Blé, canola, avoine : quasiment toutes les grandes cultures céréalières ont connu une baisse de production historique en 2021 au pays, montrent les données de Statistique Canada. Cette situation est principalement due à la sécheresse qui a affecté les provinces de l’Ouest cette année. Plus encore, ce serait le signe d’une « crise socioécologique globale ».
Dans bien des cas, les rendements ont connu la plus forte baisse annuelle jamais recensée, se retrouvant à leur plus bas depuis plus d’une décennie.
Les grandes cultures céréalières dont la production totale nette a le plus sévèrement décliné par rapport à l’an dernier sont l’avoine (43%) et le blé (39%), surtout parce que, dans les deux cas, le rendement des surfaces récoltées a diminué d’environ un tiers cette année.
Les cultures du canola et de l’orge, quant à elles, ont subi les baisses de rendement les plus importantes : la quantité de grain produite par acre cultivée a reculé d’environ 40%. Comme les superficies cultivées ont légèrement augmenté, la baisse de production nette a été de 35%.
La production de soya a quant à elle diminué d’un peu plus de 1%, mais on note tout de même une baisse de près de 6% des rendements. Seule la production de maïs a connu une légère croissance (3%), après des rendements légèrement plus élevés que l’an dernier (4%).
Une sécheresse majeure a frappé le Canada en 2021, s’étendant depuis la Colombie-Britannique jusqu’en Ontario. Le Manitoba a été particulièrement affecté : en juillet, Winnipeg n’a reçu qu’un dixième de la pluie qui y tombe normalement. Bien que les sécheresses soient un phénomène normal, celle-ci s’est démarquée par son ampleur et sa sévérité.
Les limites de l’agriculture industrielle
Plusieurs observateurs ont souligné que ces événements extrêmes risquent de devenir plus fréquents dans les années à venir, avec les changements climatiques. Mais le problème est plus complexe encore, considère Guillaume Moreau, chercheur à la maîtrise en sciences de l’environnement à l’UQAM. Les changements climatiques sont un seul des nombreux facteurs d’origine humaine qui peuvent provoquer des sécheresses, précise-t-il.
« Ce qu’on voit, c’est une crise socioécologique globale », affirme-t-il.
La déforestation, par exemple, « transforme l’écologie de la planète au grand complet », asséchant plusieurs régions.
Guillaume Moreau souligne aussi que les pratiques « non régénératrices » de l’agriculture industrielle augmentent la vulnérabilité des cultures aux événements extrêmes comme les sécheresses. Les monocultures et le recours aux pesticides et aux engrais chimiques affaiblissent la qualité du sol et nuisent à sa capacité à retenir l’eau.
Les agriculteur·trices doivent donc aller puiser l’eau toujours plus profondément dans les nappes phréatiques, ce qui aggrave encore le problème, souligne Guillaume Moreau. En effet, cette eau est souvent lourde en minéraux et assèche davantage la terre, explique-t-il.
« Si on continue à faire ce qu’on fait actuellement, ça va juste aller en empirant. »
Instaurer une agriculture régénératrice
Pour améliorer la résilience des cultures, « il faudrait faire des changements importants et amener des pratiques agroécologiques », estime le chercheur. Mais « il ne faut pas mettre tout le fardeau sur les épaules des agriculteurs et des agricultrices », qui vivent déjà de fortes pressions économiques, prévient Guillaume Moreau. Des « structures d’aide » sont nécessaires pour leur permettre d’aller vers de nouvelles pratiques agricoles régénératrices, insiste-t-il.
Il faudrait aussi revoir la formation des agronomes pour qu’ils et elles puissent répandre ce genre de pratiques, plutôt que de tout miser sur les produits agrochimiques, croit Guillaume Moreau.
« C’est possible de préserver l’eau, la biodiversité, la résilience des écosystèmes », juge-t-il.
Il reconnaît toutefois que la transformation de l’agriculture ne va pas sans une lutte contre les changements climatiques : « c’est sûr qu’il y a une limite à la résilience quand il fait 50oC ».