Le mauvais état des logements est associé à d’importants problèmes de santé respiratoire chez les jeunes enfants de communautés autochtones isolées. Les habitations sont trop petites et trop rares, et donc surpeuplées. Les bâtiments sont mal entretenus et mal ventilés : on y note ainsi une forte présence de moisissures et d’autres toxines. Pendant ce temps, les enfants en bas âge sont anormalement nombreux à connaître des infections ou des difficultés respiratoires.
Ce sont les constats d’une étude menée dans une centaine de résidences de quatre communautés de la nation Nishnawbe Aski. Ces communautés sont situées loin de centres urbains, dans la région de Sioux Lookout, dans le nord-ouest de l’Ontario. L’étude, dirigée par le Dr Thomas Kovesi du Children’s Hospital of Eastern Ontario, a été réalisée en étroite collaboration avec la Régie de la santé des Premières Nations de Sioux Lookout (RSPNSL). Elle est publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne.
Selon le Dr Kovesi, les résultats de l’étude pourraient probablement être généralisés à d’autres communautés du nord de l’Ontario et des provinces voisines, là où le climat est comparable. « Ça nous donne de l’information sur la réalité d’une bonne partie du Canada », avance-t-il en entrevue.
Des logements inadaptés et en mauvais état
Les bâtiments inspectés ne satisfaisaient pas aux normes minimales.
« Les inégalités et le sous-financement ont entraîné la construction de maisons qui sont mal construites et de taille insuffisante, avec un financement insuffisant pour l’entretien et le maintien en bon état », peut-on lire dans l’étude.
La majorité des logements visités étaient surpeuplés (avec plus d’une personne par pièce disponible). « On voit beaucoup de personnes qui restent dans des maisons qui ne sont pas assez grandes », témoigne Patrick Keating, coordonnateur de la Clinique de réhabilitation pour enfants du RSPNSL. Les communautés auprès desquelles il travaille « ont des manques évidents de logements », indique-t-il.
Plus de quatre habitations sur cinq (85%) n’avaient pas de ventilation contrôlée. Les mesures de CO2 indiquaient une mauvaise circulation de l’air dans plus de la moitié (56 %) des résidences.
« Sans ventilation adéquate, vivre dans ces maisons équivaut à vivre dans un sac en plastique. »
Michael McKay, co-auteur de l’étude et directeur du logement et des infrastructures, Nation Nishnawbe Aski
Plusieurs habitations étaient mal situées, exposées à des inondations ou à des infiltrations d’eau. Près de la moitié (44 %) montraient d’ailleurs des signes de pénétration d’eau dans les murs extérieurs. Une proportion similaire (51 %) avait des fenêtres endommagées.
Moisissures, toxines et maladies respiratoires
Les chercheur·euses ont trouvé des niveaux élevés de moisissures dans plusieurs résidences. La présence de moisissure était associée à des infections respiratoires plus fréquentes chez les jeunes enfants y étant exposés. De manière générale, le quart des enfants (25 %), âgés entre un et quatre ans, avaient dû subir une évacuation médicale pour une maladie respiratoire. Dans les Premières Nations de Sioux Lookout, les hospitalisations de bébés pour des infections respiratoires sont nettement plus fréquentes que dans la population générale (44 pour 1000, contre 25 pour 1000).
L’étude a aussi relevé dans les logements une présence « extraordinairement élevée » d’endotoxine, un résidu de certaines bactéries, attribuable notamment à l’entreposage et à l’utilisation de bois de chauffage. La forte présence d’endotoxine était associée à des cas de respiration sifflante lors de rhumes chez les jeunes enfants. Au total, c’est plus du tiers (39 %) des enfants chez qui une telle respiration sifflante a été constatée.
L’indifférence et le sous-financement dénoncés
Les faits constatés ne sont pas nouveaux, mais l’étude permettra d’appuyer les demandes des communautés auprès des autorités, dont les exigences sont souvent limitatives, explique Patrick Keating. « Ça montre des choses qu’on constatait déjà, mais ça peut ouvrir les yeux de ceux qui ne nous croyaient pas », affirme-t-il.
« Une action collective est urgente pour répondre aux impacts dommageables de la colonisation, incluant l’indifférence systémique », écrivent les auteur·es de l’étude.
En matière de logement, notamment, le gouvernement fédéral « sous-finance ces communautés depuis toujours », déplore le Dr Kovesi. Les auteur·es de l’étude indiquent qu’il faut davantage de logements, et que ceux-ci doivent être adaptés aux conditions géographiques et aux réalités culturelles des communautés.
Ils et elles rappellent aussi que le développement social et économique est essentiel, puisqu’il donne aux communautés les moyens de mieux entretenir leurs infrastructures. Ils et elles insistent enfin sur l’importance de solutions « dirigées et régies par les Premières Nations ».