
La santé des plus pauvres souffre davantage des dérèglements climatiques
Les subventions aux énergies fossiles devraient plutôt être investies dans des plans d’urgence sanitaire et dans la réduction des inégalités, selon des associations canadiennes en santé.
Les conséquences des changements climatiques sur la santé humaine sont « en hausse constante » et ce sont d’abord les communautés et les pays les plus défavorisés qui en souffrent. C’est le grand constat dressé par la revue médicale The Lancet dans son rapport annuel sur le sujet, publié cette semaine.
Le réchauffement climatique a de multiples répercussions négatives sur la santé. Il provoque des canicules et des sécheresses. Il entraîne aussi une recrudescence de certaines maladies mortelles comme le paludisme ou le choléra, souligne le rapport.
Or, ces conséquences négatives touchent bien plus gravement les communautés les plus pauvres. A tel point que le réchauffement climatique « menace d’inverser des années de progrès en matière de santé publique » en accroissant les inégalités de santé, avertit The Lancet.
On apprend notamment que c’est dans les pays peu ou moyennement développés que la vulnérabilité des gens aux chaleurs extrêmes augmente le plus rapidement depuis 30 ans. Mais, la fragilité de ces pays face à la chaleur ne s’explique pas simplement par leur situation géographique, insiste Patrick Cloos, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Il s’agit avant tout d’une question de « moyens », explique celui qui s’intéresse aux inégalités sociales de santé.
« Quand on a moins de moyens socioéconomiques, on est plus sensibles aux événements, quels qu’ils soient. Ce sont toujours les plus désavantagés qui vont pâtir le plus. »
Patrick Cloos, professeur à l’Université de Montréal
Le même problème existe aussi chez nous. En 2021, écrit The Lancet, « les personnes âgées de plus de 65 ans ou de moins de 1 an, ainsi que les personnes confrontées à des désavantages sociaux, ont été les plus touchées par les températures record de plus de 40 °C » qui ont frappé l’ouest du Canada et des États-Unis cet été, faisant des centaines de morts. Quand on est plus pauvre ou plus isolé, on a moins accès à un logement confortable, à des soins adaptés, à des informations de qualité, à de la nourriture fraîche, énumère Patrick Cloos. « Tout le monde n’a pas les moyens de se protéger. »
« Tout le monde est affecté par les changements climatiques, mais tout le monde ne l’est pas de la même manière. »
Patrick Cloos
L’accès aux espaces verts, cruciaux en temps de canicule, joue aussi en défaveur des habitants des quartiers les plus défavorisés, souligne Patrick Cloos. Dans ces quartiers, on trouve en effet souvent moins de parcs et d’arbres. « L’accroissement de la verdure en milieu urbain » en priorisant « les quartiers à faibles revenus » fait d’ailleurs partie des principales recommandations développées spécialement pour le Canada par l’Association médicale canadienne (AMC) et l’Association canadienne de santé publique (ACSP), en réponse au rapport de The Lancet.
Une « réponse retardée et incohérente »
The Lancet déplore « la réponse retardée et incohérente des pays du monde entier », non seulement pour prévenir les changements climatiques, mais aussi pour réagir à certaines conséquences déjà bien réelles. Le rapport rappelle que l’action pour un environnement sain va de pair avec la lutte aux inégalités de santé.
Patrick Cloos juge ainsi essentiel de développer des formations pour les décideurs et les décideuses, mais aussi pour le personnel de première ligne en santé et services sociaux, afin de les amener à toujours agir en fonction des inégalités sociales face au réchauffement. « Si on ne tient pas compte des vulnérabilités dans nos plans, on va les creuser », s’inquiète-t-il.
« Il ne suffit pas de dire que la Santé publique doit penser aux inégalités. Il faut aussi donner des moyens aux institutions d’État pour prendre les inégalités en charge », avertit celui qui enseigne aussi le travail social.
À ce sujet, le rapport de The Lancet critique les pays, comme le Canada, qui continuent de financer l’industrie des combustibles fossiles, sources de la crise climatique, plutôt que d’investir dans la santé et l’adaptation climatique.
« Dans de nombreux cas, les subventions [à l’industrie fossile] équivalaient à des proportions substantielles du budget national de la santé et auraient pu être réorientées pour apporter des avantages nets à la santé et au bien-être. »
The Lancet
Dans leur compte rendu, l’ACSP et l’AMC recommandent précisément la fin des subventions à l’industrie fossile et le réacheminement des fonds vers des programmes d’adaptation climatiques et sanitaires.
La « solidarité » à l’échelle internationale s’impose aussi, selon Patrick Cloos. Les pays riches « restent les principaux contributeurs aux émissions de CO2 », souligne d’ailleurs The Lancet. Ils ont donc une « responsabilité » supplémentaire, estime Patrick Cloos, et doivent se coordonner avec les pays plus pauvres et les soutenir pour s’assurer que la santé de tout le monde, ici comme ailleurs, est protégée.
On peut lire un résumé en français du rapport publié par The Lancet ici.