accrue sur la société
Tous ces impacts de la crise climatique augmentent la pression sur les systèmes de santé du pays. Ceux-ci doivent s’adapter aux nouvelles réalités, tant en matière de soins que de recherche et de prévention. Les efforts actuels sont insuffisants, constate Santé Canada. Qui plus est, lors des événements extrêmes (tempêtes, inondations, etc.) les établissements de santé sont aussi directement impactés, compromettant leur capacité à répondre aux besoins de la population.
Enfin, Santé Canada rappelle que les impacts de la crise climatique ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Comme toujours, certains groupes vulnérables sont davantage exposés aux problèmes de santé, ou encore disposent de moins de moyens pour y faire face. Les Autochtones sont particulièrement touché·es, parce qu’ils et elles habitent souvent des territoires durement affectés, en plus d’entretenir des rapports de dépendance étroits avec leur environnement et ses ressources. Ils et elles vivent aussi déjà des difficultés de santé liées aux inégalités. De même, les personnes handicapées, isolées, marginalisées ou économiquement défavorisées économiquement sont particulièrement vulnérables, tout comme les enfants et les aîné·es.
À lire
« La santé des plus pauvres souffre davantage des dérèglements climatiques »
Une nécessaire adaptation
La vue d’ensemble proposée par le rapport de Santé Canada servira de base pour les politiques visant à adapter le pays à certains impacts désormais incontournables des changements climatiques. Le gouvernement fédéral doit en effet présenter une Stratégie nationale d’adaptation d’ici la fin de l’année.
Les infrastructures du pays doivent être adaptées en profondeur pour faire face à la crise environnementale et à ses effets sur la santé, indique le rapport. Si les systèmes de santé doivent certainement être renforcés pour répondre aux besoins, il est aussi possible d’agir à la source, pour prévenir l’apparition des problèmes, indique Santé Canada.
« Le verdissement des milieux de vie, la déminéralisation des surfaces, la protection des sources d’eau et des rives, l’adaptation des bâtiments et un aménagement du territoire mieux contrôlé sont toutes des solutions à la portée des institutions publiques, privées ou communautaires pour améliorer la santé des populations les plus défavorisées dans un contexte de climat en changement. »
David Demers-Bouffard, co-auteur du rapport de Santé Canada et conseiller à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)
Qui plus est, réduire les inégalités sociales est une manière essentielle de limiter les conséquences pour les plus vulnérables, souligne le bilan.