Jeudi soir au Resto-Plateau à Montréal avait lieu le lancement de la campagne #MontréalFéministes pour le droit des femmes à la ville. Féministes et citoyen·nes de tous les milieux y étaient réuni·es pour rêver ensemble de l’avenir de la métropole.
Cette initiative audacieuse est portée par la Table de groupes de femmes de Montréal (TGFM), qui réunit plus de 80 organisations dévouées à la promotion de l’équité des sexes.
Montréal, pas encore féministe?
La motivation derrière cette campagne est claire : Montréal, malgré ses efforts d’accessibilité dans les dernières années, ne remplit pas encore les critères d’une ville féministe. Il s’agit en fait d’une des villes les moins accessibles au Canada pour les femmes, mais aussi pour bien des groupes marginalisés. Les défis pour l’équité persistent, affectant de manière disproportionnée les populations vulnérables.
« Les gens doivent réaliser qu’une ville féministe, c’est une ville pour toutes et tous, pas seulement pour les femmes. Il s’agit de concevoir la ville d’abord pour les personnes vulnérables, afin qu’elle soit confortable et accessible pour tout le monde », explique l’une des porte-paroles de la campagne, Sofia Benkirane, conseillère en design universel, chargée de projet pour Société Logique et membre de la TGFM.
Au cœur de cette initiative se trouve une plateforme de revendications féministes, comprenant des dizaines de revendications et d’actions à mettre en place pour améliorer l’inclusion urbaine. La plateforme est le fruit d’une démarche de consultation publique menée en 2021 auprès de plus de 400 personnes.
Pour renverser la vapeur, la campagne se concentre sur quatre thèmes majeurs : la mobilité, le logement, la vie de quartier et la vie économique.
Pour une mobilité inclusive
La campagne revendique le « droit à la ville », soit la possibilité, pour tout type d’individu, d’accéder et de participer à la métropole. Un élément clé pour permettre cette participation est sans conteste la mobilité.
Dans un contexte de lutte contre les changements climatiques, la transition vers l’utilisation des services de transport collectif et actif (tels que les autobus, le métro, le vélo et la marche) est urgente, selon la TGFM. Cela vient toutefois avec de nombreux obstacles pour certaines personnes, notamment le harcèlement de rue, les hausses tarifaires, la desserte insuffisante dans de nombreux secteurs, le manque d’intégration de l’accessibilité universelle dans les services et infrastructures, ainsi que le manque de civisme envers les personnes ayant des besoins de mobilité particuliers.
« La mobilité, c’est la clé d’une participation dans la ville. »
Julie Sanfaçon
Julie Sanfaçon, de l’Institut national pour l’équité, l’égalité et l’inclusion des personnes en situation de handicap, est l’une des porte-paroles de la campagne. Elle raconte vivre au quotidien ces défis dans le transport montréalais. « Moi, je suis non voyante, je suis utilisatrice du transport collectif, et je dois pouvoir me déplacer. La mobilité, c’est la clé d’une participation dans la ville », rappelle-t-elle.
La plateforme du TGFM recommande une amélioration du réseau existant pour permettre l’accessibilité universelle, ainsi que la formation du personnel du transport collectif sur ces questions. « Le manque d’accessibilité limite les femmes en situation de handicap, mais aussi les femmes avec des poussettes ou les personnes qui transportent des bagages », constate Sofia Benkirane.
L’insécurité dans les déplacements est aussi un frein significatif pour les femmes. Hannah Stratford-Kurus, l’une des porte-paroles de la campagne, explique entre autres la nécessité de mettre fin aux comportements et mentalités qui génèrent cette insécurité. « Certaines de nos demandes visent à sensibiliser à la réduction du harcèlement, à accroître la sensibilité à la diversité de genre, et à parler des femmes qui se sentent menacées ou en insécurité. Ce sont des problèmes très réels », explique celle qui est agente de développement à L’Envol des femmes, membre de la TGFM.
Une autre priorité pour les organismes de la TGFM concerne l’adoption accrue des transports actifs, comme le vélo. La plateforme revendique entre autres de diversifier les représentations de la pratique du vélo, en incluant notamment des personnes de différentes corpulences, des aîné·es, des personnes portant le hijab et des personnes en situation de handicap. De plus, des tarifications incitatives pour les vélos communautaires sont recommandées.
Pour plus de logements sociaux
Un autre grand cheval de bataille de la campagne concerne l’accessibilité du logement. La crise du logement persistante rend difficile pour de nombreuses femmes la recherche d’un chez-soi adéquat, vu la précarité financière plus prédominante chez les femmes, notamment les femmes migrantes, en situation de handicap ou les femmes monoparentales.
« Une ville féministe, c’est une ville pour toutes et tous, pas seulement pour les femmes. »
Sofia Benkirane
Les hausses de loyer, les reprises et les évictions plus fréquentes menacent la stabilité de plusieurs. La sécurité de nombreuses femmes est également trop souvent compromise en raison du harcèlement des propriétaires, des concierges, des voisins, ainsi que par des situations de maltraitance ou de violence conjugale.
Or, la pénurie de logements contraint souvent les femmes à accepter des logements qui ne répondent pas à leurs besoins spécifiques, ou encore à rester dans des situations qui les vulnérabilisent, a constaté le TGFM.
Dans le domaine du logement, les aspects fondamentaux à revendiquer incluent donc l’abordabilité des loyers et l’accessibilité, la salubrité et la sécurité des logements. Augmenter l’offre de logements sociaux serait primordial, selon les expertes.
Appel aux citoyen·nes à s’engager
Pour enclencher les changements souhaités, Marie-Ève Desroches, chargée de la rédaction et de la coordination de la campagne, encourage activement les citoyen·nes à se joindre à la cause.
« Appropriez-vous le matériel, partagez massivement sur les réseaux sociaux. On espère que le grand public embarque, et qu’il y ait un genre de sentiment d’urgence qui se déclenche au niveau des paliers gouvernementaux. Les solutions vont passer à travers des actions plus concrètes de la part des municipalités, des villes, des gouvernements. »
La plateforme de revendications est disponible ici.