Les histoires que Denis Coderre et ses candidat.es préféreraient qu’on oublie

Revue de presse des «dossiers qui fâchent».

Depuis qu’il a annoncé son retour en politique au début de l’année, Denis Coderre a souvent avancé qu’il avait changé. « C’est à moi de prouver que j’ai été transformé » disait-t-il en entrevue au Journal de Montréal en mars. Mais quels sont donc les événements et les affaires qu’il préférerait laisser dans le passé? Pivot propose un tour d’horizon des candidates et candidats d’Ensemble Montréal ayant été impliqué.es dans des controverses.

Denis Coderre le consultant

La dernière controverse en date était le refus de Denis Coderre de dévoiler la liste des clients pour qui il a travaillé à titre de consultant entre 2017 et 2021 (la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale ne l’y oblige pas). Il a finalement levé le suspense et accepté de la rendre publique mercredi.

On a donc appris que Denis Coderre a été consultant pour COGIR, un important développeur immobilier.

Il a également été consultant pour Transcontinental. L’entreprise a retenu ses services pour des conseils sur « l’économie circulaire et les investissements en recyclage de l’entreprise dans l’est de Montréal », peut-on lire dans La Presse. Transcontinental fait campagne auprès de la Ville de Montréal depuis 2009 afin qu’elle ne resserre pas la réglementation entourant la distribution du Publisac.

Il était déjà connu que Denis Coderre a travaillé pour Stingray, une entreprise appartenant à Eric Boyko. Ce dernier milite pour le retour des Expos et la construction d’un nouveau stade de baseball à Montréal.

Il a également été le représentant de la Caisse de dépôt et placement du Québec sur le conseil d’administration d’Eurostar, une entreprise qui exploite des trains à grande vitesse entre Paris, Bruxelles et Londres. La Caisse de dépôt est impliquée dans la construction du Réseau express métropolitain (REM). 

La formule E

En 2018, le Bureau de l’inspecteur général (BIG) de Montréal avait sévèrement blâmé l’administration pour sa gestion de cette course survenue l’année précédente. Selon le BIG, l’administration « n’a pas alloué l’indépendance requise à l’OBNL qu’elle venait de créer » et a contourné les règles d’attribution de contrat pour confier l’organisation de l’événement à evenko.

À la même époque, la vérificatrice générale (VG) de Montréal avait elle aussi critiqué l’ancienne administration Coderre pour sa gestion de la Formule E. Dans son rapport, elle déclarait que la ville n’avait pas respecté son propre cadre de gouvernance.

A la sortie du rapport de la VG, Lionel Perez, alors chef d’Ensemble Montréal, et la conseillère Patricia Lattanzio avaient d’abord blâmé les fonctionnaires. M. Perez, qui est actuellement candidat à la mairie de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, n’avait en revanche pas émis de blâme envers son ancien patron. «Ni le BIG, ni la VG ne blâme M. Coderre», avait-t-il affirmé.

Selon Le Devoir, l’OBNL créée pour la course de Formule E a accumulé un déficit de 13,55 millions $. Pour éviter qu’elle ne se déroule devant des gradins vides, l’administration Coderre avait distribué au moins 20 000 billets gratuitement. Sur les 25 000 billets restants, un nombre inconnu avait été donné à des commanditaires et à des partenaires. L’OBNL Montréal c’est électrique, créée pour présenter la course, a fait faillite en 2018. Le total des créances s’élevait à plus de 18 millions $.

Denis Coderre et la police

L’attitude de Denis Coderre a fait couler beaucoup d’encre en 2016 lorsqu’on a appris que, furieux que le journaliste Patrick Lagacé ait obtenu en 2014 la copie d’un constat d’infraction qu’il avait reçu, il avait appelé directement le directeur du SPVM, Marc Parent. L’ex-maire a admis avoir « pété sa coche » mais affirme n’avoir pas demandé à la police d’enquêter sur l’origine de la fuite.

Le SPVM a cependant réquisitionné les relevés téléphoniques du fournisseur de Patrick Lagacé pour la période où il enquêtait sur ce fameux constat d’infraction, ce que soupçonnait déjà le journaliste.

Autre détail dans cette histoire: au moment de recevoir sa contravention, Denis Coderre qui n’était pas encore maire à l’époque, aurait mentionné à la policière qu’il « serait son futur boss ».

Un chèque non déclaré

En 2012, le député Denis Coderre a reçu – mais n’a pas déclaré – un chèque de 25 000 $ de son ami Jean Rizzuto (qui n’a aucun lien avec la famille Rizzuto, liée à la mafia). Denis Coderre a d’abord nié avoir reçu cet argent. Lorsque les faits ont été révélés, en 2017, il a admis qu’il aurait dû déclarer le chèque. Ce montant lui avait été donné par Rizzuto, homme d’affaires et organisateur du Parti libéral, pour l’aider à payer des frais d’avocats dans une poursuite pour diffamation qui l’opposait au joueur de hockey Shane Doan.

Aucune accusation n’a été portée, ni aucune infraction alléguée. Selon le code d’éthique des députés fédéraux, un tel montant aurait toutefois dû être déclaré. Denis Coderre a déclaré dans la presse qu’il n’y avait pas d’apparence de conflit d’intérêt.

Denis Coderre n’est pas le seul candidat d’Ensemble Montréal à avoir fait l’objet de controverses. Tour d’horizon de ses candidat.es et allié.

Luis Miranda, un allié controversé

Luis Miranda, maire d’arrondissement dans Anjou depuis 1997, brigue à nouveau le poste à la tête de son parti, Équipe Anjou. Il a donné son appui à Denis Coderre, en contrepartie de quoi Ensemble Montréal ne présente pas de candidat dans cet arrondissement.

En 2009, La Presse publiait un article sur les voyages aux Açores qu’avait fait Luis Miranda en compagnie de fournisseurs municipaux comme Antonio Di Lillo et Florindo Baldissin. En quatre ans, l’entreprise Paysagiste Ligne Royale de M. Baldassin avait obtenu 3,5 millions $ en contrats municipaux. 

M. Miranda a été visé par des allégations d’agression sexuelle en 2019. Une ex-bénévole du parti de M. Miranda, Sandra Boursiquot, a fait ces allégations lors d’une séance publique du conseil municipal. Aucune poursuite criminelle n’a été déposée. M. Miranda poursuit Mme Boursiquot pour diffamation.

En 2019, on alléguait aussi que Luis Miranda ferait régner un climat d’intimidation dans le milieu communautaire. Yannick Mondion, un bénévole impliqué dans le milieu du baseball, affirmait : « le maire et la conseillère Andrée Hénault m’ont envoyé des invectives personnelles devant tout le monde. À un point tel que j’ai quitté la salle ». A l’époque, M. Mondion s’était plaint de la propreté des terrains de baseball.

Michel Bissonnet

Michel Bissonnet est le candidat à la mairie d’arrondissement de Saint-Léonard. Vieux routier de la politique, il a été député à l’Assemblée nationale pendant 27 ans. En 2008, il est élu maire de l’arrondissement de Saint-Léonard.

En 2009, on apprenait qu’un contrat de 32 millions $ avait été accordé en 2005 par l’arrondissement à la SOGEP, une filiale de la compagnie Dessau. Ce contrat, d’une durée de 20 ans, avait été signé lorsque Frank Zampino était maire de Saint-Léonard. Celui-ci a été embauché par Dessau par la suite, après avoir quitté la vie politique. 

Le maire de Montréal de l’époque, Gérald Tremblay avait demandé à Michel Bissonnet et à Claude Léger, le directeur général de la Ville, d’enquêter sur cette transaction. Cette décision avait fait réagir l’opposition, car Yvette Bissonnet, épouse de M. Bissonnet, était conseillère municipale au moment de l’attribution du contrat. L’opposition estimait qu’on ne pouvait pas « demander à M. Bissonnet de faire une enquête impartiale et objective là-dessus. » 

En 2008, Michel Bissonnet s’est rendu à une fête chez Paolo Catania. A ce moment, la proximité de l’entrepreneur avec la mafia était connue. M. Bissonnet était arrivé à la fête en compagnie de Bernard Trépanier, l’argentier d’Union Montréal et celui qu’on allait surnommer « Monsieur 3% ». Selon La Presse, des proches de la mafia et des organisateurs du système de collusion montréalais identifiés à la commission Charbonneau étaient aussi présents.

Denis Coderre avait, en 2013, réitéré son appui à M. Bissonnet. « De toute façon, à l’époque, ces gens n’étaient pas accusés », a-t-il dit.

En 2014, La Presse apprenait que M. Bissonnet avait agi comme avocat-conseil pour Carmine Mercadante, un « conseiller en gestion » qui s’occupait des affaires de plusieurs membres et associés de la mafia. Me Mercadante s’occupait entre autres du salon funéraire de la famille Rizutto. M. Bissonnet a nié tout lien avec de telles entreprises, affirmant qu’il avait « laissé son nom là » au cas où il retournerait en pratique privée. « Mon nom était sur le papier à en-tête, mais je n’avais pas de bureau là, je ne suis jamais intervenu dans les dossiers, » a-t-il dit à La Presse.

Antoine Richard

Le 13 octobre dernier, le bureau d’enquête du Journal de Montréal publiait un article mettant en lumière les « flips » immobiliers lucratifs faits par Antoine Richard, candidat à la mairie de Verdun pour Ensemble Montréal. L’enquête révélait que le courtier immobilier avait acheté deux immeubles pour les revendre rapidement, touchant alors un peu plus de 470 000 $ en l’espace de quelques mois. Cette pratique n’est pas illégale, mais elle est découragée par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), qui encadre la profession de courtier immobilier.

Selon l’enquête, M. Richard aurait usé de procédés interdits. Il aurait publicisé la vente d’un immeuble deux jours avant d’en être le propriétaire. Il aurait également évalué lui-même une propriété pour ensuite l’acheter moins cher à ses clients.

A propos des «flips» de son candidat, M. Coderre a déclaré : « J’ai eu une discussion très sérieuse avec Antoine [Richard] et je suis satisfait des réponses. »

Dimitra Kostarides

La candidate d’Ensemble Montréal dans Côte-des-Neiges a été impliquée, au début des années 2000, dans un scandale financier où des investisseurs ont été floués. En 2006, sa maison avait été saisie pour rembourser des épargnants qui estimaient être victimes de fraude. Elle avait également fait l’objet d’une enquête de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et d’une ordonnance d’un juge administratif lui interdisant de faire des transactions avec une société des îles Turks et Caicos.

Denis Coderre a qualifié ces révélations de « salissage ». Il a affirmé : « on a fait toutes les vérifications, il n’y en a pas de problème. »

Plus tôt ce mois-ci, Pivot a appris que la Chambre de la sécurité financière avait demandé à son syndic « de faire enquête sur les allégations concernant Mme Kostarides. » Mme Kostarides est membre du comité de discipline de l’organisme et la Chambre se dit préoccupée par ces allégations.

Juan Mendez

Jeudi matin, le Journal de Montréal publiait un article faisant état d’un jugement ordonnant au candidat au conseil d’arrondissement de Lasalle de rembourser près de 135 000 $ à d’anciennes fréquentations romantiques à qui il avait emprunté de l’argent. La juge Chantal Sirois, indiquait alors qu’« il ne s’agit d’ailleurs pas de la première fois que le défendeur emprunte ainsi de l’argent à une femme et qu’il refuse ou néglige de la rembourser. »

Catherine Clément-Talbot

En 2016, Projet Montréal avait découvert que Mme Clément-Talbot, conseillère d’Ensemble Montréal dans Pierrefonds-Roxboro, avait sollicité des dons d’un promoteur intéressé par un projet dans son arrondissement. Mme Clément-Talbot était membre du comité consultatif d’urbanisme chargé d’évaluer ces projets.

Coderre avait décidé de ne pas sanctionner son élue. « On ne va pas commencer à comparer ça au passé où on parlait de centaine de dollars. C’est maladroit, mais je ne crois pas qu’on soit achetable pour 300 $», avait-il alors fait valoir.

Dan Kraft

Dan Kraft, qui briguait le poste de conseiller dans Outremont avec Ensemble Montréal, s’est retiré de la course après que des publications controversées aient été soulevées par plusieurs médias, dont Pivot. Denis Coderre a dénoncé ce qu’il considère être une « campagne de salissage » orchestrée par des « trolls ».

M. Kraft s’était excusé après qu’on ait appris qu’il avait relayé sur les réseaux sociaux des contenus climatosceptiques, minimisant la discrimination envers les Noirs, ou encore faisant la promotion de la théorie du « grand remplacement ». Il s’était de nouveau excusé après un message où il comparait l’administration Plante à Staline.

Nous avons contacté Ensemble Montréal et Luis Miranda pour solliciter leurs commentaires sur ces controverses. Ils n’ont pas répondu à nos demandes.

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