Les autrices sont membres du regroupement canadien Air sain, écoles saines (ASÉS)/Safe Air, Safe Schools (SASS). La liste complète des signataires est en bas de page.
Si les autorités provinciales de santé publique n’adoptent pas les mesures de prévention reconnues qui sont prises ailleurs, nous sommes en voie de répéter le scénario dangereux de l’automne dernier.
En août 2022, le ministre allemand de la Santé, Karl Lauterbach, déclarait : « Ma fonction de ministre de la Santé m’interdit de laisser les enfants tomber malades en grand nombre. Il est irresponsable d’infecter toute une génération. »
Malheureusement, ce courage, ce souci de suivre la science et cette volonté d’adopter des pratiques exemplaires pour protéger les enfants ne se retrouvent pas chez les responsables de la santé publique et les politicien·nes canadien·nes.
Comme ils ont vite oublié
L’an dernier, en 2022, les autorités canadiennes ont été informées à plusieurs reprises des risques évoqués par M. Lauterbach, mais elles n’ont pas tenu compte de ces avertissements. Ainsi, en septembre 2022, le Canada a été frappé par une triple épidémie de COVID, de grippe et de VRS – des virus qui ont infecté les élèves et les éducateur·trices, ainsi que leur famille et leur collectivité.
Les écoles ont battu des records d’absentéisme, avec des taux qui ont atteint de 25 à 50 % dans de nombreuses classes, et les hôpitaux pédiatriques ont été rapidement débordés. Le parcours éducatif des enfants a été perturbé et on a vu des cas graves, des séquelles chroniques à la santé et des décès, toutes des conséquences qu’on aurait pu en grande partie minimiser grâce à des mesures préventives.
Si les mesures prises l’an dernier pour protéger les écolier·ères canadien·nes ont échoué, pourquoi obtiendrions-nous de meilleurs résultats en faisant la même chose en 2023?
Malgré l’expérience éprouvante de 2022, les ministres de la Santé provinciaux et territoriaux du Canada rouvriront cette année les écoles sans aucune mesure de protection supplémentaire contre les virus transmis par voie aérienne – des mesures pourtant simples et relativement peu coûteuses qui protègent aussi contre la fumée toxique des feux de forêt.
Les responsables provinciaux et territoriaux de la santé publique continuent de diffuser une information erronée qui sème la confusion et crée de la réticence face aux pratiques exemplaires éprouvées. En 2023, ils continuent de promouvoir le lavage des mains contre une maladie transmise par voie aérienne… Pourquoi les parents et éducateur·trices exigeraient-ils de l’air pur dans les écoles, puisqu’on leur dit que la COVID se transmet par les mains?
Une menace réelle
De nouveaux variants inquiétants sont à nos portes.
Pendant ce temps, la rentrée des classes a eu lieu et ce n’est que maintenant que les enfants âgés de 6 mois à 4 ans sont autorisés à recevoir leur première dose de rappel. Un deuxième rappel sera enfin autorisé pour les enfants de 5 à 11 ans ne présentant pas de risque élevé, plus d’un an après le premier.
Quand on sait que 70 % de la transmission intra-familiale est attribuable aux enfants, les protéger devrait être la priorité de tous, et pas une mesure accessoire.
Les hospitalisations dues à la COVID sont déjà en hausse au Canada.
Les médias américains nous annoncent ce qui nous attend. Certains conseils scolaires du Kentucky et du Texas ont déjà annulé les cours en personne en raison de la COVID, de la grippe et de la pharyngite à streptocoque, à peine quelques semaines après la rentrée scolaire.
Écouter la science, bannir la désinformation et éviter les vœux pieux
Les autorités provinciales et territoriales doivent tenir compte des données scientifiques les plus récentes et adopter les meilleures mesures préventives utilisées ailleurs. Il est temps d’agir et de protéger les enfants, leur famille et leur collectivité d’une nouvelle triple épidémie catastrophique.
- Le SRAS-CoV-2 est transmissible par voie aérienne. Il s’accumule dans les espaces communs bondés et mal ventilés (comme les salles de classe) et se propage dans l’air, de près comme de loin, comme le fait la fumée des feux de forêt. Le lavage des mains est une bonne pratique de santé publique, mais une mesure quasi inutile dans le cas de virus transmis par l’air.
- Les enfants attrapent la COVID,qui les rend malades. Certains en meurent. Ils transmettent la COVID à leur famille. Le variant Omicron n’est pas « inoffensif », la COVID n’est pas « un simple rhume ». Pendant la deuxième année de la pandémie, en 2021-2022, les hospitalisations COVID chez les enfants de 0 à 4 ans ont augmenté de plus de 600 %, et la COVID-19 était la sixième cause d’hospitalisation. Les enfants de 0 à 4 ans étaient « les moins vaccinés et les plus infectés ».
- La COVID longue est réelle. La COVID longue est rarement mentionnée, mais elle est très fréquente et méconnue chez les enfants. Les enfants ne sont pas épargnés. Chez les 11 à 17 ans, le risque de COVID longue est aussi grand après une réinfection qu’après une première infection. Par ailleurs, chez les adultes et les enfants guéris de la COVID longue, une rechute n’est pas rare lors d’une réinfection.
- L’immunité hybride est un mythe. «L’immunité hybride » voudrait qu’en conjuguant vaccination et infection, on obtienne une immunité supérieure. Non seulement on peut être réinfecté à plusieurs reprises par de nouveaux variants de la COVID qui échappent aux vaccins et évoluent rapidement, mais il est de plus en plus évident que chaque infection semble affaiblir le système immunitaire et rendre plus vulnérable par la suite aux virus, bactéries et infections fongiques.
Ne prenons pas le risque de nuire davantage aux enfants. Comme Karl Lauterbach l’a dit avec justesse l’an dernier, « nous ne savons pas encore ce que cette infection fait au système immunitaire des enfants quand elle survient encore et encore. En tant que société, nous ne pouvons pas courir le risque d’une infection généralisée dans les écoles ».
Signataires
Lyne Filiatrault, MD, Protégeons nOtre Province, Colombie-Britannique
Nancy Delagrave, B.Sc. bidisciplinaire en physique et mathématiques, coordonnatrice de Covid-Stop, Québec
Kathleen Gadd, maîtrise en bibliothéconomie et en sciences de l’information, Protégeons nOtre Province, Nouveau-Brunswick
Heather Hanwell, Ph.D, MSP, M.Sc., directrice d’Ontario School Safety
Jennifer Heighton, B.Sc., professeure, Safe Schools Coalition BC, co-fondatrice de Protégeons nOtre Province, Colombie-Britannique
Amanda Hu, B.A., B.A.A., technicienne certifiée (National Air Filtration Association), Fresh Air Schools, Alberta
Susan Joudrey, Ph.D., Protégeons nOtre Province, Nouvelle-Écosse
Luc Latulippe, conseil consultatif des parents du district de Vancouver, Groupe de travail sur la santé et la sécurité